
Les organisateurs de Don’t Pay Belgique : «L’objectif est d’installer un rapport de force»

C’est un vent de fronde qui est d’abord venu du Royaume-Uni. Durant l’été, des petits tracts jaunes et noirs sont apparus un peu partout dans le pays, avec en grosses lettres blanches, un message simple et direct : «Don’t pay energy bills» («Ne payez pas vos factures d’énergie»). En moins de deux mois, le mouvement Don’t Pay UK avait récolté plus de 127.000 signataires se disant prêts à faire la grève des factures de gaz et d’électricité.
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Le ras-le-bol face à l’explosion des prix de l’énergie n’étant pas l'apanage des Britanniques, le mouvement a depuis traversé la Manche. Sur les réseaux sociaux, on retrouve plusieurs pages ou groupes Don’t pay Belgique, Don’t pay Belgium… rassemblant des milliers de membres.
Pour donner de la visibilité et relayer ces différentes initiatives, les collectifs «On ne paiera pas» et «Wij betalen niet» ont annoncé lundi le lancement d’une campagne nationale. Devant le siège d’Engie Electrabel à Bruxelles, plusieurs personnes y ont brûlé leurs factures pour signifier symboliquement leur refus de payer des montants «injustifiables» et dénoncer les «profits scandaleux des actionnaires».
Des aides insuffisantes
Malgré son nom, «On ne paiera pas-Wij betalen niet» n’appelle pas obligatoirement à ne plus honorer ses factures énergétiques. «Mais on part d’un constat, nous explique Gilles Grégoire, l’un des organisateurs de la campagne, par ailleurs travailleur dans l’associatif socio-culturel en région liégeoise. Dans la rue, les gens qu’on croise, avec qui on est en contact, disent déjà ne plus pouvoir payer les montants délirants de leurs factures. Cela concerne avant tout les personnes les plus précarisées, mais aussi ce qu’on peut appeler la classe moyenne, des petits commerçants, indépendants, etc. L’objectif avec la campagne, c’est d’abord d’apporter encore plus de visibilité au problème, de montrer qu’il y a déjà des gens qui font la grève des factures».
Mi-septembre puis début octobre, les gouvernements fédéraux et régionaux annonçaient des mesures pour aider les ménages et les entreprises à traverser la crise. Parmi elles, une intervention de 196 euros par mois sur les factures de gaz et d’électricité pour de nombreux ménages, et ce, de novembre jusqu’en mars 2023.
Un coup de pouce jugé complètement insuffisant par Gilles Grégoire. C’est pourquoi «On ne paiera pas-Wij betalen niet» entend passer à l’action, «pour se défendre collectivement». «On est vraiment dans une démarche de solidarité. Le but n’est pas de pousser les gens à se mettre en danger en ne payant pas. On organise des assemblées (l’une a déjà eu lieu à Bruges le 18 octobre, une autre aura lieu le 6 novembre à Liège, ndlr) pour discuter ensemble de pistes de solutions, s’entraider. On va distribuer des brochures pour rappeler aux gens les aides existantes, les astuces possibles pour diminuer sa facture».
Masse critique
À entendre Gilles Grégoire, pas question donc de négliger la voie légale, comme la possibilité de faire appel au CPAS lorsque vous avez des difficultés pour vous acquitter de factures, de négocier avec le fournisseur la hausse des acomptes ou de mettre en place un plan de paiement. «Mais on ne peut pas tabler que sur l’institutionnel pour faire bouger les choses».
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Reste l’arme du non-paiement. «Si je ne paie pas j'ai un problème, si personne ne paie, ce sont les fournisseurs qui ont un problème», aiment dire les organisateurs de Don’t pay. Ceux-ci espèrent donc un soutien suffisamment massif pour pouvoir installer un rapport de force. Car en l’état, cette arme peut très vite se retourner contre son utilisateur, qui peut évidemment s’exposer à des poursuites judiciaires en cas de non-paiement.
Sur la page de la campagne, un compteur recense les personnes qui ont témoigné ne plus pouvoir ou ne plus vouloir payer. Lancé lundi, il est pour l’instant bloqué à 500 signataires. «À titre personnel, je n’ai pas encore choisi si je ne paierai pas, ajoute Gilles Grégoire. Tout dépendra de ma facture de régularisation, que j’attends un peu en croisant les doigts. On verra aussi quel sera l’ampleur du mouvement, parce qu’effectivement, on ne peut être fort que collectivement. Je ne pars pas du principe que je ne paierai pas. Après, je ne vous cache pas que dans le contexte actuel, avec des groupes énergétiques qui reversent des énormes dividendes à leurs actionnaires, ça ne me donne pas trop envie de payer. Au-delà de mesures urgentes pour vraiment faire baisser le niveau des factures, ce qu’on demande avec Don’t pay, c’est donc aussi de s’attaquer structurellement aux prix de l’énergie. Pour nous, il faut clairement revenir sur la libéralisation du marché de l’énergie», conclut-il.