
La COP 26, paradis du lobby des énergies fossiles

"Si l’industrie des combustibles fossiles était un pays, elle aurait de loin le plus grand nombre de délégués à la COP 26", affirmait lundi Global Witness. L’ONG a fait les comptes : à Glasgow, 503 lobbyistes du charbon, du pétrole et du gaz ont été accrédités. Plus que la délégation du Brésil, qui avec 479 personnes, est pourtant le pays le mieux représenté en Ecosse, selon la BBC. Au total, Global Witness et plusieurs autres organisations ont passé au crible quelque 40.000 inscriptions pour la COP 26.
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À elle seule, la « team » énergies fossiles est plus fournie que celle de Porto Rico, de la Birmanie, de Haïti, des Philippines, du Mozambique, des Bahamas, du Pakistan et du Bangladesh réunis. Huit pays particulièrement touchés par le changement climatiques ces dernières années. Les lobbyistes sont répartis au sein de 27 délégations officielles de pays.
Expertise indispensable ?
Comme les membres des ONG ou les scientifiques, les lobbyistes économiques ne participent pas en tant que tels aux négociations. Ils peuvent assister le personnel politique et échanger avec les autres délégations. « Les observateurs ont un statut qui ne leur permet pas de prendre part de manière active au même titre que les Etats, rappelait mardi sur RTS la chercheuse Sofia Kabbej. On a des sessions fermées et des sessions ouvertes. Les lobbies pétroliers ont la même influence qu'un représentant d'ONG mais leur grand nombre fait qu'ils sont présents partout. Plus on est nombreux, plus on peut savoir ce qu'il se passe et réagir".
Pour leurs défenseurs, les lobbys resteraient nécessaires : du fait de leurs activités, les industriels témoigneraient d’une expertise difficilement remplaçable. Un point de vue que ne partage pas Ilona Kickbusch, fondatrice du programme de santé mondiale au Graduate Institute de Genève. « Les industries de la technologie prétendent toujours que les fonctionnaires des gouvernements ne connaissent rien aux big tech et qu'ils ne devraient donc pas les réglementer, avançait-t-elle sur RTS. Je pense que nous avons suffisamment d'experts mondiaux en matière d'énergies, de pétrole et de gaz, et surtout d'énergies alternatives. Donc je ne pense pas que ce soit un argument pertinent".
Respecter les objectifs de l'accord de Paris
Pour les ONG environnementales, la présence des lobbyistes, même (surtout ?) en coulisse de la COP 26, n’augure rien de bon. Les engagements pris à Glasgow, jugés trop faibles, témoigneraient ainsi du travail de sape de ces hommes de l’ombre. « L’industrie des combustibles fossiles a passé des décennies à nier et à retarder toute action réelle contre la crise climatique, avançait Murray Worthy, de Global Witness, à la BBC. Leur influence est l’une des principales raisons pour lesquelles 25 ans de pourparlers sur le climat de l’ONU n’ont pas conduit à de réelles réductions des émissions mondiales".
À mi-parcours de la conférence de l’ONU, les pays en première ligne contre le réchauffement climatique ont critiqué les engagements insuffisants selon eux, des pays les plus riches. Même la directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), a lâché mardi : « Quand on regarde ces nouveaux engagements, franchement, c'est la montagne qui a accouché d'une souris". Publié juste avant le début de la COP 26, le rapport annuel du PNUE prédisait un réchauffement "catastrophique" de +2,2 à +2,7°C par rapport à l'ère pré-industrielle.
Mises à jour à partir des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 150 États, les prévisions de l’instance onusienne ne changent fondamentalement pas grand-chose. Les engagements pris ces deux dernières semaines à Glasgow représenteraient 0,5 gigatonne CO2 d'émissions en moins en 2030. Pour rester dans les clous de l’accord de Paris, dont l’objectif le plus ambitieux est de limiter le réchauffement à +1,5°C, il faudrait y ajouter 27 gigatonnes…