Le niveau de l'enseignement en baisse? «À écouter ces études, on serait au niveau zéro»

Quelques jours avant la manifestation des syndicats à Bruxelles, l'enseignement est pointé du doigt, tant pour son niveau soi-disant en baisse que pour ses difficultés.

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Les examens ont commencé en Belgique. L'occasion pour deux acteurs de revenir sur l'enseignement de façon générale. Avec une première question en toile de fond: les examens ont-ils encore une raison d'être en Belgique? Pour Jean-François Nandrin, directeur du Sacré-Coeur de Lindthout, la question se pose de plus en plus. "C'est un scoop pour ce matin. Mais dans mon école, nous allons passer de plus en plus à une évaluation continue. À partir de l'année prochaine, il y aura certainement un bilan final. Pour voir un peu là où en est l'élève. La grande question est comment les préparer au mieux pour l'université. Avec le CESS, ils ne seront jamais prêts pour une session en haute école université." Un avis partagé par Joseph Thonon, président de la CGSP Enseignement. "Je pense que l'avenir se trouve vers moins d'évaluation certificative et plus d'évaluation continue. Mais il est important de garder un juste milieu entre les deux."

Selon une récente étude au niveau fédéral, le niveau a encore baissé dans nos écoles fondamentales et secondaires. Ce changement d'enseignements peut-il nous faire remonter la pente? Pour ces deux acteurs, il faut relativiser ces chiffres. "Nous n'avons pas été consultés pour ces chiffres", continue Jean-François Nandrin. "Reflètent-ils la réalité? Je ne conteste pas les chiffres. Mais il ne reflète qu’une réalité globale, des statistiques. Cela ne reflète pas ce qu'il se passe dans toutes les écoles." Le syndicaliste est plus virulent. "Je conteste ces chiffres. Depuis un siècle, on nous dit que le niveau baisse. Cela fait des générations, de mes grands-parents à nos parents. À écouter ces études, on serait au niveau zéro et ce n'est pas le cas. Le problème est que les jeunes ont des connaissances beaucoup plus larges avec internet. Du coup, d'autres formations doivent exister comme celles liées au numérique par exemple. Ces études n'ont aucune valeur pour moi."

L'enseignement, comme d'autres secteurs, a été malmené par le Covid. A-t-il eu un impact réel sur l'enseignement dans l'ensemble? "Il y a eu des difficultés scolaires dues à la Covid-19. Surtout à cause de l'absence ou du distanciel. Mais de là à expliquer que le niveau à baisser il y a un pas. Six mois de retard, ce n'est pas irrattrapable. Laissons les enseignants et le système scolaire au fur et à mesure du temps. Cela ne va pas se faire d'un claquement de doigts", a estimé le directeur du Sacré-Coeur de Lindthout. "Cela fait 25 ans que je suis dans l'enseignement, et 25 ans qu'on m'annonce que le niveau baisse."

"Une manifestation exceptionnelle"

Lundi prochain, une grosse manifestation va engendrer du stress pour les élèves. Clairement, ce n'est pas leur rendre service. "Effectivement, la date aurait pu être meilleure. Mais le calendrier et la baisse du pouvoir d'achat ne nous laissaient pas le choix. Cette grève est interprofessionnelle. Le nombre de professeurs absent sera peu élevé. Par contre, le réseau Stib et TEC sera fortement impacté", justifie Joseph Thonon.

Que pense le directeur de cette grève? "En tant que membre de l'enseignement, je ne trouve pas optimal de faire cette manifestation en plein dans les examens. Comme d'autres secteurs ne sont pas contents en fonction de leur calendrier personnel. En revanche, je ne pense pas que cette grève va faire pousser des billets sur les arbres." Joseph Thonon a tout de même tenu à nuancer le but de cette manifestation. "Je rappelle juste que ce n'est pas une grève. L'objectif est de faire une grande manifestation en front commun dans toute la Belgique. Ce qui est tout de même très rare, voire exceptionnel. Cette date a été choisie en concertation avec plein d'autres professions. Et je pense que les enseignants sont également concernés par les problèmes de pouvoir d'achat. Les libertés syndicales sont attaquées de partout et y compris dans l'enseignement."

Pacte d'excellence: "On nous demande de changer les ailes de l'avion pendant qu'on vole"

L'an prochain le pacte d'excellence va entrer en jeu. Une bonne chose pour l'enseignement? "Une série de mesures sont bonnes dans ce pacte d'excellence. Le problème, est que nous n'avons pas le temps de nous poser pour voir ce qui fonctionne. On nous demande de changer les ailes de l'avion pendant qu'on vole", commence le directeur d'école. "Nous avons dû changer très très vite. Voilà pourquoi cela a été désorientant pour certaines écoles."

Pour le syndicaliste, le changement de rythme ne pose pas problème. "La réforme du rythme scolaire n'est pas celle qui va entacher la pénibilité du travail des enseignants. Le nombre de jours de cours reste le même. Le pilotage des écoles risque lui, de poser un plus grand problème." Comment définir ce pilotage? "Chaque école a des objectifs à remplir en fonction des problèmes qu'elle a et doit essayer d'y répondre. Tous les lundis de 16h30 à 18h30, on monopolise tous les enseignants et la direction pour construire ce plan de pilotage. C'est un travail qui est lourd. On en ras le bol de ce travail administratif et cette surcharge non administrative aussi."

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