Fin des moteurs thermiques neufs d'ici 2035: voici ce que cela va impliquer

La voiture électrique deviendra la norme d'ici 2035. Mais cette mutation du parc automobile pose de nombreuses questions.

voiture électrique en charge
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D'ici le premier janvier 2035, plus aucune voiture thermique neuve ne pourra être vendue sur le Vieux Continent. Cette décision entérinée ce mercredi au Parlement européen doit permettre de rentrer dans les clous de la neutralité carbone fixée pour 2050.

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En Europe, la voiture thermique représente encore plus de 60% «des émissions totales de CO2 dues au transport routier en Europe», constate le Parlement sur son site.

De nombreux enjeux

Si la théorie est alléchante, la mise en pratique semble moins reluisante. «L'Union européenne vient de prendre une décision parce que nous sommes au pied du mur. Elle a l'avantage de créer un électrochoc. Et sans doute que si on laisse une porte ouverte pour l'utilisation d'énergies fossiles, cela retardera les objectifs. Mais en prenant cette mesure, on limite le champ des possibles. On limite la recherche et le développement dans d'autres technologies», constate Francesco Contino, professeur à l'Ecole polytechnique de l'UCLouvain, expert en transition énergétique et en combustibles alternatifs.

Le moteur à hydrogène, à l'ammoniac ou encore les technologies permettant de capter directement le CO2 sont encore balbutiants. Mais dorénavant, toutes les forces vives seront déployées dans les voitures électriques.

Le marché sera-t-il prêt?

«Ce que l'Union européenne a décidé, c'est de changer une technologie par une autre. Mais rien ne garantit à ce jour que le marché sera prêt en 2035 pour répondre aux besoins, note Francesco Contino. Aujourd'hui déjà, on parle de délais de livraison retardés à 2023 concernant les voitures électriques alors que la demande est famélique. Sera-t-on prêt d'ici 13 ans? Certains constructeurs l'affirment, mais personne ne peut en avoir la certitude. L'Europe y va au feeling, parce qu'elle n'a plus le choix.»

De nombreux constructeurs ont pris les devants. Dès 2024, les voitures Alpine du Groupe Renault sortiront en électrique. En 2025, ce sont les productions de Jaguar-Land Rover qui n'auront plus de pot d'échappement. Pour Bentley, Fiat, Ford, Mini, Peugeot, Volvo ou encore Mercedes, ce sera pour 2030. Mais de grosses cylindrées comme BMW, Citroën, Dacia, Kia ou Ferrari n'ont pas encore annoncé vouloir braquer à 180 degrés.

des voitures électriques de VW

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«Tout le monde n'y aura pas accès»

Quoi qu'il en soit, la transition ne se fera pas en deux coups de cuiller à pot. «Pour qu'une telle révolution fonctionne, il faut travailler sur trois facteurs: l'efficacité, l'accessibilité et la sobriété. Ce dernier point est totalement oublié. On pense que l'on va remplacer les 5 millions de voitures du parc automobile belge par des voitures électriques. L'Europe pense que la voiture électrique va pourvoir absorber les 300 millions d'automobiles en activité sur son territoire. Mais c'est un leurre. Demain, il y aura moins de voitures sur nos routes, il faut en prendre conscience. Ce que nous allons vivre, c'est une transformation majeure de la manière de nous déplacer. Cela signifie un bouleversement de nos modes de vie. Il faudra rouler moins et rouler mieux. La bonne solution serait de travailler à revoir le modèle en profondeur. Pourquoi ne pas envisager un quota de kilomètres par an? Il faut réinventer notre manière de percevoir les choses.»

Se rapprocher de son lieu de travail, utiliser les transports en commun, la marche, le vélo... Le Belge devra composer avec cette nouvelle manière d'envisager ses déplacements.

Pour ce qui est de l'accessibilité, l'expert en est convaincu: «Le virage vers le tout électrique créera de nouvelles inégalités entre les territoires et les classes sociales. Tout le monde n'y aura pas accès». Il précise: «Je ne pense pas que l'on puisse envisager aujourd'hui une démocratisation de la voiture électrique grâce à une masse critique de la demande. Les batteries sont constituées de matières premières relativement rares. Une augmentation de la demande va créer une tension énorme sur ces marchés. Les prix risquent de rester élevés. Et ce que l'on sait aujourd'hui, c'est que 90% des matières nécessaires sont raffinées en Chine. Nous allons nous mettre dans une situation de dépendance qui pose de nombreuses questions d'un point de vue géopolitique.»

D'où viendra cette électricité ?

Pas de garantie sur les capacités de production, pas de vision stratégique sur une nouvelle politique de mobilité, matière première entre les mains d'une grande puissance mondiale... Le tableau dressé calme les enthousiasmes.

Et à ces grandes interrogations viennent se greffer d'autres questionnements. Les bornes de recharges seront-elles suffisantes? Seront-elles assez puissantes? En 2021, 8.482 bornes étaient disponibles en Belgique, dont 476 seulement proposaient une puissance de 50kW, permettant de recharger 80% de sa voiture en 30 minutes.

Il faudra encore trouver la bonne formule pour que le réseau électrique puisse absorber cette nouvelle demande. «Et surtout, il faudra voir d'où vient cette énergie. S'il faut recharger sa voiture avec de l'énergie qui n'est pas verte, nous n'aurons rien gagné à cette transition», conclut Francesco Contino.

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