
L'éducation sexuelle obligatoire à l'école : en quoi cela consiste-t-il concrètement ?

Les animations d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (Evras) dans les écoles francophones étaient initialement prévues par un décret de… 1997. Après leur probable validation par les parlements wallon et bruxellois, elles ne seront généralisées et obligatoires que dès la prochaine rentrée scolaire. Concrètement? Quel est le programme? Accouché dans la douleur, le protocole d’accord signé en 2013 par les différentes régions brosse large, très large. Le contenu de ces animations touche à la fois au corps, à la relation aux autres, à la gestion des sentiments et des émotions, à la sexualité et aux comportements sexuels, à la prévention des grossesses non désirées, au sexisme, aux stéréotypes de genre, au harcèlement et aux autres formes de violences.
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“Il n’y a pas un contenu préétabli en fonction des années”, explique David Leclercq, directeur de la Fédération laïque de centres de planning familial (FLCPF). Ces derniers sont des opérateurs sélectionnés pour dispenser ces cours dans les écoles. “Les animateurs Evras construisent ces apprentissages au départ de questions que se posent les élèves, parfois soumises de manière anonyme. Si les parents craignent qu’on mette dans la tête de leurs enfants des informations auxquelles ils n’ont pas encore eu accès, ce ne sera pas le cas.” Pourquoi avoir choisi ces deux années en particulier? “Parce que la sixième primaire correspond aux premiers changements du corps et que la quatrième secondaire concorde avec l’âge moyen du premier rapport sexuel. On aurait pu proposer cette seconde partie plus tôt mais on sait que la reproduction fait déjà partie du programme scientifique de deuxième secondaire.”
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De nombreux établissements scolaires n’ont pas attendu cette généralisation obligatoire pour dispenser ces animations. Mais quelle est la proportion des enfants et ados déjà sensibilisés à ces thématiques en Wallonie et à Bruxelles? En réalité, seuls 20 % des élèves francophones bénéficient d’au moins une séance de deux heures sur l’ensemble de leur scolarité. À titre de comparaison, ce taux est de 83 % chez nos voisins français. “C’est évidemment très peu, réagit la FLCPF. Jusqu’ici, chaque établissement était libre de faire de l’Evras comme il le voulait. Alors certains mettaient en place des cellules dédiées avec les parents et les enseignants pendant plusieurs années, mais d’autres étaient plus résistants et se contentaient de placarder quelques affiches dans le fond d’un couloir… D’où l’importance de généraliser ces apprentissages pour contrer les inégalités qui pourraient naître dans les foyers en fonction des sensibilités des uns et des autres. Car, indépendamment de la culture ou de la religion, on sait que certains parents sont plus à l’aise que d’autres sur ces questions.” Les organisations internationales comme l’OMS ou Amnesty, mais aussi Child Focus, recommandent d’ailleurs depuis des lustres de renforcer ces animations en milieu scolaire.
Strict minimum
Pour ce faire, une enveloppe annuelle totale de 4,8 millions d’euros a été dégagée: 3,8 millions pour la Wallonie et un million pour la Région bruxelloise. Est-il envisageable de sensibiliser les jeunes à ces nombreuses thématiques en l’espace de seulement deux fois deux heures sur toute la durée de leur parcours scolaire? “Non, et on plaide bien entendu pour davantage d’animations, poursuit la FLCPF. Il faut aussi savoir que les moyens en Région bruxelloise ont été augmentés progressivement ces dernières années. Il ne s’agit donc pas d’une révolution. En Région wallonne, en revanche, l’enveloppe est bien plus conséquente et va permettre d’engager de nombreux animateurs supplémentaires.” En 2021, le Département d’économie appliquée de l’ULB publiait une étude sur la question de la fréquence de ces animations. Trois modèles étaient proposés par les chercheurs pour cette généralisation: un modèle minimal, un intermédiaire et un idéal. “On est sur un modèle minimal mais l’idée est de le développer davantage par la suite. Il faudrait pouvoir faire de l’Evras à tout âge et pendant toute la scolarité. Des écoles mettent en place des animations dès la maternelle sur le respect de son corps, les émotions ou le consentement . Mais mettons déjà cela en place concrètement et voyons comment cela se passe.”
Pourquoi a-t-il fallu attendre un quart de siècle avant de les imposer? Du côté des différents ministères, on pointe un manque de moyens humains et financiers. “Ces dix dernières années, l’absence de mise en commun de tous les acteurs Evras a aussi été un obstacle, ajoute David Leclercq. Il fallait se mettre d’accord sur un contenu commun, des balises identiques.”
Plus de choix éclairés
Rappelons que le projet a aussi rencontré de nombreuses oppositions. Notamment issues de courants catholiques conservateurs. Certains détracteurs auraient-ils aussi préféré que ces cours soient donnés par des professeurs, jugés plus neutres et moins “pro avortement” que les centres de planning familial? “Je ne sais pas si ces pressions sont réellement liées à des courants confessionnels, tempère David Leclercq. Et puis, que proposent ces forces anti-Evras à la place? Ne faudrait-il pas travailler ces questions de harcèlement, de violence, d’inégalités liées au genre ou de prévention des grossesses non désirées? Ce sont pourtant des questions actuelles. Notre volonté est de permettre aux jeunes d’avoir la capacité de faire des choix éclairés sur ces questions et absolument pas de faire du prosélytisme pro-avortement dans ces animations. Je constate d’ailleurs que le réseau libre (catholique - NDLR) défend aussi la place de ces apprentissages.”
Reste que tout ne sera pas opérationnel dès la rentrée. Notamment au niveau de l’organisation générale: le protocole d’accord prévoit que les thématiques de l’Evras soient abordées dans les autres cours. De plus, le système labellisation des opérateurs pour obtenir un niveau qualitatif homogène ou du comité d’accompagnement qui devra tout monitorer doit encore être mis au point.