Qui sont les désinformateurs anti-EVRAS? Et comment opèrent-ils?

Une enquête de la RTBF a identifié les principaux acteurs de la désinformation sur l'EVRAS en ligne. Une nébuleuse constituée de plusieurs pôles.

No Evras
Un tag « No Evras » à l’entrée d’une école vandalisée à Charleroi, le 13 septembre 2023 ©BelgaImage

Ce vendredi, on ne compte plus les écoles vandalisées et incendiées. De Charleroi à Liège, des tags ont été inscrits sur les murs de ces établissements, en revendiquant une opposition à l'Evras, cette double animation de deux heures qui devra désormais être donnée en 6e primaire et 4e secondaire dans l'enseignement francophone belge. Qui a commis ces dégradations? Impossible de le savoir pour l'heure. Par contre, le réseau anti-Evras qui agit en ligne, et qui a probablement inspiré les coupables, est de mieux en mieux connu. Loin de se limiter à une simple critique du guide pour une Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle, les individus qui le composent sont à l'origine d'une véritable vague de désinformation sur les réseaux. Une galaxie diverse avec un même but: contrecarrer le décret de l'Evras, pourtant adopté à l'unanimité par le parlement wallon.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Innocence en Danger au centre de la première nébuleuse anti-EVRAS

Ce vendredi, une enquête de la RTBF est parvenue à retracer en détail le réseau des principaux désinformateurs sur le sujet. Certains étaient déjà bien connus des médias, d'autres moins. Parmi ceux-ci, on trouve des complotistes purs et durs, des associations conservatrices, d'autres liées à l'ultra-droite et aux cercles religieux, et enfin quelques individus qui ont émergé lors de ce mouvement anti-EVRAS.

Au milieu de tout ce réseau, on peut dessiner grosso modo plusieurs pôles. L'un des plus importants est visiblement celui centré autour d'Innocence en Danger, une organisation d'origine française qui se présente comme luttant contre les violences faites aux enfants. Sa déclinaison belge a été constituée par l'asbl Resanesco, dont le fondateur, Verlaine Urbain, était originellement investi dans la permaculture avant de s'intéresser à la défense des enfants contre les abus sexuels. Il a ensuite tissé toute une série de relations avec des groupes anti-EVRAS.

Parmi ces relations d'Innocence en Danger, on trouve L'Observatoire de la petite sirène, un collectif qui s'oppose à la transition de genre pour les mineurs et qui est connu pour être proche de La Manif pour tous. Cet observatoire a adressé une pétition anti-EVRAS à la ministre de l'Éducation Caroline Désir, et sa co-directrice, Sophie Dechêne, a contribué à l'exposition du grand public à la désinformation sur le sujet suite à son interview par RTL en décembre 2022. Un recours contre l'EVRAS a été introduit par Innocence en Danger et L'Observatoire de la petite sirène.

Innocence en Danger a aussi des liens avec Frédéric Goaréguer, et plus précisément avec ses deux sites: le "média alternatif" Zèbre (anciennement BioTempo), qui a diffusé des contre-vérités sur l'EVRAS (par exemple en relayant la voix de la philosophe et psychopathologue française Ariane Bilheran), et le site Sauvons nos enfants, qui associe éducation à la vie sexuelle et pédophilie et qui invite les parents à diffuser une "lettre type" anti-EVRAS dans les écoles.

La RTBF place également une nouvelle venue dans le cercle proche d'Innocence en Danger: Elise Malengreau, une mère de quatre enfants professeure de mathématiques. Ses vidéos anti-EVRAS, qui relaient plusieurs erreurs, jouissent d'un certain succès, notamment sur WhatsApp.

Enfin, Innocence en Danger est liée à un autre site, Démocratie Participative, elle-même liée au mouvement Zone Libre du Bruxellois Daniel de Wolff. C'est cet autre ensemble qui a organisé l'impression de 500.000 flyers anti-EVRAS à distribuer dans les écoles.

Le recyclage de l'ancien pôle Covid

Si Daniel de Wolff se fait aujourd'hui remarquer pour sa lutte anti-EVRAS, c'est avec un tout autre sujet qu'il s'est fait connaître: son opposition aux politiques sanitaires anti-Covid. Il a ainsi tissé des liens avec plusieurs acteurs complotistes qui avaient propagé des théories conspirationnistes lors de la crise sanitaire.

Parmi ces relations, citons notamment Nicolas Lefèvre, le fondateur de la page Facebook de Bon Sens Belgique. Comme Daniel de Wolff, il est depuis passé au mouvement anti-EVRAS, en assurant que les défenseurs de l'éducation sexuelles seraient motivés par l'argent et des intérêts pédophiles.

Même topo pour le collectif Notre Bon Droit, anciennement opposé à la gestion de la crise sanitaire. Aujourd'hui, sa chaîne Telegram relaye des contenus anti-EVRAS.

Enfin, un autre acteur du pôle Covid, c'est le site Kairos d'Alexandre Penasse, connu pour avoir été très actif dans la sphère complotiste lors de la crise de 2020. Il a récemment retransmis en direct une manifestation anti-EVRAS organisée devant le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

L'ultra-droite et les mouvements religieux sont de la partie

C'est lors de cette manifestation que sont apparus d'autres acteurs, cette fois-ci connus pour être des conservateurs convaincus. Parmi eux, on trouve l'association d'extrême-droite catholique Civitas, qui a été récemment dissoute en France et qui possède une déclinaison belge connue pour ses positions anti-EVRAS, notamment sur Telegram.

Des dizaines de musulmans étaient également sur place lors de la manifestation. C'est dans cet autre groupe religieux que l'on trouve une femme, Radya Oulebsir, qui apparaît toujours voilée et qui a relayé sur sa chaîne Youtube la tenue de ce rassemblement. Elle se bat depuis des années contre les animations EVRAS.

Si des institutions islamiques ont fait connaître leur opposition à l'EVRAS (et ont ainsi pu inciter des musulmans à manifester), la RTBF note toutefois que celles-ci semblent a priori absentes des réseaux de désinformation sur les réseaux sociaux. Elles ne semblent donc pas être des acteurs en ligne et aucun lien n'a pu être établie entre elles et les différentes personnalités ou sites cités ici.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité