L’écocide va devenir un crime : qu'est-ce que cela pourrait changer pour la sauvegarde de l’environnement ?

L’écocide devrait faire son entrée dans le Code pénal en Belgique.

Une nappe de pétrole sur une plage de la baie d’Avacha, au Kamtchatka (Russie), le 13 mai 2022
Une nappe de pétrole sur une plage de la baie d’Avacha, au Kamtchatka (Russie), le 13 mai 2022 @BELGAIMAGE

Dans le delta du Niger, les sols et les eaux ont été contaminés par des millions de pétrole brut. Les animaux y meurent, la mangrove s’est transformée en désert biologique. Les habitants qui vivaient auparavant de la pêche sont plongés dans la pauvreté et la famine ; leur santé est irrémédiablement abimée par les rejets pétrolifères.

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Plus près de nous, l’usine de la multinationale 3M à Zwijndrecht (Anvers) a rejeté dans l’environnement du PFOS, un produit chimique particulièrement nocif. Des riverains ont enregistré des taux de PFOS dans le sang bien supérieur aux limites autorisées, un risque sérieux pour leur santé.

Ce sont deux exemples dans la liste infinie des maux que l’homme inflige à la nature (et à lui-même). Actuellement, les infractions environnementales jugées comme telles sont principalement sanctionnées par des amendes. Selon le principe du «pollueur-payeur», celles-ci sont destinées à compenser les impacts et/ou la remise en état des sites touchés.

Souvent, la remise en état ne peut s’envisager à l’échelle d’une vie humaine ou sont difficilement compensables. Et les amendes prononcées au civil restent pour beaucoup d’entreprises dérisoires, et provisionnées dans leurs budgets afin de poursuivre leurs activités néfastes.

 

 

C’est dans l’objectif de faire réellement payer la pollution à ceux qui l’ont causée que la Belgique réfléchissait à intégrer la notion d’écocide dans la législation (du grec oïkos, la maison, et du latin caedere, tuer ; se rendre coupable d’écocide, c’est brûler notre foyer, la Terre).

«Un pas important dans la bonne direction»

Il y a dix jours, le conseil des ministres a approuvé en deuxième lecture le projet de loi réformant le Livre 2 du Code pénal. L'écocide figure parmi les nouveaux types de crimes répertoriés. En cas d’adoption par le Parlement, la Belgique rejoindra les 11 pays, dont la France, la Russie, l'Arménie, l'Ukraine ou le Vietnam à avoir inclus le terme dans leur propre code pénal.

Comme il semble défini en l’état par le projet de loi, l'écocide désigne ici la destruction et les dégradations environnementales graves et étendues qui ont un impact négatif et à long terme sur les écosystèmes.

 

 

«Les atteintes graves à l'environnement qui portent préjudice sur le long terme aux écosystèmes, dont la santé humaine dépend, ne peuvent rester impunies. Bien que la définition soit plus restreinte que je ne l'espérais, je me félicite de voir aujourd'hui la Belgique rejoindre ce groupe de pays pionniers en la matière», a souligné Zakia Khattabi, ministre fédérale de l'Environnement.

«Bien que la loi soit beaucoup plus restrictive que ce que nous espérions, il s'agit d'un pas important dans la bonne direction», commentait Patricia Willocq, fondatrice et directrice de Stop Ecocide Belgium. «Il appartient maintenant au Parlement de renforcer la loi».

Une affaire de définition

Les associations de défense de l'environnement ont déploré en effet que le projet de loi ait été limité aux seules compétences fédérales en matière d'environnement. «C‘est l’aspect le plus décevant et nous étudions actuellement les conséquences de cette décision sur l’impact de la loi», ajoutait Patricia Willocq.

Dans un premier temps, le gouvernement fédéral planchait sur une définition plus restrictive encore de l’écocide, insistant sur le caractère délibéré d’un dommage à l’environnement. Une définition qui ne satisfaisait pas les associations, puisque dans de nombreux cas l’écocide n’est pas le résultat d’un acte délibéré, mais plutôt d’un défaut grave de prévoyance ou de précaution.

De plus, il est très difficile de prouver que des dommages aient été commis intentionnellement. Sur ces deux points, le gouvernement fédéral semble avoir suivi les associations.

Un impact avant tout symbolique ?

Si la criminalisation de l’écocide et, plus généralement, la justice, ne pourront vraisemblablement pas à elles-seules sauver ni le climat ni l’environnement, la mesure envoie tout de même un message aux entreprises peu soucieuses du devoir de précaution (et à leurs dirigeants) : les atteintes graves atteintes à l’environnement sont des crimes qui doivent être traités avec le plus grand sérieux.

 

 

Si le projet de loi est adopté, le crime d’écocide se situera en effet au niveau six dans la nouvelle échelle des peines qui comporte huit niveaux, et sanctionné d’une peine d’emprisonnement pouvant aller de 10 à 20 ans.

 

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