Superéthanol à 0.9€: pourquoi n'est-il pas vendu chez nous?

Vendu en France à 0,9 € le litre, ce biocarburant n’est pas commercialisé en Belgique. Son arrivée aurait pu soulager le portefeuille des automobilistes. Mais sans doute pas la planète.

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2,28 € maximum le litre de diesel. 1,95 € le litre d’essence E10… Pour le portefeuille des Belges, la hausse du prix des carburants, qui s’ajoute maintenant à celles du gaz et de l’électricité, constitue un mélange explosif. Dans ce contexte, de nombreux automobilistes seraient tentés de lorgner de l’autre côté de la frontière. En France, la consommation du superéthanol ou bioéthanol (E85) est en effet grandissante.

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Souvent présenté comme plus « vert », ce carburant est vendu chez nos voisins à un prix défiant toute concurrence : entre 70 et 90 centimes le litre. Contenant de 70 à 85% d’alcool d’origine agricole (d’où le code E85) le superéthanol contient beaucoup plus d’éthanol que d’autres carburants, comme l’E10 (qui en contient… maximum 10%). Il est produit à partir de betteraves sucrières, de maïs ou de blé.

Beaucoup moins cher, produit à partir de la biomasse… sur le papier, l’E85 a tout pour lui. À noter toutefois que pour la grande majorité des voitures à essence (il n’est pas compatible avec un moteur diesel), ce biocarburant s’avère trop corrosif. Certaines marques (Ford, Dacia, Renault, Opel) proposent quelques modèles aux moteurs compatibles, dits « flexuel », mais cela reste encore marginal. Un boitier permet d’adapter quasiment tous les véhicules à essence, mais l’opération a un coût, entre 700 à 1600 euros.

Le rendement énergétique du superéthanol est également plus faible, et induirait une surconsommation de l’ordre de 25% ; en d’autres termes, vous parcourrez moins de kilomètres avec un litre d’E85 qu’avec un litre d’E10.

"Pas le bon message"

Malgré ces contraintes, certains Belges n’hésiteraient plus à franchir la frontière pour aller faire le plein outre-quiévrain. En 2019, l’ancienne ministre de l’Energie, Marie-Christine Marghem (MR) avait ouvert la voie à une possible commercialisation de l’E85. Trois ans après, il n’est toujours pas possible d’en trouver en Belgique. Et cela ne devrait d’ailleurs pas changer, comme nous l’a confirmé le cabinet de l’actuelle ministre de l’Energie, Tinne Van der Straeten (Groen).

Proposer du superéthanol côté belge, (qui, rappelons le, contient minimum 15% d'essence), ne serait « pas le bon message envoyé au consommateur » nous explique-t-on. Et ce, au regard des objectifs climatiques mis en avant par la Commission européenne: l’Europe vise en effet 55% de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre pour 2030 (par rapport à 1990). La neutralité carbone, quant à elle, est annoncée pour 2050.

Du côté de la Brafco, la fédération belge des négociants en combustibles et carburants, on qualifie le positionnement belge de « dogmatique ». « Autoriser la commercialisation de l’E85 permettrait justement d’offrir une alternative aux énergies fossiles », déployable massivement et à moindre coût, avance Olivier Neirynck, directeur technique à la Brafco. Une alternative de surcroit « substantiellement » moins chère, selon lui.

Moins vert qu'il n'y paraît

Au cabinet de Tinne Van der Straeten, on met en avant les investissements « coûteux » qui seraient nécessaires à l’arrivée de l’E85 en Belgique, tant pour les particuliers que pour le secteur.  D'autant que pour garantir des prix bas, il faudrait, comme en France, « subventionner » le superéthanol, en limitant les accises prélevées par l’Etat. « Dans l’optique de la transition énergétique, nous pensons qu’il vaut mieux encourager l’utilisation de la biomasse dans d’autres filières, comme celle de la production de plastiques biosourcés », explique-t-on au cabinet. En clair : ne pas donner de coup de pouce à l’utilisation de moteurs thermiques, alors que les véhicules électriques sont appelés à se généraliser.

Surtout, l’avantage environnemental de l’E85 reste questionnable. Selon une évaluation de la Commission européenne, rouler au bioéthanol à base de blé génère seulement 3 % de CO2 en moins que l’essence fossile, en prenant en compte le CO2 nécessaire à la production et à la transformation de la céréale (mise en culture de davantage de terres, etc.).

Selon Inter-Environnement Wallonie (IEW), le gain de réduction serait plus important (environ 45%) pour l'E85 à base de maïs ou de betterave; mais la production de ce biocarburant fait également concurrence à la production alimentaire. Une autre donnée à prendre en compte dans le bilan environnemental et social du superéthanol….

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