
La bonne nouvelle du jour: les émissions de CO2 auraient-elles (enfin) atteint un plafond?

Le GIEC ne cesse de le rappeler: pour "garantir un avenir vivable" à la planète, il faut drastiquement réduire les émissions de gaz à effet de serre et ce dès maintenant. Pour cela, encore faut-il que la tendance soit à la baisse. Pas de chance, ce n'est pas le cas jusqu'ici... ou du moins ce n'était pas le cas. Car il se pourrait que ce basculement soit à portée de main. C'est ce que tend à montrer le climatologue Zeke Hausfather, prisé par la presse américaine. Sur le site "The Climate Brink", il livre les nouvelles projections mondiales en matière d'émissions de CO² et il semblerait que celles-ci atteignent un plateau. Un constat qui, s'il est confirmé par ses collègues, serait un premier signe positif. Pour autant, l'humanité n'est pas sortie d'affaire.
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Le pire scénario s'éloigne
Selon les estimations relayées par Zeke Hausfather, si les émissions de CO2 continuent de grimper cette année, ce serait de façon minime comparé à la tendance qui a prévalu de 2000 à 2014. À cette époque-là, la hausse était si forte qu'elle suivait parfaitement le pire scénario envisageable, à savoir celui dénommé RCP 8.5, qui équivaut à un réchauffement de 4,7°C d'ici 2100.
Heureusement, depuis, les deux courbes ont commencé à se détacher. Certes, les émissions de CO2 ont continué à augmenter, mais de manière plus timorée. Depuis quelques années, c'est même presque comme si un plateau avait été plus ou moins atteint. Selon Zeke Hausfather, le scénario qui paraît de plus en plus vraisemblable est désormais celui RCP 4.5, qui correspond à une hausse de température de 2,7°C d'ici la fin du siècle. En isolant le CO2 issu uniquement de l'industrie fossile, c'est-à-dire celui qui est le plus délétère pour le climat, la courbe actuelle correspond même déjà parfaitement aux projections RCP 4.5.
The world is no longer following the worst case emissions scenario. This is good news, but we are still far from on track to meet our climate goals.
In a new post over at The Climate Brink we dig into the evidence and explore where we are headed now: https://t.co/8KseoAZtzr pic.twitter.com/Z7ew48G4dh
— Zeke Hausfather (@hausfath) May 25, 2023
Le climatologue se montre assez confiant quant au fait que les émissions globales de CO2 ne devraient plus véritablement croître. De fait, il n'est pas le seul à le dire. En 2022, le rapport de l'Agence internationale de l'Énergie estimait pour sa part que le pic mondial devrait être atteint en 2025, la guerre en Ukraine ayant contribué à accélérer les investissements dans les énergies renouvelables. Un constat partagé par Zeke Hausfather qui note le résultat de la transition énergétique vers des énergies plus propres, en délaissant progressivement le charbon.
Une "première étape" qui ne suffit pas
Si ce plafond se confirme au cours des prochaines années, ce serait une première étape. Pour autant, est-ce que cela est de bon augure pour la suite? Oui et non. "Le monde n'arrêtera pas de se réchauffer tant que nous n'aurons pas atteint zéro émission" de CO2, note Zeke Hausfather, et "même après avoir atteint [cet objectif], le monde ne se refroidira pas avant de nombreux millénaires si nous n'éliminons pas plus de CO2 dans l'atmosphère que nous n'en émettons". De plus, "nous sommes déjà bien loin de ce qui serait nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5°C".
Le GIEC le confirme: pour se limiter à une hausse de 1,5°C est encore possible mais l'effort à fournir est titanesque. Il faudrait pour cela diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030. Autant dire que cette perspective peut être définitivement enterrée si l'humanité se limite à un plateau, sans suivre cette baisse radicale. Et même si cet idéal d'une hausse de température limitée à 1,5°C est réalisé, cela n'empêcherait pas des catastrophes environnementales, comme vient de le confirmer un consortium de 50 chercheurs ce mercredi.
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Autrement dit, il y a encore du pain sur la planche. Pour l'instant, selon les chiffres de l'ONU et de l'Agence internationale de l'énergie, le scénario le plus probable est désormais celui d'un réchauffement de 2,5-2,6°C. Si les États du monde entier respectent leurs engagements pour 2030, cela devrait baisser à 2,4°C (avec cela dit une fourchette pouvant aller jusqu'à 3,7°C). Enfin, si l'humanité parvenait à s'engager à atteindre la neutralité carbone, les dégâts seraient bien plus limités, avec une hausse de 1,7°C (ou plus exactement entre 1,2°C et 2,6°C).
Mais c'est sans compter qu'il reste difficile de prévoir comment va réagir exactement la planète à de telles concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Il n'est pas impossible que la machine s'emballe si un certain niveau est atteint, d'où la nécessité d'inverser la tendance dès maintenant. La création de boucles de rétroaction négatives, c'est-à-dire de situations où le réchauffement climatique s'alimente lui-même (du fait des feux de forêt, de la fonte du permafrost et des glaciers, de l'affaiblissement des courants marins, etc.), pourrait être fatal. "Aplatir la courbe des émissions mondiales n'est que la première étape d'un long chemin pour la ramener à zéro", conclut Zeke Hausfather.