À quel point a-t-on besoin du gaz russe?

Dans l’immédiat, l’impact du conflit ukrainien sur notre sécurité d’approvisionnement devrait être limité. À moyen terme cependant, les enjeux sont plus importants qu’on ne le pense.

gaz russe
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L’escalade du conflit ukrainien aura-t-elle un impact sur le marché énergétique belge? À la radio ce matin, la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten s’est montrée rassurante. Seulement 4 % du gaz consommé en Belgique viendrait de Russie. En comptant le gaz naturel liquéfié, le SPF Économie évoquait plutôt, fin janvier, une dépendance de 6,6 %. « La Belgique fait un peu exception, car elle s’est stratégiquement positionnée comme une plaque tournante du réseau occidental. On est relié par gazoducs aux gisements naturels norvégien et britannique, on est connecté par pipeline aux Pays-Bas. On possède en outre un terminal de gaz naturel liquéfié à Zeebruges. On a accès par bateau méthanier aux sources d’approvisionnement du monde entier. La Belgique peut donc importer par différentes portes », nous explique Laurent Remy, porte-parole du gestionnaire des infrastructures de transport et de stockage de gaz Fluxys.

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Le niveau de dépendance à Moscou peut paraître négligeable, car le gaz russe serait facilement remplaçable. La réalité serait tout de même un peu plus complexe. D’abord, les chiffres européens sont moins favorables. Selon Eurostat, 40 % du gaz consommé en Europe est russe. Si Moscou coupait les robinets, la situation serait donc difficile en Europe et il est évidemment qu’on en subirait les conséquences. On pourrait notamment connaître une hausse des prix, le gaz russe étant moins cher que l’américain, par exemple. Ensuite, la crise ukrainienne nous rappelle que la dépendance générale à des entreprises issues de pays pas tout à fait alliés peut poser des problèmes pour des différends géopolitiques. Aujourd’hui, on évoque l’Ukraine et la Russie. Demain, il pourrait s’agir de l’Algérie, du Qatar, du Nigéria ou même du Royaume-Uni.

L’absence de ressources belges

Alors pourquoi tolère-t-on cette dépendance depuis des décennies? Les Belges sont pragmatiques. En effet, le Royaume n’a pas de ressources naturelles permettant de produire de l’énergie sur son territoire. La Russie, de son côté, jouit de pléthores de ressources de gaz. Ce qui est aussi le cas des États-Unis ou, dans une moindre mesure, des Pays-Bas ou de la Norvège. C’est la raison principale qui a poussé, nous précise la politologue du Centre de recherche d’information socio-politique (CRISP) Fabienne Collard, notre pays vers l’atome il y a une quarantaine d’années. Ce choix a ensuite été remis en question, notamment à cause des déchets nucléaires et des risques d’incidents.

Le renouvelable pourrait également nous permettre d’acquérir une certaine autonomie bien que ce ne soit pas la panacée non plus, notamment en raison de son intermittence (pas de vent, pas d’énergie via l’éolien, par exemple). De plus, il faudrait encore réaliser de très larges investissements. D’après le dernier rapport de la Direction générale de l’Énergie sorti l’été dernier, la part du renouvelable dans la consommation finale s’élevait en 2020 à 12 %. L’objectif de 13 % fixé par la directive sur les énergies renouvelables en 2009 n’a donc pas été atteint. Si le nucléaire reste la première énergie consommée (52,4 % du mix énergétique), on a encore besoin du gaz étranger (environ un quart du mix) pour éviter les black-out. D’autant que nos besoins ne diminuent pas de façon absolue. Cela fait dix ans que la consommation finale tourne autour des 40 mégatonnes équivalent pétrole. En 2020, on était à 38,4 Mtep, mais l’année était particulière et des industries ont notamment tourné au ralenti. « Cette stabilité est encourageante, car on pourrait penser que la consommation finale augmente en raison notamment de l’évolution démographique », précise Stéphane Bocqué, de la Fédération belge des entreprises électriques et gazières (Febeg).

Moins de nucléaire, plus de gaz russe ?

Ces prochaines années, la dépendance à la Russie pourrait s’accentuer. C’est évidemment tout l’intérêt du gazoduc Nord Stream 2 dont le démarrage a été suspendu suite à la reconnaissance par Vladimir Poutine de l’indépendance des républiques autoproclamées en Ukraine. Pour rappel, il doit relier la Russie à l’Allemagne et doubler la livraison de gaz naturel produit par Gazprom vers l’Europe. La sortie belge du nucléaire pose par ailleurs des enjeux de taille. Le mécanisme de rémunération de la capacité (CRM) prévoit la construction de centrales gaz sur le territoire belge. Il faudra bien les alimenter. Sans compter qu’en raison de la transition environnementale de l’Union européenne, il est déjà prévu une baisse, voire la fin, des livraisons de gaz venant des Pays-Bas, de la France et de l’Allemagne. Pour compenser, on pourrait toutefois se passer de l’aide de Moscou et se tourner vers d’autres partenaires.

Pour conclure, Stéphane Bocqué nous rassure : « Le mieux est évidemment d’avoir de l’énergie chez nous. Mais pour diminuer notre dépendance énergétique, on peut électrifier les choses. Par exemple, une voiture électrique demande moins d’énergie qu’une voiture à moteur thermique. On peut aussi produire davantage avec le renouvelable. Surtout, il faut pousser l’efficacité énergétique et baisser notre consommation. Il y a du travail, notamment au niveau de l’isolation du bâti. » Car moins on consommera, moins on sera dépendant des importations…

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