

Patrick Pouyanné avait sûrement imaginé son mois d’octobre moins tumultueux. Parti aux États-Unis au début de l’automne pour son traditionnel “road show”, le grand patron de TotalEnergies avait de quoi voyager l’esprit léger: les bénéfices de la multinationale française ne pouvant que faire sourire ses actionnaires américains. 2,6 milliards d’euros de dividendes leur seront d’ailleurs versés d’ici la fin de l’année. Le retour dans l’Hexagone s’est révélé moins festif. À peine descendu de l’avion, les dossiers s’empilent pour le cinquantenaire à la tête de 102.000 employés.
D’abord, la grève des salariés français qui réclament leur part du gâteau. Ensuite, une plainte déposée contre l’entreprise pour “complicité de crimes de guerre” en Russie. Sans compter les polémiques qui s’enchaînent concernant les mégaprojets en Tanzanie et en Ouganda, censés extraire et transporter des tonnes d’hydrocarbures dans un futur proche. Alors, quand les voix s’élèvent la semaine passée pour dénoncer la hausse de son salaire de 52 % en 2021, Patrick Pouyanné se dit “fatigué”...
Pour tenter de calmer les esprits, le patron a proposé d’augmenter ses salariés français de 7 % à partir de novembre. Reste que le fleuron de l’énergie est lynché de toutes parts. Ses superprofits accumulés en pleine crise énergétique, ses liens avec la Russie et ses investissements massifs dans les énergies fossiles alors que la planète brûle passent très mal. Celui qui veut devenir l’un des premiers producteurs mondiaux d’électricité renouvelable d’ici 2030 n’entend pas pour autant diminuer sa production d’hydrocarbure. Cette année, TotalÉnergies a mis 4 milliards de dollars dans l’éolien et le solaire, mais 10 milliards rien que dans son mégaprojet polluant EACOP.
Une “bombe climatique” (dixit les ONG environnementales) sous forme d’oléoduc long de 1.445 kilomètres, chauffé à 50 degrés, pour transporter le pétrole foré en Ouganda jusqu’au port de Tanga, en Tanzanie. En février dernier, à quelques jours de la parution du nouveau rapport du Giec, Patrick Pouyanné a donné son accord définitif pour lancer le chantier. En plus de profondément bouleverser l’habitat des peuples et des animaux sur place, le projet promet de déverser des millions de tonnes de CO2 dans l’air chaque année. De quoi continuer de placer TotalEnergies en tête des entreprises fossiles ayant émis directement et indirectement le plus de gaz à effet de serre depuis 1965. L’entreprise est aujourd’hui responsable de près de 1 % des émissions mondiales. Vous avez dit renouvelable?
Les villes de Paris et New York ont d’ailleurs décidé d’assigner TotalEnergies en justice mi-septembre, pour dénoncer ses efforts trop faibles en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Elles viennent s’ajouter à une procédure enclenchée début 2020. La multinationale de Pouyanné, elle, dit “regretter la démarche contentieuse engagée”, considérant que son engagement pour le climat est “concret et massif”…