Pénurie, explosion des prix... La galère des étudiants pour trouver un kot

Face à l’explosion de la demande et à une offre toujours plus haut de gamme, les étudiants galèrent pour trouver un logement au loyer abordable.  L’exercice relève parfois de l’exploit.

kot étudiant
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700 euros mensuels pour une chambre chez l’habitant… située à 15 km de Louvain-la-Neuve, 750 euros pour un kot de 18 m2 à Ixelles, 1.000 euros pour un autre à peine plus grand sur le campus gantois de Kattenberg. Les loyers de certains logements étudiants atteignent aujourd’hui des sommets. Il faut dire que le secteur connaît une forte pénurie dans ­certaines grandes villes. À Gand, par ­exemple, il ­faudrait 10.000 chambres supplémentaires pour répondre à la demande actuelle. Ce qui se traduit par une flambée des loyers. Et ces pénuries ne font que commencer. Selon une récente étude menée par le cabinet de ­conseil en immobilier Stadim, le nombre d’étudiants des écoles supérieures et des universités devrait encore progresser, pour atteindre 606.000 étudiants fin 2030. Il manquera alors 95.000 ­chambres en Belgique. C’est à Bruxelles que la pénurie est la plus aiguë. Le campus du ­Solbosch (ULB) propose ainsi 822 logements à loyer abor­dable pour 4.000 à 6.000 demandes par an. “La population ­étudiante - 113.000 jeunes suivaient des cours en 2021-22 - y ­augmente plus rapidement qu’ailleurs, explique Eline Hespel du promoteur immobilier Fortior. Cela s’explique par l’afflux de francophones et de néerlandophones, mais aussi par le caractère international de la ville qui accueille proportionnellement plus d’étrangers. Alors, tant qu’il y aura trop peu de logements étudiants, la tendance à la hausse des prix se poursuivra. En outre, la lenteur des procé­dures d’autorisation et le peu d’espace disponible dans les villes ­compliquent la ­construction de nouveaux kots.

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Pression sur les autres loyers

Cette forte demande pour des logements étudiants exerce également une pression sur le marché locatif global. “De nombreux étudiants logent dans des ­chambres, des maisons familiales ou des appartements non réglementés, ce qui fait grimper les loyers de tous les biens, poursuit Eline Hespel. Plusieurs administrations, dont la ville de Gand, prennent donc des mesures pour pousser les étudiants à quitter les logements locatifs ordinaires et à se tourner vers le marché des kots.” En Wallonie, que font nos pouvoirs publics pour endiguer ces pénuries de logements étudiants à loyer modéré? Le Parlement wallon vient d’approuver deux projets de décrets pour faciliter les baux étudiants (résiliation sans préavis, garantie locative de maximum deux mois…) et encourager les universités et les hautes écoles à offrir davantage de kots bon marché. Selon Belga, le périmètre d’intervention des agences immobilières sociales (AIS) sera également élargi pour leur donner la possibilité de gérer des logements d’étudiants. Ce qui devrait tirer les loyers des kots vers le bas. 200 logements étudiants devraient ainsi être pris en charge par les AIS en 2023 et 300 l’année prochaine. ­Christophe ­Collignon (PS), ministre wallon du Logement, a par ailleurs annoncé une ­enveloppe de 30 millions d’euros pour la ­création de 500 nouveaux kots. C’est mieux que les ­gouvernements précédents, mais ­clairement ce n’est pas encore suffisant.

Le marché actuel de la location, non régulé, entraîne des prix beaucoup trop élevés, avec une moyenne de 500 euros pour un kot à Bruxelles, alerte Emila Hoxhaj, présidente de la Fédération des étudiants franco­phones (FEF). Selon notre enquête, le coût moyen d’un kot privé a augmenté de plus de ­20 % en 4 ans.” Et cela impacte forcément l’accessibilité aux études supérieures. Selon l’enquête de Stadim, 50 % des étudiants interrogés n’ayant pas de kot lient leur situation aux loyers trop élevés. Certains jeunes résidant trop loin des universités et des hautes écoles renonceraient donc aux études supérieures, quand d’autres multiplient les jobs pour se payer une ­chambre, ce qui perturbe leurs chances de réussite.

logement étudiant

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Le succès des kots VIP

Ces pénuries de logements seront par ailleurs ­renforcées par la nécessaire mise en conformité (isolation, énergie…) de nombreux kots existants. Ces chambres devront donc être rénovées, ce qui entraînera leur disparition temporaire, le temps des travaux, ou définitive si elles s’avèrent trop désuètes. Une aubaine pour les promoteurs? Plus enclins à affronter la complexité administrative, ils cons­truisent de plus en plus de complexes étudiants. Des complexes d’un nouveau genre. À l’image de la résidence Génération Campus installée en plein cœur de Louvain-la-Neuve. Oubliez tout ce que vous saviez sur les kots-dortoirs. Dans ces complexes qui s’apparentent plus à des résidences-services, les étudiants ont accès à une salle de fitness, un sauna, un espace loisirs avec billard et baby-foot ou une salle home cinéma climatisée, avec écran géant et ­consoles de jeux. Dotées d’une salle d’étude, ces résidences proposent aussi de plus en plus souvent un accès ultra-sécurisé avec badges et système de vidéosurveillance, un gardien-concierge, un service de nettoyage hebdomadaire et même un coach (qui loge dans la résidence) pour assurer le suivi scolaire des locataires. Des bons arguments pour séduire les parents dont la progéniture quitte le nid familial pour la première fois. Comptez de 400 euros pour une chambre à 800 euros pour un mini-loft, sans les charges. Cette nouvelle tendance des kots de luxe pousse-t-elle les loyers du marché encore plus haut? Pour la FEF, cela ne fait aucun doute.

Pour dénicher en dernière minute un kot à prix ­raisonnable, il existe heureusement une kyrielle de solutions et moteurs de recherche spécialisés. Si on a épuisé l’offre de kots proposée par les universités et ceux référencés sur les sites des ASBL Infor ­Jeunes, il existe à Bruxelles une première Agence immobilière sociale étudiante (AISE) qui met à disposition des kots à loyer modéré à destination des étudiants dont les parents ont un salaire qui n’est pas supérieur aux revenus d’admission du logement social. Pour les autres, de nombreuses ­plateformes ont fait leur apparition ces dernières années. Comme www.kots.be, www.kotalouvain.be, www.brukot.be, www.kotamons.be, upkot.be, skot.be ou ikot.be. On peut aussi consulter www.appartager.be pour les colocations, mais aussi les nombreux ­groupes dédiés sur les réseaux sociaux. Sur Facebook par exemple, le groupe “Chambre, kot à louer, LLN et divers” rassemble ainsi plus de 22.500 membres. De nombreux étudiants y postent des messages pour dénicher un logement ou pour annoncer qu’ils ­résilient leur bail et cherchent donc un nouveau locataire. Du bouche à oreille taille XXL.

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