
"Il faut croire que les décideurs politiques sont sourds"

Maxime Binet avait déserté les studios de DH Radio ce jeudi pour tenir son émission sur la terrasse d'un bistrot bien connu de Bruxelles. Une capitale qui se dirige vers l'instauration d'un corona pass début octobre. Maxime Binet a fait le point sur la situation avec deux acteurs de terrain directement concernés par la mesure, à savoir Fabian Hermans, administrateur de la Fédération Horeca Bruxelles, et Lorenzo Serra, co-fondateur de Brussels By Night, la Fédération qui regroupe l'ensemble des secteurs du monde de la nuit.
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Concernant le corona pass, Fabian Hermans note qu'on n'a pas encore les modalités précises. "On en a longtemps discuté avec les cabinets. Nous avons demandé si le Covid Safe Ticket devait être d'application à l'italienne, c'est-à-dire sans responsabiliser le cafetier, le restaurateur, l'exploitant. On voudrait que ce soit le client qui reste responsable de son choix. Ce n'est pas qu'on ne veut pas contrôler les clients, mais nous ne sommes pas la police. Nous ne pouvons pas contrôler, demander une pièce d'identité, un document officiel qui règle la vie privée. Bref, nous sommes inquiets par rapport à la forme du Covid Safe Ticket."
Du côté de Lorenzo Serra, on se dit satisfait de l'instauration du corona pass pour les boîtes de nuit. "On le demandait depuis assez longtemps et on est donc satisfait de l'utilisation à présent de ce Covid Safe Ticket. On cherchait des solutions depuis quinze mois, car on n'a jamais été aidé à la hauteur de nos pertes et on était en train de crever. On travaillait depuis mars sur des protocoles de réouverture, qu'on a envoyés début juin au Fédéral." Mais pourquoi cela a donc pris autant de temps à se concrétiser sur le terrain? "Sans doute à cause de plusieurs facteurs", répond notre invité. "Les vacances, les négociations, la différence de points de vue, la démocratie. Il faut savoir que le monde de la nuit est un espace libertaire et on défend la démocratie plus que tout. Le monde de la nuit a toujours fait partie des éléments perturbateurs, qui dérangent le pouvoir et qui questionnent non-stop la société dans laquelle on vit. Donc évidemment, ça nous dérange un Covid Safe Ticket, mais c'est une exception temporaire qui va nous permettre de recommencer à vivre en intérieur en grand nombre".
Concernant l'impact d'un corona pass sur les bars et restaurants, Fabian Hermans assure qu'il est encore impossible de le chiffrer. "La question c'est : comment va réagir la clientèle? Si on part sur un Covid Safe Ticket à l'italienne, c'est le client qui est responsable. Et cela ne nous impacte pas au niveau personnel. A l'inverse, dans une boîte de nuit, il y a un portier, un garde qui laisse passer les clients à l'intérieur et qui peut contrôler. Donc on a défendu l'idée de ce Covid Ticket pour le monde de la nuit. Mais de notre côté, la crainte, c'est la désertion des clients et la non organisation de congrès, séminaires et autres. Et là, il faut absolument trouver la meilleure solution pour tout le secteur."
Lorenzo Serra pointe également du doigt le côté "dérisoire" des aides envers le monde de la nuit depuis le début de la crise. "Cette aide se chiffre à maximum 150.000 euros pour des lieux qui ont parfois jusqu'à 600.000 ou 700.000 euros de dettes."
Que ce soit Fabian Hermans ou Lorenzo Serra, ils adressent un carton rouge aux politiques. "Aujourd'hui, on est à quinze jours du 1er octobre et on ne sait toujours pas si les mesures de soutien vont continuer", explique l'administrateur de la Fédération Horeca Bruxelles. "Elles sont fortement nécessaires pour Bruxelles. La baisse de la TVA par exemple reste primordiale, elle a été très importante jusqu'ici pour sauver l'emploi."
Quant au co-fondateur de Brussels By Night, il dénonce lui la crédibilité du monde politique. "En début de crise, commencer par dire qu'un masque ne sert à rien alors qu'on sait très bien que c'est un geste barrière ultra important, c'est prendre les gens pour des cons. C'était pour cacher une erreur personnelle, celle de l'achat de masques défectueux. Alors qu'il fallait assumer. On accuse aujourd'hui les gens de ne pas se faire vacciner, de ne pas croire à la vaccination, d'en avoir peur et de ne plus croire les politiques qui demandent aux gens de se faire vacciner. Mais si ces mêmes politiques n'avaient pas commencer cette crise par nous mentir, à nous parler de kayak et à dire que les masques ne servaient à rien, alors je pense que les jeunes aujourd'hui écouteraient davantage le politique et songeraient peut-être à se faire vacciner."
Les deux invités regrettent encore que les choses prennent parfois du temps à cause de "négociations internes entre partis". "Il y a clairement des échanges politiques", affirme ainsi Lorenzo Serra. "Je te donne ça, je prends ça. Tout ça prend trop de temps. Par exemple, on va rouvrir le 1er octobre. On nous a promis les protocoles pour le 10 septembre et nous sommes le... 16 septembre. Qui sait rouvrir un établissement fermé pendant un an et demi en... 13 jours. C'est de la blague. Alors est-ce une méconnaissance du terrain de leur part? Peut-être. Mais moi cela fait un an que je leur dis qu'il faudra trois mois pour tout rouvrir. C'est à croire qu'ils sont sourds."