En France, plus on est riche, moins on paye d'impôts, constate une étude: qu'en est-il en Belgique?

Une étude fait un bilan sévère de la fiscalité française concernant les ultra-riches. En Belgique, il est très difficile de faire des analyses précises sur le sujet.

Richesse
Billets de 500 euros ©BelgaImage

Dans une étude publiée ce mardi 6 juin, quatre économistes de l’Institut des politiques publiques (IPP), à Paris, posent une question explosive: "Quels impôts les milliardaires paient-ils ?". Le sujet est brûlant, tant en France avec la suppression de l'ISF (Impôt de solidarité sur la fortune) décidée par Emmanuel Macron, qu'en Belgique où le PS et le PTB veulent taxer les ultrariches. La réponse donnée par ces experts devrait faire jaser, puisqu'il apparaît que parmi les foyers très riches, plus la fortune est importante, moins ils sont imposés, proportionnellement au reste de la population. Une conclusion qui vient enrichir le débat après d'autres études réalisées au niveau mondial. En France, cela devrait apporter de l'eau au moulin des élus, notamment de gauche, qui veulent rétablir l'ISF. Pour autant, ces quatre économistes ne préconisent pas un tel choix.

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Les ultrariches français ou comment éviter la taxation la plus forte

Pour leur étude, les chercheurs de l'IPP ont analysé les revenus des 37.800 foyers français les plus riches, c'est-à-dire ceux qui touchent plus de 627.000 euros par an. Ceux-ci ont un taux d'imposition global de 46% mais plus les revenus sont hauts, plus ce pourcentage baisse. Les 75 foyers qui gagnent le plus d'argent n'arrivent ainsi qu'à 26% d'imposition. La raison d'un tel paradoxe: la plus grosse partie de leurs bénéfices est soumise à l'impôt sur les sociétés (IS) et non à l'impôt sur le revenu (IR). Or le premier se situe à 33,33% (en 2016), le second jusqu'à 59%.

Les experts ont toutefois précisé que la France n'est pas un paradis fiscal, et pas plus comparé à ses voisins. Même le controversé régime néerlandais comporte ce type de fiscalité provoquant le même effet. Dès lors, les économistes jugent que rétablir l'ISF, supprimé en 2017, serait inutile. Pour cause: lorsqu'il existait, cela "n’a pu corriger la régressivité que nous documentons", assurent-ils.

Ils estiment toutefois qu'il est "envisageable de taxer les revenus non distribués des holdings à l’impôt personnel sur le revenu". Des actionnaires résidant fiscalement en France pourraient ainsi être mieux taxés. Une proposition qui ne s'attire pas les faveurs du gouvernement français qui répond que ces revenus non distribués "sont généralement réinvestis dans l’emploi et la croissance" des entreprises. Pour le ministère de l'Économie, le mieux serait de créer un impôt minimal mondial de 15% sur les bénéfices des multinationales, à l'instar de l'Europe qui a pris cette décision à son niveau en décembre dernier.

En Belgique, le flou complet

Maintenant, qu'en est-il en Belgique? Chez nous, la fiscalité est particulièrement peu lisible, même si une révision devrait apporter quelques simplifications en 2023. Il est donc assez compliqué d'étudier ce que devient le capital belge. Un économiste explique par exemple à L'Écho qu'il est même difficile d'obtenir le nombre de personnes concernées par la taxe sur les comptes-titres. D'autres notent des "déséquilibres majeurs" du fait des subtilités existantes, ce qui fait que "sur le capital, on va de la surtaxation à l'exemption totale". Difficile donc de faire une étude comme celle de l'IPP.

En l'état, la non-taxation des plus-values est tout particulièrement pointée du doigt en Belgique, ainsi que la variabilité de taxation au sein de la fiscalité des placements. Autre problème: les loyers sont imposés en fonction du loyer supposé (lié au revenu cadastral), pas selon les montants réellement perçus. Même type de critique pour le précompte immobilier, basé sur un cadastre non actualisé depuis 50 ans. Autant de failles qui laissent la porte ouverte aux abus fiscaux. Bref, les économistes belges veulent avant tout une chose: une harmonisation et une rationalisation des taxes. Quant à la taxation des ultrariches, ils la jugent possible mais à nouveau à l'échelon international. Une taxation des signes extérieurs de richesse pourrait être intéressante mais pas la taxation sur le patrimoine en tant que tel, qui est vue comme inefficace.

La nécessité d'agir à l'échelle mondiale

Si on dézoome pour regarder ce qu'il en est du débat au niveau mondial, l'étude française fait écho à un rapport publié en début d'année par Oxfam. Il s'avère ainsi que depuis 2020, les 1% les plus riches ont capté 63% des nouvelles richesses de la planète, laissant les 37% restants au reste de l'humanité. L'organisation notait que certains milliardaires avaient un taux d'imposition exceptionnellement bas, à l'instar d'Elon Musk et son "taux d’imposition réel" d’environ 3 % entre 2014 et 2018.

Oxfam recommande dès lors "un impôt allant jusqu’à 5 % sur les multimillionnaires et les milliardaires du monde entier pourrait rapporter 1.700 milliards de dollars par an, soit une somme suffisante pour sortir 2 milliards de personnes de la pauvreté". Pour l'heure, près de 140 pays s'apprêtent à suivre ce conseil en imposant un taux de 15% au niveau mondial, mais le bénéfice estimé serait bien moindre, avec un total de 220 milliards de dollars selon l'OCDE.

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