Qu'adviendra-t-il des prix énergétiques cet hiver avec l'éternel problème du gaz russe?

Si les soubresauts de la guerre en Ukraine incitent à rester prudent quant au gaz russe, plusieurs signaux sont désormais passés au vert.

Gaz dans une cuisine
Illustration d’une plaque de cuisine fonctionnant au gaz ©BelgaImage

C'était la bonne nouvelle de la mi-août: l'Union européenne (UE) avait déjà rempli à 90% ses réserves de gaz. Une performance dont se réjouissait la Commission européenne, qui se félicitait d'avoir atteint cet objectif avec deux mois et demi d'avance sur son calendrier. Depuis, ces stocks ont encore augmenté. Selon Gas Infrastructure Europe (GIE), en date du 26 août, le pourcentage est aujourd'hui de 92,3%. Il est donc probable que le plein soit fait d'ici l'arrivée de l'hiver. Mais est-ce suffisant pour empêcher une nouvelle poussée inflationniste?

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Des chiffres plutôt rassurants

Pour être précis, tous les pays européens n'ont pas autant rempli leurs stocks de gaz. Certains sont déjà à 100%, comme l'Espagne, mais la Lettonie, frontalière de la Russie, atteint seulement les 80%. À la décharge des Lettons, leurs réserves couvrent 185% de leur consommation et cela leur permet même d'exporter vers la Lituanie et l'Estonie.

La Belgique se trouve dans une toute autre situation. En l'état, ses stocks sont remplis à hauteur de 89,4%, ce qui la place plutôt parmi les mauvais élèves de l'Europe. Mais surtout, il faut noter que ces provisions ne correspondent qu'à 4,4% de ses besoins.

L'État belge devra donc, comme à son habitude, compter sur ses voisins, notamment néerlandais et allemands. Heureusement, ces derniers sont sur la bonne voie. En Allemagne, les stocks atteignent déjà les 93,7% et aux Pays-Bas, cela monte même à 94,3%.

Tous ces pourcentages sont largement supérieurs à ceux de l'année passée, quand l'Europe a dû précipitamment acheter beaucoup de gaz suite à l'invasion de l'Ukraine. En 2022, il a fallu attendre la mi-octobre pour atteindre le même taux de remplissage qu'aujourd'hui

Atteindre 100%, ça aide mais ça ne suffit pas

S'assurer des stocks importants a clairement un impact. L'hiver passé, un maximum de 95% avait été atteint en novembre et cela avait permis de limiter la casse. Le niveau des réserves avaient ainsi chuté en mars 2023 à 55% dans l'UE, contre 26% en mars 2022. Malgré tout, cela n'avait pas permis d'empêcher l'inflation.

Qu'en sera-t-il si cette année, la barre des 100% est atteinte? Interrogé par Atlantico, Damien Ernst, professeur à l'ULiège et expert en politique énergétique, le remplissage durant l'été a pour principal effet de lisser les cours du gaz. En achetant dès maintenant, le pic de l'hiver est moins élevé et les prix en été sont plus hauts. Cet effet est d'autant plus prégnant cette fois-ci, vu que l'anticipation a été plus grande.

Pour le spécialiste, sauf incident, "on n'aura pas de pic de prix en septembre grâce au fait d'avoir rempli ces réserves". "C'est rassurant. Mais pas suffisant", ajoute-il toutefois. Il note qu'un stockage rempli "représente en moyenne trois mois de consommation de gaz et plutôt un mois et demi en hiver, quand vous avez un hiver froid".

D'éventuels périls à surmonter

Il faudra donc continuer d'importer cet hiver, notamment en GNL (gaz naturel liquéfié) américain. Mais surtout, l'UE dépend encore du gaz russe (dont une partie passe par l'Ukraine, l'autre par la Turquie). Certes, cela ne représentait plus au premier trimestre que 15% des importations (soit moitié moins qu'un an avant), mais cela compte. "Si on perd ce gaz russe et si les importations de GNL ne compensent pas, on aura des problèmes", redoute Damien Ernst, qui craint notamment un scénario où l'Asie demanderait en même temps que l'Europe de grandes quantités de GNL, ce qui ferait monter les prix.

Une autre menace, c'est l'hypothèse d'un imprévu affectant directement les stocks. Début août, la menace d'une grève dans des installations gazières australiennes avaient provoqué une poussée de fièvre sur les marchés. Le pire, ce serait la rupture d'un gazoduc stratégique, à l'instar de celui du Nord Stream l'année passée. Si cela devait se produire entre la Norvège et l'UE, les conséquences ne manqueraient pas de se faire sentir.

Plusieurs indicateurs positifs

Mais on parle là du scénario du pire. En parallèle, d'autres signaux sont plus rassurants. L'Europe renforce notamment ses terminaux GNL pour s'assurer un approvisionnement le plus sécurisé possible. C'est notamment le cas en Allemagne, dont la Belgique dépend tout particulièrement, avec de nouvelles installations d'ici fin 2023.

Il ne faut par exemple pas non plus oublier que les États de l'UE se sont engagés à réduire de 15% leur consommation de gaz entre avril 2023 et mars 2024 par rapport à la moyenne 2017-2022. L'année passée, les Européens avaient déjà réussi ce tour de force, l'inflation incitant aussi à l'économie.

Simone Tagliapietra, analyste à l’institut Bruegel, précise à Euronews qu'encore aujourd'hui, "la demande de gaz en Europe reste réduite de l'ordre de 20 % par rapport aux niveaux d'avant la crise". Elle évoque une volatilité des prix de l'ordre de 5-10 ou 20%, "ce qui n'est pas aussi dramatique que ce que nous avons vu et que ce à quoi nous sommes habitués sur le marché". Selon l’indice de référence néerlandais Title Transfer Facility (TTF), les prix du gaz devraient tourner cet hiver aux environs de 50 euros par mégawattheure, soit trois fois moins que pendant la crise.

Au vu de ces paramètres, la commissaire européenne à l’Energie Kadri Simson se montre confiante. "L’UE est bien préparée pour l’hiver, cela contribuera à stabiliser davantage les marchés (énergétiques) dans les mois à venir", assure-t-elle. Le ministre tchèque de l’Industrie et de l’Energie Jozef Sikela se veut quant à lui plus prudent: "La partie n’est pas terminée, nous devons rester sur nos gardes et nous préparer à des vents contraires", à l'instar d'un hiver particulièrement froid, avertit-il.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité