
Immobilier : 5 conseils pour faire de votre habitation une maison passive

Le déclic n’est pas aussi franc qu’on pourrait le penser. Lors des dix premiers mois de 2022, les propriétaires ont même réalisé un peu moins de travaux de transformation énergétique dits “en profondeur” qu’en 2021. Cela, souligne l’économiste de l’UGent Johan Albrecht qui a analysé les chiffres de Statbel, malgré l’explosion des prix de l’électricité et du gaz, et les nouvelles politiques wallonnes et bruxelloises. Ainsi, les nouvelles constructions doivent se rapprocher du “standard passif” sous peine d’amendes administratives. Quant aux logements existants, il n’y a pour l’heure aucun système répressif, outre le gel de l’indexation des loyers des mauvais PEB. Par contre, des incitants sous forme de primes ont été mis en place. La législation est cependant amenée à se renforcer. Pour respecter le Green Deal européen, la Belgique doit en finir avec ses passoires énergétiques, soit quasiment 1,5 million d’habitations en Wallonie et à Bruxelles, d’ici 2050.
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Heureusement, la moitié des propriétaires envisagent d’améliorer la performance de leur maison ou appartement d’ici 2027. Certes, cela a un coût. D’après BNP Paribas Fortis, il est de 21.000 euros en moyenne. Selon divers experts, pour passer d’un PEB G à A, soit la situation la plus extrême, la note peut grimper à 100.000 euros pour 150 mètres carrés. Rappelons évidemment qu’il s’agit moins d’une dépense que d’un investissement à long terme. Hubert Sauvage, architecte de la coopérative wallonne Architecture et Nature, connaît bien les rénovations de ce type. “Le passif n’est malheureusement pas un objectif atteignable pour tous les bâtiments. Par exemple, lorsqu’une façade est orientée nord, c’est compliqué. Cela étant dit, il y a très souvent d’importantes améliorations possibles”, avertit-il d’abord.
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Florence Hoorickx, fondatrice de FH Architecte, connaît mieux le marché bruxellois. “Il est plus simple d’atteindre du passif avec une nouvelle construction, mais c’est possible avec de l’ancien. Il est même essentiel de rénover les vieilles bâtisses.” Elle pointe différents niveaux de rénovation. Pour elle, les propriétaires devraient d’abord se préoccuper des châssis, de la chaudière et du toit. Ensuite, de l’isolation des façades et des planchers. Enfin, pour atteindre un PEB A, de la ventilation et de la production domestique d’énergie.
Voici les tuyaux de nos experts, point par point…
Une triple bien chaude
Commençons par les fenêtres. Elles sont responsables de 10 à 15 % des pertes de chaleur. Il est donc important de choisir des fenêtres à double ou triple vitrage, avec un coefficient de transmission thermique inférieur à 1,4 W/m²K (à vérifier avant de commander vos nouvelles vitres). “Le triple vitrage est plus performant, mais il n’est pas toujours nécessaire selon les objectifs, car tout le monde ne cherche pas du passif total. Le simple vitrage n’est plus jamais utilisé”, commente-t-elle. Côté châssis, les matériaux les plus courants sont le bois, l’aluminium ou le PVC. Ce dernier est souvent considéré comme le meilleur isolant contre la chaleur et le froid.
Pomper ou gazer
Ensuite, le chauffage. Sorin Lungan est ingénieur civil et fondateur de l’entreprise Logement Durable. Selon lui, les propriétaires qui possèdent un jardin peuvent opter pour une pompe à chaleur, mais une telle installation peut coûter jusqu’à 22.000 euros. “Évidemment, la pompe à chaleur est bien plus durable et moins énergivore. Ça peut être un investissement à long terme”, constate Sorin Lungan. Le prix est un frein important. C’est pourquoi la plupart des ménages optent pour une chaudière gaz à condensation, ce qui revient à environ 5.000 euros, mais elle émet des gaz à effet de serre…

© Kanar
Une maison dans son cocon
Passons à l’isolation. S’il faut choisir, il est toujours conseillé de commencer par le toit. Le mieux est toutefois de tout isoler en une fois. “Il faut éviter au maximum les ponts thermiques, des zones où la barrière isolante est rompue, ce qui peut causer des déperditions de chaleur”, explique Hubert Sauvage. L’isolation des combles et des plafonds peut être réalisée avec de la laine de verre ou de la laine de roche (30 à 40 cm d’épaisseur) et de la ouate de cellulose ou du chanvre (25 à 30 cm).
