
Pause des normes environnementales européennes : pourquoi ce soudain rétropédalage ?

Le 11 mai, Emmanuel Macron présentait sa stratégie pour accélérer la réindustrialisation de la France. Trois mots sont ressortis de son speech: “pause réglementaire européenne”. Mais une pause sur quoi? Sur les normes environnementales. Il estime que l’UE a désormais “besoin de stabilité, après avoir fait plus que tous ses voisins”. Tollé au sein de la gauche française à tendance écolo.
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Mais si les déclarations de Macron ont mis de l’huile sur un feu déjà ardent dans l’Hexagone, elles ont aussi fait tache d’huile. Chez nous, notamment. C’est d’abord la ministre flamande de l’Environnement Zuhal Demir (N-VA) qui a récupéré la passe de Macron, parlant d’un “retour à la réalité”. Et lancé (peut-être sans le vouloir) notre Premier ministre Alexander De Croo vers le but, qui a conclu l’action sans se faire prier. “Il faut éviter de trop surcharger la charrette en renforçant les normes en matière d’azote, de restauration de la nature et de biodiversité, en plus des objectifs concernant les émissions de CO2.” Le Premier insiste en effet sur la concentration des efforts vers la diminution des émissions de CO2, et prend le pari de la décorréler de la préservation de la biodiversité. Un non-sens pour la ministre fédérale de l’Environnement, sa ministre, Zakia Khattabi. “La crise climatique et l’érosion de la biodiversité sont deux crises intimement liées, c’est ce que nous disent dans un rapport commun les experts du climat (Giec) et de la biodiversité (IPBES). Ce qui est bon pour le climat est bon pour l’environnement.”
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Alors, d’où viennent ces roucoulements des autorités envers les industriels européens, à contre-courant de l’urgent combat écologique? Selon de nombreux experts, des États-Unis. L’été dernier, Joe Biden validait son plan de près de 400 milliards de dollars destiné à accélérer le développement d’énergies renouvelables et de décarbonation de l’industrie américaine. Subventions, prêts, incitations fiscales... Le menu est alléchant pour les entreprises. Certaines menacent donc de s’exiler outre-Atlantique, à moins que l’Europe ne leur accorde plus de latitude environnementale. On observe aussi depuis plusieurs mois les libéraux français et belges, mais aussi néerlandais, draguant les industriels et les agriculteurs. Un peu partout, donc, l’envie d’un assouplissement des normes environnementales grandit.
Plus on prend du temps, plus l’action coûtera cher.
Alors maintenant, à quoi s’attendre? C’est évidemment difficile à dire, mais tout cela enterre un peu plus les espoirs de voir aboutir les négociations autour des volets “biodiversité” ou “pesticides” du Pacte vert européen. Sur la question des pesticides, le Parti populaire européen (PPE) d’Ursula von der Leyen a d’ailleurs appelé avec une certaine agressivité à rejeter le projet de règlement sur la réduction de leur utilisation de 50 % d’ici 2030. Le PPE se réjouit donc des positions de Paris, Bruxelles et Amsterdam. Mais la Commission européenne défend son Pacte vert. “Nous n’avons pas le temps de repousser l’action, a défendu Frans Timmermans, son vice-président. Plus on prend du temps, plus l’action coûtera cher.”

Paris, 26 mai. Une dame enjambe des manifestants, son sac Vuitton à l’épaule, pour rejoindre l’assemblée générale de TotalEnergies. Tout un symbole? © DR
Différents temps de pause
Derrière le terme de pause peuvent se cacher différentes revendications. Car si elles paraissent se rejoindre dans les termes et sur le timing, les volontés française, belge et même flamande diffèrent sur le fond. Là où Macron imagine aller au bout des réglementations européennes actuelles sans en ajouter de nouvelles, Alexander De Croo considère le combat contre les émissions de CO2 comme prioritaire, aux dépens de la sauvegarde de la biodiversité. Zuhal Demir refuse, elle, de faire endosser à la Flandre la part belge de réduction d’émissions pour 2030. Elle préfère miser exclusivement sur l’adaptation face au changement climatique.
Vivaldi en mode survie
L’ambiance doit être électrique à la cantine de la Vivaldi. À l’instar de sa comparse Zakia Katthabi, Jean-Marc Nollet, président d’Écolo, s’est dit “stupéfait” des propos d’Alexander De Croo et estime que cette pause est contre l’accord de gouvernement. Il est suivi par le président socialiste Paul Magnette. Pour Jean-Marc Nollet (et beaucoup d’autres), il s’agit bien de la sortie d’un homme en campagne, alors que l’Open VLD galère dans les sondages. Elle ne reflète pas l’avis de sa majorité, elle la met même en danger. Mais personne n’imagine la faire tomber. Après une telle fracture, la Vivaldi est donc amenée à vivoter jusqu’aux élections de 2024.
Dans l’urine des petits Wallons
N’en déplaise à Alexander De Croo et Zuhal Demir, la question des pesticides est centrale et ne se met pas en pause. La Wallonie a dévoilé son deuxième bio-monitoring et les résultats sont édifiants: 99 % des petits Wallons ont dans l’urine des traces d’insecticides. Un enfant sur trois présente des traces de glyphosate. Le cadmium revient dans 95 % des échantillons, parfois à des doses dangereuses. Ses concentrations sont deux à trois fois supérieures à celles de 2011. L’étude parle encore de traces d’arsenic, de mercure ou de plomb. Elle note enfin une légère baisse de présence du bisphénol, preuve que les restrictions fonctionnent.