Neige artificielle, érosion des sols… Les JO de Pékin sont aussi un fiasco écologique

Des JO ni verts, ni vraiment blancs : pour la première fois, les Jeux olympiques d’hiver se dérouleront exclusivement sur de la neige artificielle. De quoi inquiéter les défenseurs de l’environnement.

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Un canon à neige artificielle au Centre national de ski alpin de Yanqing @BELGAIMAGE

À Pékin, la fête ne sera pas vraiment au rendez-vous. Comme à Tokyo l’année dernière, les XXIVe Jeux olympiques d’hiver (4-20 février), qui s’ouvrent ce vendredi, seront privés de public, covid oblige. Le régime chinois entendait faire de l’événement une démonstration de sa puissance. Mais deux ans après le début de la pandémie, et malgré sa stratégie « Zéro covid », la Chine ne peut pas encore crier victoire.

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Le pays connaît en effet une reprise épidémique (Pékin a enregistré le 30 janvier le record du nombre de cas depuis 18 mois). Et dans le même temps, il doit faire face à de nombreux reproches sur la scène internationale. Le régime de Xi Jinping est épinglé pour sa répression brutale des Ouïghours dans la province du Xinjiang, ainsi que pour sa gestion de Hong Kong. L’affaire Peng Shuai, du nom de cette championne de tennis qui a temporairement disparu après avoir accusé un ancien haut responsable du Parti de viol, n’aura rien arrangé. Les Etats-Unis, suivis par quelques nations alliées comme la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie, ont décidé de boycotter la cérémonie d’ouverture.

Des questions écologiques ternissent également l’image de la compétition. En 2019, les organisateurs se sont engagés à mettre en place des Jeux « propres" et « respectueux de l’environnement". Toute l’électricité consommée lors des épreuves olympiques, ont-ils assurés, sera entièrement d’origine renouvelable, ce qui serait une « première dans l’histoire". Et 85% des véhicules utilisés durant la quinzaine rouleront à l’hydrogène ou à l’électricité.

Plus de neige à Madrid

Mais ces JO d’hiver présenteront un bilan environnemental tout sauf immaculé. C’est que la région de Pékin, avec son climat semi-aride, n’est pas vraiment connue pour ses chutes de neige. La région des sites olympiques est même réputée pour sa sécheresse hivernale. Selon les données du site worldweatheronline, le Centre national de ski alpin de Yanqing, qui accueillera une partie des épreuves, n’avait reçu que 2 centimètres de neige entre janvier et mars 2021. Soit moins que Londres ou Madrid, à la même période.

Du coup, ces Jeux seront l’occasion d’une autre première historique : 100% des compétitions se dérouleront sur de la neige artificielle. Un « or blanc » qui a un coup non négligeable pour l’environnement. En électricité, et en eau.

fausse neige aux JO de Pékin

© BelgaImage

La Chine calculait en 2019 avoir besoin de 185 millions de litres d’eau pour couvrir les pistes. D’autres estimations tournent plutôt autour de 225 millions de litres. Or, la région est déjà à risque de stress hydrique. Pékin ne peut compter que sur 300 m3 d’eau par an et par habitant, soit moins d’un tiers des recommandations de l’ONU.

« Ils [les organisateurs NDLR] affirment vouloir réduire la consommation en eau pour fabriquer la neige artificielle, mais ce n’est pas possible, balayait Carmen de Jong. Pour fabriquer une telle quantité de neige, ce n’est jamais assez, pointait la professeure en hydrologie (université de Strasbourg) à France Info. "Les agriculteurs sont déjà très dépendants de la nappe phréatique et doivent payer l'eau par mètre cube pour irriguer leurs parcelles, parce que rien ne pousse sans irrigation, continuait Carmen de Jong. Si en plus, on pompe de l'eau pour créer de la neige artificielle, cela pourrait vraiment stresser les réserves locales".

Déconnectés totalement de l'environnement

Autre problème : une partie des pistes de ski ont été construites sur une réserve naturelle protégée. 25% de la totalité de la réserve serait détruite, selon Carmen de Jong. De quoi menacer certaines espèces, privées de leur habitat naturel. Enfin, plusieurs installations à proximité des sites olympiques ont été bâties sur des gorges montagneuses, comblées avec des sédiments. Ce qui fait présente des risques accrus d’érosion, selon des spécialistes. De l’érosion que peuvent également provoquer à terme les équipements et les conduites transportant l’eau nécessaire à la neige artificielle.

« On a mis les Jeux d’hiver où on n’aurait pas dû mettre des Jeux d’hiver", résumait pour l’AFP Martin Müller, de l’institut de géographie et durabilité de l’université de Lausanne (Unil). « Ces jeux sont déconnectés de leur environnement, abondait Martine Rebetez, professeure de climatologie à l’université de Neufchâtel . Voir juste une bande de neige, sur laquelle on va pratiquer des activités diverses, avec tout autour de la végétation ou potentiellement du désert ou du rocher est hors-sol. Cela signifie que c’est la victoire de la technique sur l’environnement, à une époque où l’on se rend compte que l’humanité ne peut pas se déconnecter à ce point de son environnement et qu’il est temps qu’elle en prenne soin".

Plus de JO d'hiver en 2100?

En réalité, Beijing 2022 s’inscrit dans une continuité : sur les trois dernières éditions des JO d’hiver, les villes hôtes ont de plus en plus dû recourir à la neige de culture. "C’est un déni de la part du CIO", pointait pour FranceInfo Arnaud Gauffier, du WWF France. "Les choix des sites sont très politiques, donc les considérations environnementales, de savoir s'il y a de la neige ou pas, arrivent en dernier. On l'a vu avec Sotchi en 2014, on le voit encore aujourd’hui avec Pékin. Ce sont des sites où il n'aurait jamais dû y avoir les JO".

Une tendance qui ne devrait vraisemblablement que s’accentuer dans les prochaines décennies. Selon une étude réalisée par des chercheurs de l’université de Waterloo (Canada), si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites de façon à atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, en 2100, une seule des 21 anciennes villes-hôtes (Sapporo, au Japon) disposera de conditions nécessaires pour l’organisation de Jeux olympiques d’hiver...

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