Comptes épargne : jouer sur la prime de fidélité, l’«arnaque légale» des banques?

Certains taux d’intérêt proposés par les banques sur l’épargne réglementée sont gonflés par des primes de fidélité contraignantes, juge Test Achats.

comptes épargne et taux d'intérêt
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Article modifié le 27 juillet, et ajout de la réaction d’ING.

C’est un constat que peuvent faire les Belges depuis quelques mois : le coût de l’argent est en hausse (pour les emprunts hypothécaires, par exemple). Mais, dans le même temps, ce qu’il rapporte (via l’épargne) ne progresse pas assez. Et ce, dans un contexte d’inflation et de hausse des taux directeurs.

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Alors que les banques bénéficient de conditions plus avantageuses lorsqu’elles placent leur argent auprès de la Banque Centrale Européenne (la BCE leur accorde du 3,5% depuis la fin juin pour la facilité de dépôt), elles proposent, en moyenne, des taux d’intérêts beaucoup plus bas sur les livrets d’épargne. Comme ces taux ne couvrent même pas l’inflation, le pouvoir d’achat des dépôts est donc progressivement rongé par la hausse générale des prix…

KBC, Belfius, ING, Argenta, CBC, etc. Face à la pression, toutes les enseignes bancaires ou presque y sont allées de leur petit geste, annonçant des hausses de la rémunération de l’épargne. Mais en les assortissant le plus souvent de conditions qui font relativiser les offres proposées, notait l’Echo ce week-end.

Les taux d’intérêt sur l’épargne sont en effet composés de deux variables : le taux de base, et la prime de fidélité (qui n’est acquise que pour l’argent resté au moins un an sur le compte).

 

 

ING a par exemple mis en avant les 2,25% de rémunération (pas plus de 500 euros versés chaque mois) sur son compte Tempo Savings, un taux imbattable parmi les quatre plus grandes banques présentes en Belgique. Oui, mais voilà, ce taux de 2,25% doit beaucoup aux 1,5% de prime de fidélité dont il est constitué (auquel s’ajoute 0,75% de taux de base, donc).

"Tout à fait autorisé par la loi"

Dans L’Echo, Nicolas Claeys, spécialiste bancaire au sein de Test Achats, dénonçait une «arnaque légale» déployée par les banques qui affichent des taux d’épargne ainsi boostés par les primes de fidélité.

Or, expliquait-il, «le client ne bénéficie pas de la prime de fidélité avant un an. Du coup, sur toute la durée de l’épargne, il n’arrive en fait jamais aux 2,25 % [pour reprendre l’exemple du compte d’ING, ndlr]. C’est tout à fait autorisé par la loi. Les banques rémunèrent la fidélité de l’épargnant. Mais du coup, elles ont le droit d’afficher un taux qui ne correspond pas vraiment à la réalité. Cela fausse la concurrence».

Toujours à partir de l’exemple du compte Tempo Savings, Nicolas Claeys calculait : pour une personne déposant chaque mois 200 euros sur ce compte, les intérêts sur ces montants après un an s’élèvent à 0,98 %, à 1,59 % un an plus tard, à 1,8 % après trois ans. Et non pas 2,25%.

 

"Pratique déloyale"

«Les allégations selon lesquelles les taux d'intérêt offerts par les banques belges aux épargnants belges constituent une "arnaque légale" sont totalement fausses, tient à réagir ING. Etant donné que toutes les banques sont soumises aux mêmes règles strictes, cibler ING est une pratique déloyale(…). Conformément aux règlements des comptes d’épargne réglementés des banques, le taux de base et la prime de fidélité sont calculés en tenant compte des fonds versées à une date déterminée, et non de l'encours cumulé.

L'approche suivie par Test-Achats pour calculer le rendement des comptes d'épargne réglementés n'est pas correcte. Toutes les banques belges doivent suivre la même approche pour calculer les intérêts des comptes d'épargne réglementés (…).Toutes choses égales par ailleurs, le compte d’épargne Tempo d'ING offre le taux le plus attractif pour les produits d'épargne récurrents».

Vers plus de transparence?

Quoi qu'il en soit, «le client traditionnel a quelques raisons de se plaindre du fait qu’on lui complique un peu la vie, commentait il y a quelques semaines auprès de la RTBF Eric Dor, professeur d’économie à l’IESEG, School of Management à Lille. On ne fait pas les choses de manière très transparente, dans le but un peu freiner la possibilité pour le client d’obtenir un meilleur taux».

«Toute la stratégie des grandes banques a été d’essayer d’éviter d’augmenter fortement le taux d’intérêt qu’elles offrent sur l’entièreté de l’encours énorme des comptes d’épargne. Il approche les 300 milliards d’euros. Donc elles ont alors essayé de segmenter les comptes en offrant par exemple des meilleurs taux, pas sur le compte déjà existant, mais sur un nouveau compte. L’intention était de limiter l’impact d’augmentation du coût pour la banque», ajoutait l’économiste.

 

 

Pour comparer précisément les offres des banques, le consommateur doit donc garder cette astuce (arnaque ?) à l’esprit. La durée du dépôt de l’épargne est un facteur décisif : si vous ne comptez pas conserver votre épargne trop longtemps, il vaudra parfois mieux privilégier un compte affichant un taux facial (taux affiché) moins élevé, mais dont le taux de base est plus généreux.

Afin de mieux faire jouer la concurrence, la secrétaire d'État fédérale en charge de la protection des consommateurs, Alexia Bertrand (Open VLD), a dit vouloir conclure avant 2024 un protocole avec les banques les engageant à mieux informer leurs clients sur les taux d'épargne les plus intéressants.

 

 

Les clients devront être informé tous les trois mois du taux acquis, tant en pourcentage qu'en euros (taux de base et prime de fidélité), ainsi que de l'existence éventuelle de comptes plus intéressants au sein de l'institution. Il devrait également recevoir le lien vers l'outil de comparaison de l'épargne de l'autorité des services financiers (FSMA), déclarait la semaine passée Alexia Bertrand sur Radio 1.

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