Un oléoduc géant traversant Bruxelles ? Pourquoi des militants écologistes ont monté ce canular

Un collectif a imaginé un canular pour dénoncer le projet EACOP de Total Energies, qui vise à construire un pipeline de pétrole entre l’Ouganda et la Tanzanie.

Un oléoduc géant traversant Bruxelles ? Pourquoi des militants écologistes ont monté ce canular
photo-prétexte @BELGAIMAGE

«Des travaux de grande ampleur seront réalisés pour développer nos réseaux de distribution énergétique et débuteront à partir du 24 avril 2023 pour une durée de neuf mois. Ces travaux visant à l’enfouissement de l’oléoduc WECOP engendreront de fortes perturbations pour vos trajets quotidiens. Par mesure de sécurité, nous vous conseillons, dans la mesure du possible, d’éviter de circuler dans le secteur durant cette période».

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Voici ce qu’on pouvait lire sur un flyer découvert le week-end dernier par certains habitants d’Ixelles et d’Uccle (Bruxelles). Un numéro redirigeant vers un standard téléphonique était indiqué en cas de question. Les riverains ont même pu observer des affiches annonçant le début des travaux et des marquages au sol. À croire cette communication, il s’agissait du projet WECOP, pour «West European Crude Oil Pipeline».

Selon le site dédié au projet, il était question de relier le port de Rotterdam à celui de Marseille, grâce à 1.443 kilomètres d’oléoduc. Le tout, en passant par Bruxelles. Et même si, comme WECOP l’admettait, le tracé du projet traversait trois parcs régionaux français et plusieurs zones humides ou ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique), l’organisation jurait vouloir «produire un impact positif net sur la biodiversité».

Bien sûr, comme on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, le site prévenait que près de 8.000 foyers devraient être déplacés afin d’acquérir les terres nécessaires, en Belgique et en France, mais qu’une compensation financière serait apportée aux personnes concernées. Dans la foulée, une pétition était lancée et plusieurs comptes actifs dans la protection de l’environnement se mobilisaient sur les réseaux sociaux.

Avant de rapidement démentir, et de dévoiler ce qui était en réalité un canular : non, il n’est évidemment pas prévu d’enfouir en plein Bruxelles un pipeline faisant transiter du pétrole sur près de 1.500 kilomètres.

"L’oléoduc EACOP en revanche est toujours prévu"

«On a fait en France [et en Belgique, ndlr] ce que Total fait en Ouganda», expliquait le collectif d’activistes Le Bruit qui court, à l’origine de ce canular à grande échelle (en plus de Bruxelles, des panneaux annonçant de prétendus travaux ont aussi été déployés à Paris, Rouen, Lyon, Grenoble ou Marseille). À Ixelles et à Uccle, c’est le collectif TotalementDown qui a réalisé la supercherie.

Celle-ci a été révélée ce mardi 25 avril, un bandeau jaune ayant notamment fait son apparition sur le site : «Le projet WECOP n’aura pas lieu. Toutes les lettres d’expropriation reçues sont nulles et non avenues. L’oléoduc EACOP en revanche, en tout point similaire à WECOP, est toujours prévu par TotalEnergies en Ouganda et Tanzanie».

Dans un court clip vidéo diffusé sur Twitter, les militants du Bruit qui court ont dit avoir voulu faire «sentir ce que ce serait de construire un oléoduc en plein milieu de la France».

 

 

100.000 personnes expropriées en Tanzanie et en Ouganda

À Bruxelles, plusieurs citoyens, inquiets, ont appelé la ligne téléphonique renseignée sur les faux panneaux. «On expliquait aux gens qu’il s’agissait d’un projet de pipeline pour approvisionner la France et la Belgique en pétrole face à la crise climatique», a détaillé à La Libre Laurie Pazienza, du collectif TotalementDown.

«On disait que c’est un projet positif pour la biodiversité et pour le climat, qu’on ferait de la compensation carbone… On a réutilisé toute la rhétorique de TotalEnergies, mais sans les mentionner». Et ce, afin d’illustrer l’entreprise de greenwashing dont se rendent coupables, selon les militants, les majors pétroliers.

 

 

En utilisant cette forme innovante d’action, les activistes espèrent sensibiliser l’opinion publique et remettre à l’agenda médiatique leur lutte contre le projet EACOP. Celui-ci, bien réel cette fois, va sillonner l’Ouganda et la Tanzanie sur plus de 1.443 km. Objectif : transporter du pétrole jusqu’au bord de l’océan Indien.

À terme, EACOP devrait avoir entraîné l’expropriation totale ou partielle de près de 100.00 personnes (sans toujours une indemnisation décente à la clé). Les ONG qui s’opposent au projet pointent également les 130 forages à venir dans le parc national des Murchinson Falls, une catastrophe annoncée pour l’exceptionnelle biodiversité du parc.

 

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