
Payer seulement 5€ lors de la régularisation de sa facture d’énergie? Attention à cette fausse «astuce»

C’est un «bon plan» qui a été massivement partagé ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Vous êtes pris à la gorge par l’envolée des prix de l’énergie ? Vous redoutez l’arrivée de votre facture de décompte ? Ce post Facebook vous conseille : «Continuez à payer vos acomptes d'avant les augmentations. Personne ne peut vous obliger à augmenter votre acompte et c'est vous rien que vous qui décidez de ce montant». «Quand vous recevez votre régularisation, continue l’auteur du texte, vous payez 5€ (pas plus) ainsi vous êtes dans votre droit vu que vous avez payé. Attendez le rappel et repayez 5€ et ainsi de suite. Personne ne pourra rien faire vu que vous payez. Administrativement, cela va créer un tel bordel que les sociétés seront obligées de diminuer leurs tarifs. Ces sources viennent des avocats de test achat [sic]».
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Sauf que non, ce «conseil» ne vient clairement pas de chez Test Achats. Et pour cause, il pourrait vous exposer à des poursuites judiciaires. L’association de défense des consommateurs a en effet prévenu : «Cette ‘astuce’ est fausse et peut vous apporter des problèmes. Ce message ne vient pas de chez nous, aucun avocat ne conseillerait ceci».
Rupture de contrat unilatérale
Vu l’explosion des prix sur les marchés du gaz et de l’électricité, bon nombre de fournisseurs proposent à leurs clients d’augmenter leurs acomptes sur base d’une estimation fournie, ou laissent au consommateur la possibilité d’adapter lui-même le montant.
Certes, l’auteur du post a raison de souligner que votre fournisseur ne peut pas unilatéralement augmenter le montant de vos factures d’acomptes (c’est interdit depuis mars 2022), et ce, même dans le cas d’un contrat variable. Rien ne vous oblige à payer tout de suite la différence entre les acomptes fixés avant la crise et les montants ajustés par le fournisseur. Cela vous expose toutefois à une surprise potentiellement très désagréable, puisque cette différence, il faudra bien la payer, à l’arrivée de votre facture annuelle de décompte, qui correspond à votre consommation réelle. Et ne payer que 5 euros à chaque régularisation n’aura pour effet que de vous voir accumuler les dettes.
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«Si vous faites ça, vous prenez une disposition unilatérale qui, contractuellement, ne tient pas la route, alertait le porte-parole de Test Achats, Jean-Philippe Ducart. Vous risquez d'accumuler vos dettes et d'entrer dans une procédure contentieuse. Certaines personnes pourraient considérer cette 'astuce' comme un moyen de pression sur les fournisseurs, mais il est très relatif sachant que, de toute façon, vous devrez payer au fournisseur à un moment donné ce que vous lui devez». «Techniquement, vous avez un contrat avec un fournisseur, abondait auprès de l’AFP Laurent Brichet, avocat en droit des sociétés et assurances en région wallonne. Qui dit contrat, dit qu'il faut le respecter. La facture peut être modifiée s'il y a des arguments du client, mais un prix trop élevé n'en est pas un».
À la différence du mouvement Don’t pay, qui affiche la couleur en plaidant résolument et de manière assumée pour déchirer sa facture d’énergie, ce genre d'«astuce» vous expose donc sans avoir l’air de le faire à de potentielles suites judiciaires.
Négociations au cas par cas
Pour ne pas sous-payer de manière structurelle et éviter le coup de massue lors de la facture de décompte, le mieux est encore d’opérer un ajustement sur le montant de vos acomptes. En le négociant ? Chez Luminus, on expliquait au Soir que «si le client n’est pas d’accord avec l’acompte proposé, on recherchera la meilleure solution en concertation avec lui». Et chez TotalEnergies, on disait au quotidien faire preuve de souplesse, en permettant «une diminution d’acompte jusqu’à 20 % en anticipation d’une diminution de la consommation future».
Si la manière d’ajuster est forcément individuelle, Francesco Contino, professeur à l’Ecole Polytechnique de l’UCLouvain traçait quelques lignes directrices à garder en tête pour estimer l’augmentation de l’acompte à réaliser.
L’ombudsman, le médiateur fédéral qui traite les différends entre clients et fournisseurs d’énergie, constate en tout cas une hausse du nombre de plaintes venant des consommateurs. Selon Le Soir, rien que sur les trois premiers mois de 2022, l’ombudsman avait déjà reçu plus de plaintes que sur toute l’année 2021 (10.238 contre 9.088).