Les petits Belges connaissent mal le français ou le néerlandais : comment y remédier ?

En Flandre, les enfants connaîtraient mal leur langue maternelle. Côté francophone, les résultats des élèves ne sont pourtant pas meilleurs. Mais la situation ne serait pas dramatique non plus.

apprendre une langue à l'école
En Flandre, en maternelle, un enfant sur sept n’a pas les connaissances nécessaires pour passer en primaire. © PhotoNews

Les petits Flamands connaîtraient mal leur langue maternelle. Depuis 2021, le test “Koala” évalue le niveau de maîtrise du néerlandais des enfants de troisième maternelle. Les résultats ont été dévoilés la semaine dernière, et ils ne sont pas bons: 1 élève sur 7 n’a pas les connaissances nécessaires pour passer en primaire. 10 % auraient besoin d’un soutien pédagogique. Pour 4 enfants sur 100, l’accompagnement doit être “intensif”. Les principaux concernés seraient les primo-arrivants ou d’autres élèves dont la langue régionale n’est pas celle parlée à la maison. Côté francophone, aucun test Koala. “Il n’y a pourtant pas de raison que les résultats soient différents. La langue française est complexe, et de nombreux ­élèves n’ont pas le français pour langue maternelle, y compris dans les écoles wal­lonnes et bruxelloises”, pose Séverine De Croix, formatrice des futurs profs à la Haute École Léonard de Vinci, chargée de cours à l’UCLouvain et spécialiste de la compréhension à la lecture.

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La problématique ne touche pas seulement les jeunes bilingues. Les études PISA représentent un bon indicateur pour clarifier la situation pour les ados. La dernière date d’avant la pandémie. Déjà à l’époque, la Belgique n’était qu’au milieu du podium des pays de l’OCDE, mais avec un score global légèrement au-dessus de la moyenne. Cela signifie que nos élèves sont capables d’identifier l’idée principale d’un texte de longueur moyenne, de trouver des informations correspondant à des critères explicites, parfois complexes, et de réfléchir au fond et à la forme d’un texte s’ils y sont ­explicitement invités. Le problème est que le niveau régresse doucement, tant à court terme que selon la tendance à long terme estimée par PISA. Depuis, la ­pandémie est passée par là. L’hypothèse selon laquelle les lacunes se seraient amplifiées est sérieuse.

Les résultats des examens du CEB et du CE1D représentent un autre indicateur intéressant. Lors du test de fin de primaire, en 2022, près de 75 % des élèves ont obtenu plus de la moitié en français. Après la seconde année des secondaires, 87 % des ados réussissent l’épreuve, avec un score moyen de 68 %. Ces résultats n’ont pas particulièrement tendance à baisser depuis une décennie. Là où le bât blesse surtout, c’est au niveau de l’orthographe puisque lors de cette épreuve, 3 élèves sur 10 n’obtiennent pas la moyenne sur cette compétence. “L’accord du participe passé demeure la difficulté majeure, comme la capacité à identifier la nature des mots et à y associer les règles théoriques apprises à l’école”, appuie Séverine De Croix. Elle évoque une autre difficulté: la relecture. “Pour beaucoup d’enfants ou d’adolescents, relire revient seulement à vérifier l’orthographe. Or la relecture sert à s’interroger sur l’objectif du texte, à vérifier si ce dernier le remplit, s’il est pertinent.” La marge de progression est donc grande.

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La solution flamande: sanctionner les parents

Le ministre flamand de l’Éducation Ben Weyts (N-VA) a lancé l’idée: sanctionner les parents dont les enfants échouent au test de langue en coupant dans les allocations familiales. CD&V et Open VLD, dans la majorité régionale, s’y sont opposés. Cela ne ferait que restreindre davantage le budget déjà insuffisant des ménages en question, déjà moins aisés que les autres. Dans l’opposition aussi, on grince des dents. Seul Conner Rousseau, président de Vooruit, considère la proposition comme étant “négociable”, car “tous les parents doivent être capables de parler néerlandais”. Et si, à la place, le gouvernement flamand luttait contre l’inégalité des chances?

La solution francophone: un nouveau référentiel

La pédagogue Séverine De Croix reste optimiste. “L’école doit apprendre aux enfants à mieux contrôler leur écriture. Pour cela, il faut stopper l’effet brouillard causé par l’enseignement des règles et de toutes leurs exceptions, nombreuses en langue française, en même temps. On pourrait parfois se contenter de règles qui couvrent 90 % des accords de participes passés des verbes pronominaux.” Bonne nouvelle: le nouveau référentiel des compé­tences de l’ensemble du tronc commun présenté dans le cadre du Pacte pour un enseignement d’excellence va dans cette direction. “Il y a un vrai effort de clarification des notions grammaticales et de planification d’un texte.

La richesse du multilinguisme

Les difficultés des Belges dans leur langue maternelle cachent une richesse: le multilinguisme. “On peut voir le déficit, c’est-à-dire le manque de maîtrise d’une langue. On peut aussi en voir le bénéfice. De nombreux Belges vivent dans des familles ou des environnements multilingues. Que ce soit le français, le néerlandais ou l’allemand, ainsi que d’autres langues maternelles qu’ils parlent à la maison. Cela peut causer des difficultés, mais c’est aussi une richesse immense, une vision du monde plurielle”, appuie Séverine De Croix. Or 78,5 % des résidents belges nés à l’étranger ont une connaissance intermédiaire, avancée ou niveau “langue maternelle” du français, du néerlandais ou de l’allemand, selon Statbel.

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