Réfugiés ukrainiens: comment s'organise l'accueil à l'école?

L'arrivée d'élèves ukrainiens dans les écoles belges représente un challenge à plusieurs niveaux afin de pouvoir leur offrir le meilleur cadre possible.

Une élève réfugiée ukrainienne en France
Une élève réfugiée ukrainienne, à Roquebrune-Cap-Martin (Alpes-Maritimes, France) le 4 avril 2022 @BelgaImage

Ce mardi 19 avril, la rentrée sonne la fin des vacances de printemps pour les enfants. Un jour au goût encore plus spécial pour ceux qui viennent de fuir l'Ukraine et qui vont désormais à l'école en Belgique. Actuellement, selon l'Office des étrangers, on compte environ 40.000 réfugiés ukrainiens en Belgique, dont près de 14.500 en âge d'être scolarisés. Parmi ces derniers, seuls 1.300 sont pour l'instant inscrits dans des établissements scolaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) et 1.500 en Flandre. Des chiffres réduits par rapport au total mais qui représente déjà un défi pour le système éducatif belge.

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Des classes spécifiques (mais pas toujours)

En FWB, c'est surtout à Bruxelles que se concentrent les élèves ukrainiens (500 sur 1.300). Le reste est réparti de manière plus égalitaire sur tout le territoire wallon sur base du lieu de logement (c'est-à-dire celui de la famille d'accueil pour 80% des cas). Environ la moitié de ces jeunes sont en primaire, 23% en maternelle et 30% en secondaire.

Dans l'ensemble, près de 40% d'entre eux sont en Daspa (Dispositif d’accueil et de scolarisation des élèves primo-arrivants et assimilés), un dispositif spécialement prévu pour assurer une insertion optimale pour les élèves primo-arrivants, notamment avec un professeur spécifique pour l'apprentissage intensif du français. Problème: pour créer ce type d'unité, il faut dès qu’ils soient au moins huit dans une école donnée. C'est ce qui explique bien souvent que 60% des enfants ukrainiens ne bénéficient pas de ce cadre et finissent dans des classes ordinaires.

En Flandre, où un tiers de ces élèves sont en province d'Anvers, l'organisation est un peu différente. Ici, ces jeunes sont accueillis dans des classes OKAN (Enseignement d'accueil pour enfants allophones). Comme l'explique à la VRT Nathalie Vandenameele, coordinatrice de crise pour ce système dans l'enseignement catholique, la prise en charge des Ukrainiens dans ce type de classes «dépend s'il y a une opération OKAN dans la région et s'il y a encore de la place là-bas». «Si ce n'est pas possible, ils sont pris en charge dans des classes ordinaires. C'est surtout le cas dans l'enseignement secondaire», ajoute-elle.

Comment offrir le meilleur enseignement possible?

Le principal défi d'enseignement, c'est la barrière de la langue. Ils ne connaissent ni l'anglais, ni le français, ni le néerlandais, et utilisent un alphabet différent. Pour des enfants qui viennent de traverser un continent entier, le choc culturel est important. Le déracinement est brutal et le système scolaire très différent. Si on ajoute à cela le traumatisme psychologique de la guerre qu'il faut parfois prendre en charge, la tâche est loin d'être simple, que ce soit sur le plan pédagogique ou social.

Pour l'heure, la ministre de l’Éducation Caroline Désir assure que la pénurie de professeurs ne représente pas un problème majeur pour prendre en charge les Ukrainiens. «1300 enfants à accueillir sur 900.000 élèves… la proportion n’est pas si importante», relativise-t-elle au micro de la RTBF. Pour autant, les autorités réfléchissent déjà à des solutions pour mieux encadrer l'arrivée de ces réfugiés à l'école. Un groupe de travail a été mis en place «pour étudier toutes les possibilités pour faire face à cette pénurie, y compris peut-être en engageant des enseignants qui viennent d’Ukraine». Il est également question d'éducateurs ou d'autres fonctions scolaires attribuées à des Ukrainiens.

Pour recruter ce type de personnes, il faudrait cela dit possiblement assouplir les règles de présentation d'un titre pédagogique, de nombreux Ukrainiens ayant quitté leur pays sans leurs diplômes. Le souci, c'est que cela pourrait créer un précédent, transposable à d'autres situations imprévues. Comment dans un tel contexte garantir avec certitude la qualité de la formation d'enseignant? Ce risque administratif pourrait ainsi faire l'objet de longues discussions. D'ici à ce que cette question soit tranchée, plusieurs professeurs ukrainiens pourraient être refusés d'exercer, à moins d'avoir les fameux papiers.

Des élèves encore entre deux pays

L'autre question qui se pose aujourd'hui, c'est celle des enfants qui ne sont pas encore inscrits à l'école belge. Ils seraient plus de 11.500 dans ce cas mais cela ne veut pas forcément dire qu'ils ne suivent pas de cours. Une bonne partie continue en réalité à suivre l'enseignement ukrainien à distance. 300 manuels scolaires sont disponibles gratuitement sur le site de la maison d’édition Plantyn, ce qui leur permet de poursuivre une scolarité la plus normale possible, même en ayant trouvé refuge aux quatre coins de l'Europe. «Nous entendons principalement des enfants plus âgés qu'ils veulent d'abord obtenir leur diplôme ukrainien de l'enseignement secondaire avant de s'inscrire ici. Il y a des discussions avec le ministère de l'Éducation pour obtenir un peu d'accord là-dessus», déclare Nathalie Vandenameele.

Pour l'instant, les autorités tolèrent cette situation particulière, surtout au vu de l'incertitude qui règne sur la durée de la guerre en Ukraine. «Si toutefois elle devait perdurer au-delà de cette année scolaire, il faudra simplement trouver la bonne formule juridique pour aménager un système au regard du principe d’obligation scolaire, par exemple en contrôlant que les enfants ont bien accès à des apprentissages», ajoute Caroline Désir.

Reste que de toute évidence, le nombre d'élèves ukrainiens est appelé à augmenter, que ce soit du fait de nouvelles arrivées en Belgique ou du basculement de ces élèves du système scolaire ukrainien à celui belge. Quelle sera l'ampleur de cet afflux? Impossible de le savoir. «C’est donc difficile pour nous d’anticiper la situation dans les prochains jours en termes d’inscriptions et c’est pour cela que c’est important d’avoir un monitoring très serré avec les acteurs de terrain», conclut la ministre.

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