L’isolation des murs peut être réalisée par l’intérieur ou par l’extérieur, en fonction des possibilités techniques et des règles urbanistiques. En Région bruxelloise par exemple, les façades de nombreuses habitations sont protégées et ne peuvent être modifiées, ce qui complique l’isolation extérieure. Pour une isolation par l’intérieur, on peut utiliser des panneaux isolants en laine de roche, en laine de verre, en chanvre ou en ouate de cellulose, avec une épaisseur recommandée de 12 à 25 cm. Pour une isolation par l’extérieur, des panneaux isolants en polystyrène expansé, en fibre de bois, en liège ou en ouate de cellulose sont recommandés, avec une épaisseur de 10 à 20 cm.
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Enfin pour les sols, les spécialistes conseillent des panneaux isolants en polystyrène extrudé, en laine de verre, en laine de roche, ou en polyuréthane projeté. L’épaisseur recommandée est d’environ 8 à 12 cm. “Les propriétaires doivent décider s’ils préfèrent isoler les murs du sous-sol ou isoler le sol entre le rez-de-chaussée et le sous-sol. Cela dépend si les caves sont amenées à être chauffées ou non. Isoler un sous-sol peut s’avérer complexe lorsque les murs sont contre terre. C’est possible techniquement, mais la note peut être élevée”, explique Florence Hoorickx.
Inspirer, expirer
La ventilation serait trop souvent négligée, or elle est essentielle. Pour assurer une bonne qualité de l’air intérieur, une ventilation adaptée est nécessaire. Il est recommandé d’installer une ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux. “La VMC permet d’extraire l’air intérieur mécaniquement et de le renouveler. Grâce à cela, on évite la condensation et l’humidité, donc les moisissures éventuelles”, insiste Hubert Sauvage. De plus, la ventilation permet de lutter contre la dégradation de la qualité de l’air en filtrant les divers polluants.
Précisons que dans le cadre des nouvelles constructions et de rénovations lourdes, la loi oblige à l’installation de systèmes de ventilation. L’air frais doit être amené dans les pièces “sèches” comme les chambres et le salon et extrait par les locaux “humides” comme la cuisine et surtout la salle de bains. En termes techniques, si vous souhaitez le vérifier dans le cadre d’un achat, un système de ventilation aux normes émet un débit d’air normalisé de 3,6 m3/h par m2.
Un toit ensoleillé
Enfin, il n’y a pas de logement passif sans système de production d’énergie. Les options les plus courantes incluent les panneaux solaires. La pompe à chaleur est une autre source de production domestique. “En théorie, dans le cadre du passif cependant, chauffer n’est pas nécessaire. En cas de basses températures, un petit radiateur d’appoint électrique fait souvent l’affaire”, précise Florence Hoorickx. Et Hubert Sauvage conclut: “Une rénovation en profondeur comprend de nombreux éléments techniques. Nous conseillons toujours à nos clients de se faire accompagner par un professionnel, un auditeur ou un architecte avant de commencer le projet immobilier ou de rénovation”.
Primes : mode d'emploi
Des aides publiques existent pour les rénovations. Elles peuvent valoir plusieurs milliers d’euros.
Obtenir une prime relève parfois du parcours du combattant. Néanmoins, des efforts ont été faits pour simplifier les procédures. En Région bruxelloise, les primes énergétiques sont regroupées dans le plan “Renolution”, accessible via renolution.brussels. La demande est intuitive, mais les services réclament parfois des documents très précis, qui peuvent paraître anecdotiques et que le demandeur ne possède pas. Il doit alors les réclamer à l’entreprise de construction souvent débordée. Des aides existent pour les toitures, les pompes à chaleur, les fenêtres et peuvent atteindre plusieurs milliers d’euros.
En Région wallonne, les primes sont répertoriées sur walloreno.be. Il en existe pour les petits travaux et les travaux en profondeur, tant pour l’isolation que le chauffage. Dans les deux régions, des possibilités de contracter des crédits rénovation à 0 % ont aussi été mises en place.