Dark stores, seconde main, hard-discount... Quel est le futur du commerce ?

Expansion des magasins clandestins, seconde main étendue à toutes sortes de produits, commerces de niche à la fois en ligne et physiques… L’avenir est incertain mais les nouveaux commerçants ne manquent pas d’idées.

dark store le futur des magasins?
Getir, un concept de “dark store” promettant de livrer à prix serré des courses en dix minutes. © BelgaImage

La tendance pérenne pour les années à venir, c’est le déplacement du retail vers du low cost. “Les prix vont continuer à augmenter et on va se tourner de plus en plus vers du moins cher”, assène Pierre-Nicolas Schwab, fondateur de l’institut d’études IntoTheMinds. Entre-temps, le phénomène des dark stores et des dark kitchens, ces magasins et cuisines installés dans des hangars à l’abri des regards, pourrait s’intensifier. Hors la loi, ces commerces qui livrent à domicile après des commandes réalisées en ligne via les réseaux sociaux et une appli, ne paient pas d’impôts. C’est tout bénéfice pour ceux qui les font vivre. Les enseignes comme Gorillas, Flink ou Getir et Cajoo sont déjà à l’œuvre, promettant de livrer à prix serré des courses en dix minutes, le temps de faire cuire ses pâtes et de recevoir son fromage râpé, par exemple. Si les villes de Paris ou de Lyon sont en train de légiférer pour les interdire, rien de tel encore en Belgique alors qu’on en trouve à Liège et à Bruxelles. Ils livrent des denrées alimentaires ou alors des plats préparés de niche comme Nikei qui propose une cuisine japonaise avec des ingrédients péruviens.

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Les nouveaux commerçants - les hybrides qui exercent en ligne, avec des réseaux hyperdéveloppés et en boutique - sont un phénomène qui a émergé après le Covid et qui devrait fleurir dans les années à venir. “C’est la nouvelle proximité, explique Jean-Luc Calonger, président fondateur de l’AMCV, association du management de centre-ville. Ce sont des commerces de niche ou à haute valeur ajoutée qui s’adressent à une population éduquée qui cherche de la qualité. Ils sont le plus souvent conçus par des universitaires qui ont fait une carrière, ont voyagé, ont des idées et qui se convertissent en emmenant leurs réseaux bien fournis au départ.” Ils misent sur la qualité et des produits différents. “Leur proximité est avant tout digitale. Ils ouvrent en fonction de la météo et communiquent en ligne leurs heures d’ouverture.

De moins en moins de choix

La location devrait se développer. Des formes de leasings privés existent déjà pour les voitures. Cela émerge pour les vêtements. D’autres produits suivront. La grosse tendance du futur, c’est le marché de la seconde main. “Ce ne sera plus réservé au vintage et au haut de gamme. N’importe quel produit le plus banal sera disponible. De nouvelles solutions en seconde main vont se créer. Ce sera bon pour la planète mais moins pour le PIB parce qu’il y aura moins de production”, explique Pierre-Nicolas Schwab, leader de l’institut d’études de marché IntoTheMinds. Cette tendance est déjà à l’œuvre: les voitures sont utilisées plus longtemps et les smartphones aussi. Cela va s’étendre à tout. Le futur sera vertueux: on luttera contre l’obsolescence programmée, mais de manière forcée.

Sauf que si le consommateur décide encore de ce qu’il veut manger, ce ne sera bientôt plus le cas. “On trouvera progressivement de moins en moins de choix alors qu’un supermarché compte plus de 20.000 produits différents. Ce n’est déjà pas le cas chez Aldi”, prédit Pierre-Alexandre Billiet, économiste chargé de cours à la Solvay Business School et CEO de Gondola. Et pour cause. On risque d’avoir un revirement de situation d’ici à peine 3 à 5 ans. “Il n’y aura plus assez de production de viande bovine belge pour toute la population. On va assister à un manque de production alimentaire locale. Toute l’Europe est concernée avec un appauvrissement des sols: on estime qu’il ne reste plus assez de richesses dans les terres que pour 65 récoltes.” 69 % des agriculteurs ont disparu en Belgique ces dernières années. Et ça ne va pas s’arrêter. “La crise alimentaire sera similaire à la crise des banques: seuls les très grands survivront. On ne mourra pas de faim demain mais l’accès à certains types de protéines, légumes et fruits sera restreint”, analyse Pierre-Alexandre Billiet.

De l’écolo à marche forcée

Est-ce que les gens vont prendre goût au discount et au hard-discount? On peut imaginer qu’ayant fait le pas vers du moins cher, cela sera difficile de revenir en arrière, s’interroge Nicolas Lambert, expert en consommation durable et auteur de l’essai Le marketing peut-il sauver le monde? Selon lui, cependant, le consommateur n’est pas (seulement) rationnel et est (souvent) conscientisé. Et puis, le développement devrait plutôt venir de l’offre que de la demande. Les producteurs ont la main pour intégrer la durabilité dans leurs produits. On l’a vu avec le cacao fairtrade. Les chocolats Galler, qui ont clairement leurs aficionados, ont basculé totalement dans le fairtrade et la demande a suivi le mouvement. On pourra ainsi miser, selon Nicolas Lambert, sur un développement de l’offre qui changera les habitudes. “Les gouvernements pourront aussi agir sur la stimulation de la demande comme ils le font en voulant supprimer les taxes sur les fruits et légumes. Les entreprises devront aussi être plus strictes sur la provenance de leurs ingrédients.

Mais ce n’est pas tout. Les retail parks vont devenir des lieux mixtes avec des commerces et des logements passifs ou à valeur environnementale ajoutée. Les parkings seront en silos pour éviter les grandes surfaces macadamisées comme on les connaît actuellement et qui sont nocives pour l’environnement. Bref tout ce que le monde du retail a fait pendant quarante ans en dépit du climat, il le fera à l’inverse. “Ils mettront l’accent sur la rénovation urbaine pour supprimer les passoires énergétiques ou les îlots de chaleur, appuie Jean-Luc Calonger. Le retail, qui ne pourra plus se développer au niveau des enseignes, veut aller vers ce nouveau concept que le politique va adouber parce que ce seront des beaux quartiers écologiques.

Les espèces feront de la résistance

En 2022, 48 % des paiements ont été réalisés via carte bancaire. Ce n’était que 30 % en 2019. La tendance va s’accélérer. “Le Covid a beaucoup aidé à se séparer des liquidités, en particulier les paiements sans contact. Les paiements par téléphone gagneront du terrain même s’ils ne représentent encore que 7 % de l’ensemble des paiements. Mais quoi qu’on développe en termes d’applis, les espèces résisteront. Le paiement dématérialisé n’est pas naturel pour toute la population. Le fantasme d’une économie sans espèces, c’est de la science-fiction”, prédit Alexandre Desoutter, porte-parole de HelloSafe.

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