Toujours plus de personnes au CPAS : comment l’expliquer ? 

Le nombre de bénéficiaires du revenu d’intégration ne cesse d’augmenter. Comment l’expliquer ?

CPAS
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Après avoir affronté en première ligne plusieurs vagues de crises (sanitaire, guerre, énergie,...) qui ont inexorablement aggravé des problèmes structurels, la Fédération des CPAS wallons a plaidé, jeudi dernier, lors de sa rentrée politique et sociale, pour qu'on lui octroie les moyens de garantir l'accès, pour tous, aux fondamentaux de la dignité humaine: avoir un toit, se nourrir et exercer un travail.

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Un nombre qui a doublé en 20 ans

En chiffres, le nombre de personnes bénéficiaires du revenu d'Intégration (RI) a augmenté d'environ 30% en Wallonie sur la législature communale, à quelque 76.000 personnes, et a doublé en 20 ans. Le constat est similaire à Bruxelles et en Flandre.

Parallèlement, la contractualisation de l'aide sociale s'est généralisée, avec un accroissement considérable de la charge administrative, et le phénomène de non-recours aux droits s'est accentué, les CPAS souffrant d'un déficit d'image et d'attractivité. Le tout sur fond d'accroissement des violences, d'explosion des problèmes de santé mentale - 70% des jeunes précarisés seraient concernés - et de difficultés de recrutement.

Comment l’expliquer ?

Cette augmentation des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale n’étonne pas Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la pauvreté : « Elle est liée aux évolutions institutionnelles et structurelles de la manière dont le pays gère les droits des gens. Il faut renforcer la sécurité sociale, faire confiance aux gens, croire qu'ils ont envie de faire quelque chose dans la vie et proposer du travail de qualité », a-t-elle déclaré à RTL info.

Les crises sanitaires, de l’énergie et de l’emploi n’ont pas aidé à améliorer la situation : « Il y a du travail aujourd'hui mais lequel ? A quelle condition, de quelle qualité ? Est-ce que la santé le permet ? », s’interroge Christine Mahy qui affirme que « personne ne rêve de ce revenu (revenu d’intégration sociale : NDLR) »  et que « la majorité large des gens n’ont aucun désir de pousser la porte d’un CPAS ».

 

Revenir aux fondamentaux

"Malgré ces constats, nos CPAS continuent à faire face et à assurer leurs missions premières. Mais pour les aider à jouer pleinement leur rôle dans le système assistanciel, et donc à assurer à un maximum de citoyens fragilisés de mener une vie conforme à la dignité humaine et une possible mobilité sociale, les CPAS doivent impérativement être soutenus à la hauteur des enjeux", a affirmé le président de la Fédération wallonne.

Cette dernière a dressé une liste de propositions à l'adresse des autorités, sorte de mémorandum régional axé sur l'accès aux droits fondamentaux que sont le logement, l'accès à la nourriture et le travail.

En matière de logements, les CPAS appellent ainsi à lancer un droit de tirage pour la rénovation lourde les logements publics alors que près de 100.000 personnes sont toujours en attente d'un logement; à développer les possibilités de réservation d'habitations pour les CPAS; à revoir les règles d'attribution en laissant une place suffisante à l'ancienneté des candidatures; à instaurer un Fonds régional de garantie locative, au-delà de l'actuel prêt à taux zéro; à généraliser l'expérience Housing First à toute la Wallonie et à investir dans de nouveaux logements d'urgence.

Les CPAS demandent plus de moyens

Pour faire face aux besoins croissants liés à l'accès à la nourriture - en Belgique, quelque 600.000 personnes recourent à l'aide alimentaire chaque année - la Fédération demande davantage de moyens matériels, humains et financiers; une approche plus coordonnée entre acteurs, passant par une rationalisation des fonds publics, une simplification administrative et le principe de confiance envers les autorités locales; un financement du travail en réseau entre tous les acteurs de l'alimentation ou encore une aide logistique pour le dispatching.

Pièges à l’emploi et bas salaires

Reste enfin le travail. "L'insertion socioprofessionnelle fait partie des missions légales du CPAS. En 2022, en Wallonie, le SPP Intégration sociale a recensé 10.303 personnes mises à l'emploi en application de l'article 60, et 320 mises à l'emploi article 61. Les CPAS sont donc actifs et efficaces dans la mise à l'emploi des personnes fragilisées, mais sont confrontés à nombre de difficultés, dont de plus en plus à la question des pièges à l'emploi" rendant le travail moins attractif, a pointé Luc Vandormael.

 

Dans ce cadre, la Fédération des CPAS wallons plaide pour relever les allocations sociales en lien automatique avec la hausse du salaire minimum et pour relever les bas salaires; pour lier les aides à un revenu et non à un statut; pour soutenir les CPAS dans la formation de leurs bénéficiaires et pour gonfler de 15% l'enveloppe de financement article 60 -les aides actuelles ne permettant pas de financer l'intégralité du salaire des personnes engagées.

« La précarisation de la société va beaucoup plus vite que l'évolution de nos moyens »

Ces revendications, dont la plupart ne sont pas neuves, seront-elles cette fois entendues par les autorités régionales? "L'avons-nous été jusqu'ici? Oui et non. Des choses sont faites. Il y a eu le moulin à billets pendant la crise covid. Des appels à projets sont lancés mais ils ont des défauts, dont celui d'octroyer des moyens limités dans le temps. Nous préférerions vraiment des subventions structurelles", a encore estimé le président de la Fédération. "Nous sommes partiellement écoutés mais le problème, c'est que la précarisation de la société va beaucoup plus vite que l'évolution de nos moyens", a renchéri son vice-président, Philippe Noël.

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