20.000 étudiants français dans le supérieur en Wallonie et à Bruxelles, est-ce trop ?

La ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, Valérie Glatigny, envisage de faire contribuer «davantage au financement de l’enseignement» nos voisins venus étudier en Belgique.

20.000 étudiants français dans le supérieur en Wallonie et à Bruxelles, est-ce trop ?
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Ils ont été recalés, sont désireux d’éviter un examen d’entrée trop difficile en France ou sont attirés par des droits d’inscription moins élevés…  L’afflux d’étudiants français en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB) ne date pas d’hier. Un attrait pour l’enseignement supérieur francophone régulièrement présenté comme problématique, spécialement dans un contexte général de surpopulation de certaines filières et de financement en enveloppe fermée (voir plus bas) de l’enseignement supérieur.

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En médecine, dentisterie, sciences vétérinaires et en kiné notamment, des quotas maximum de nouveaux inscrits ne résidant pas en Belgique ont d’ailleurs été instaurés. Ces quotas doivent-ils être élargis ? Faut-il faire «davantage contribuer» les étudiants français au financement du système ?

34% d'étudiants français dans les écoles d'arts

Commençons par poser le contexte. Comme le note La Libre ce lundi, les données officielles compilées par l’Ares (la Fédération des établissements d’enseignement supérieur) faisaient état de 21.246 étudiants français dans l’enseignement supérieur francophone belge en 2014-2015. En 2019-2020, ils étaient 20.996. En cinq ans, leur nombre avait donc légèrement... baissé. Notons qu’il n’y a pas encore de chiffres disponibles portant sur la période après 2020.

Dans le même temps, le nombre total d’étudiants du supérieur en FWB a par contre gonflé de près de 10%, passant de quelque 187.000 étudiants en 2014-2015, à 205.000 en 2019-2020. Globalement, il est donc faux de voir dans la surpopulation des auditoires wallons et francophones le fait de nos amis français…

À ce panorama général, il faut toutefois ajouter une précision importante : certaines filières, ou certains établissements, sont beaucoup plus prisés que d’autres par nos voisins. Alors que les universités ou les hautes écoles comptent autour de 9% de Français en moyenne, les écoles des arts montent à 34%, selon les chiffres relayés par La Libre.

"Elargissement du contingentement"

Et dans certaines filières, le trop grand nombre d’étudiants peut venir impacter la qualité de la formation. Dans «La Matinale» de LN24, ce lundi, Valérie Glatigny, ministre de l’Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles, ne rejetait donc pas l’idée d’élargir le contingentement des étudiants étrangers dans d’autres filières.

«Nos sages-femmes doivent faire un certain nombre d’accouchements. Mais comme les femmes enceintes ne se multiplient pas, nous nous retrouvons donc dans une situation où il est envisageable de limiter le nombre de non-résidents dans cette filière», prenait-elle comme exemple.

«On réfléchit à un élargissement de ce contingentement. C’est le cas pour (la formation) des sages-femmes, par exemple, puisqu’on sait que 40 % de ces étudiants en 1ère année sont français», précisait la ministre, avant d’ajouter : «mais il faut être très prudent car nous évoluons dans un contexte régi par la législation européenne de libre circulation des personnes, y compris des étudiants. Il faut donc pouvoir justifier une telle limitation par un risque pour la qualité de la formation ou un risque de pénurie, par exemple».

Budget supérieur par étudiant

Outre la question du nombre de places, la présence d’étudiants français soulève aussi celle du financement du système (en réalité, les deux questions sont au moins en partie liées, mais passons). Comme la ministre Glatigny le reconnaissait elle-même par le passé, «même si on estime le coût moyen par étudiant à 7 000 euros, le coût des étudiants français est un coût relatif. L’enseignement supérieur est en effet financé en enveloppe fermée et celle-ci ne fluctue pas en fonction du nombre d’étudiants».

Depuis la fin des années 1990, le fonctionnement d'enveloppe fermée veut que les moyens alloués aux universités et hautes écoles soient figés ; ce montant global n’augmente plus, sauf avec l’index (et lors de refinancements partiels). Et ce, quel que soit le nombre d’étudiants. En l’absence de nos voisins, les dépenses pour la Fédération Wallonie-Bruxelles ne s’en ressentiraient donc pas, en chiffres absolus…

Par contre, la même manne d’argent public serait disponible, pour un effectif d’étudiants réduit de 10%. Les universités et hautes écoles bénéficieraient donc d’un budget supérieur par tête. Par ailleurs, si on considère que la majorité des étudiants étrangers s’en vont ensuite exercer chez eux (ou ailleurs) leur métier, le «retour sur investissement» (pour autant qu'on puisse parler ainsi concernant l'enseignement) est beaucoup plus limité par rapport aux dépenses publiques engagées.

Augmenter d'abord le minerval?

Concernant cette problématique, Valérie Glatigny a évoqué sur LN24 la possibilité de pousser les étudiants non-résidents à verser une compensation financière. «Cette réflexion existe depuis plusieurs années. Moi, je compte lancer un groupe de travail sur cette question au sein de l’académie et de recherche de l’enseignement supérieur afin de voir comment on peut faire contribuer davantage les étudiants non-résidents au financement de l’enseignement supérieur».

Dans ce cadre, une des pistes envisagées pourrait être celle avancée il y a quelques années par deux professeurs de l’UCLouvain, Vincent Yzerbyt et Vincent Vandenberghe. Leur proposition ? Grosso modo, augmenter sensiblement le montant du minerval demandé (celui-ci est gelé depuis 2010 à 835 euros), et ensuite compenser cette hausse par l’allocation d’une bourse aux étudiants éligibles (nationalité belge, détention d’un diplôme secondaire obtenu en Belgique, etc.).

Quel refinancement pour le supérieur?

«C’est une richesse d’avoir des étudiants étrangers en Fédération Wallonie-Bruxelles mais c’est aussi une contrainte budgétaire importante. Et nous sommes en train de refinancer l’enseignement supérieur : ça doit servir à l’augmentation de la qualité de l’enseignement supérieur», jugeait au micro de la Matinale Valérie Glatigny. L’augmentation de cette qualité d’enseignement ne pourra évidemment pas être supportée uniquement par les étudiants français et étrangers.

Début avril, la ministre rappelait les moyens supplémentaires dégagés pour la fin de la législature : «70 millions d’euros» pour 2023 et «80 millions par an dès 2024», destinés au refinancement de l’enseignement supérieur. Reste à voir si ce coup de pouce sera suffisant. En 2019, la fédération des étudiants francophones (FEF), pour n’évoquer qu’elle, chiffrait à 150 millions par an les besoins nécessaires au supérieur.

«La part du produit intérieur brut allouée à l’enseignement est un choix politique, rappelait en mai dernier dans Le Soir Anne-Sophie Nyssen. En Belgique, on peut clairement faire mieux. L’enseignement traduit notre niveau de démocratie. Si l’enveloppe budgétaire accordée aux universités n’augmente pas, on devra travailler sur le nombre croissant d’étudiants… osons dire, français», prévenait déjà celle qui allait devenir rectrice de l’Université de Liège…

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