Dimanche sans voiture: l'opération rapporte-elle à l'économie?

Certains élus veulent multiplier les dimanches sans voiture en présentant un bilan économique positif. D'autres sont plus mitigés. Mais qui a raison?

Dimanche sans voiture à Bruxelles
La Rue Royale lors du dimanche sans voiture, à Bruxelles le 18 septembre 2022 ©BelgaImage

"Un grand succès": voilà le bilan du dimanche sans voiture dépeint par la ministre bruxelloise de la Mobilité, Elke Van den Brandt (Groen). Selon elle, "la plus-value sociale et économique de cette journée sans voiture était à nouveau très claire" et les retombées seraient si positives que cela lui a donné une idée: "proposer un dimanche sans voiture chaque mois". Elle a déjà soumis l'idée aux bourgmestres, "en commençant avec un second lors de la Fête de l’Iris en mai", sans parvenir à les convaincre pour l'instant. Dès lors, qu'est-ce qui coince, si l'opération est bénéfique? Le gain économique d'une telle journée est-il seulement aussi bon que ce qu'affirme la ministre?

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Des coûts précis et des bénéfices plus diffus mais réels

Interrogé par RTL Info à ce propos, le chef de file socialiste bruxellois Ridouane Chahid se montre moins enthousiaste que sa collègue. Selon lui, organiser un dimanche sans voiture, "cela a un coût" qui reste non négligeable. "On parle tout de même de 800.000 euros", assure l'ancien vice-président du conseil de l'administration de la Stib, aujourd'hui à la tête de la commune d'Evere. Pour être plus exact, il s'agit de 776.000 euros, précise RTL Info. Une note qui se décline de la manière suivante: "446.000 euros pour la gratuité de la Stib, 300.000 euros pour la fermeture des routes, et enfin 30.000 euros pour l'encadrement des communes".

L'opération engendre donc des coûts, c'est clair. Mais il y a aussi des gains. Ludivine de Magnanville, présidente de la Fédération Horeca Bruxelles, confirme ainsi à la télévision privée que son secteur bénéficie d'une telle journée, avec des bâtiments horeca ouverts expressément pour l'occasion. Pas de chiffres pour appuyer ses dires, mais elle assure que cela rapporte gros.

Autre point positif: il est possible de limiter le montant à investir pour créer un dimanche sans voiture. "Par exemple, pour obtenir les dérogations, si l'on a un système beaucoup plus organisé et pas juste une fois par an, cela va forcément réduire les coûts", confirme Elke Van Den Brandt. Autrement dit, il est possible qu'une augmentation du nombre de journées sans voiture fasse baisser la note.

Pollution de l'air et sonore: des gains indéniables pour la santé

Mais il n'y a pas que l'aspect purement financier qui compte. C'est ce qu'a rappelé Bruxelles Environnement ce lundi dans un communiqué. Il apparaît ainsi que le dimanche sans voiture a permis d'améliorer grandement la qualité de l'air, "avec des baisses de polluants allant jusqu’à 98%". En regardant au détail, les chiffres montrent que les concentrations de monoxyde d’azote ont été entre 44 et 95% moindres comparé à un dimanche normal, voire de 66 et 98% moindres comparé à un jour de semaine. Ces résultats sont respectivement de 58 et 66% pour le black carbone, et de 44 à 77% et de 60 à 86% pour le dioxyde de carbone (NO2). Les baisses les plus fortes ont été enregistrées sur des grands axes comme le boulevard du Régent.

Le bilan est également très positif pour la pollution sonore, et ce pour les "différentes stations de mesure situées à proximité de voiries", note Bruxelles Environnement. “Par rapport au dimanche précédant l’opération, des réductions importantes ont été observées. Elles sont supérieures à 20 dB (A) pour la station située à proximité de l’autoroute E40 à Woluwe-Saint-Lambert, soit une baisse de la pression acoustique de 99 %. Elle sont assez marquées, de 3,5 et 8 dB (A) pour les stations de la chaussée de Wavre à Auderghem et de l’avenue Houba de Strooper à Bruxelles. Soit une baisse du bruit de fond de 50 à 84 %".

Tous ces détails ont leur importance. À en croire l’Agence européenne pour l’Environnement, l'exposition aux PM 2,5, NO2 et O3 (ozone) a provoqué 5.330 décès prématurés en 2020 en Belgique (voire 8.950 en 2018), tandis que celle à la pollution sonore est responsable de la mort prématurée de 12.000 personnes et de l'apparition de 48.000 maladies coronariennes sur le continent. Évidemment, cet impact sanitaire représente un coût humain non négligeable mais aussi économique au vu des frais de santé sous-jacents.

Accidents: un bilan pas anormal

Bien sûr, la journée sans voiture n'empêche pas la survenue d'accidents de la route. Néanmoins, les chiffres donnés par le Siamu ne semblent pas particulièrement inquiétants.

Selon ces statistiques, il y a eu entre 09h30 et 19h00 pas moins de 238 interventions médicales ce dimanche dans la capitale. Parmi celles-ci, 41 étaient liées à des accidents sur la voie publique, avec des chutes à vélo, trottinette, etc.

Le bilan est mitigé cette année puisqu'en 2022, il n'y avait eu que 32 interventions liées à des accidents sur la voie publique (et 188 au total). Il est toutefois bien meilleur qu'en 2021, lorsque ce chiffre montait à près d'une centaine (et à 255 en tout et pour tout). La RTBF précise à titre indicatif que le dimanche précédant, c'est-à-dire le 10 septembre, les interventions étaient au nombre de 173.

Multiplier les journées sans voiture? Une étude doit d'abord être réalisée, selon le PS

En résumé, organiser des dimanches sans voiture engendre des coûts concrets, mais aussi toute une série de bénéfices souvent difficiles à quantifier précisément, bien qu'ils soient réels. Faut-il en retenir qu'il serait opportun ou pas de multiplier ce type de journées?

Pour l'heure, Ridouane Chahid estime que la proposition d'Elke Van den Brandt "est un peu excessive", même s'il affirme que son parti a "déjà fait savoir à l'ensemble des bourgmestres que nous serions favorables à une deuxième journée sans voiture, par exemple lors de la Fête de l'Iris". "Il faut en connaître l'impact économique. Sur le principe, les bourgmestres n'ont pas marqué de désaccords, mais cela doit être à l'étude", précise-t-il. "Le mieux serait qu'elle soit en week-end et pas en pleine semaine, évidemment. On sait que cela aura un impact sur la mobilité et sur notre économie".

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