
Pourquoi les couples ont-ils de plus en plus de mal à faire des enfants ?
Les couples qui ont eu des enfants ou en désirent le savent: tomber enceinte est parfois une épreuve qui dure des mois, voire des années. Certains n’y parviennent jamais… La situation ne devrait pas s’améliorer. En 2050, la fécondation 100 % naturelle pourrait ne plus être possible du tout. Ce constat effrayant émane d’une récente étude publiée dans la revue Human Reproduction Update. Selon celle-ci, la concentration moyenne de gamètes dans le sperme de la population masculine générale a baissé de 101 millions par millilitre (M/ml) en 1973 à 49 M/ml en 2018. Soit le niveau d’un homme “subfertile”. Cette décroissance ne devrait pas s’arrêter… jusqu’à, si on extrapole la tendance, se rapprocher de zéro en 2050.
“À en croire cette dernière étude, le nombre de spermatozoïdes diminue en effet de façon spectaculaire, mais j’insiste: il faut être prudent face à ces résultats. Les biais potentiels sont nombreux dans ce genre de recherches. Les résultats peuvent varier selon divers facteurs externes. Par exemple, si le sujet éjacule régulièrement, s’il a été touché par une infection virale, s’il a longuement été abstinent…”, commente le chef de département de la clinique de la fertilité Brussels IVF de l’UZ Brussel, plus grand centre de fertilisations in vitro d’Europe, Christophe Blockeel. D’autres travaux sont d’ailleurs moins pessimistes. Aux États-Unis, le National Institute of Health affirme que “seuls” 15 % des couples ne sont pas encore parvenus à ce que la femme tombe enceinte après deux années complètes de rapports sexuels non protégés réguliers. Du côté de la France, l’Institut national d’études démographiques établit qu’une femme de moins de 35 ans a en moyenne besoin de sept mois pour procréer. 97 % des couples atteindraient leur but endéans une année.
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Plus âgées, moins de bébés
Évaluer l’ampleur du phénomène de baisse de fertilité est donc complexe. “Ce n’est pas demain la veille que les couples ne pourront plus du tout faire d’enfants naturellement. Pour autant, c’est une réalité: les Occidentaux sont de moins en moins fertiles”, pose le docteur Daniel Radbata, spécialiste du CHU de Charleroi. La croissance du recours à la procréation médicalement assistée en est révélatrice. En Belgique, elle a augmenté de 25 % en l’espace de dix ans, selon l’Institut européen de bioéthique. Cette hausse peut paraître énorme. Pourtant, les Belges s’en sortent bien… Au Canada par exemple, le recours à la PMA a été multiplié par deux sur la même période.
Sans se concerter, les deux médecins insistent sur la cause majeure: l’âge des femmes désireuses d’avoir un enfant. Elles essaient de tomber enceintes plus tard que leurs mères avant elles. Or une femme est au moins trois fois plus fertile à 20 ans qu’à 35 ans. À la naissance, une fille possède déjà l’intégralité de ses ovules. Ces derniers deviennent de moins en moins nombreux au fil des années, notamment en raison de la menstruation.
Fit pour la fertilité
Outre l’âge, d’autres facteurs de vie rendraient la population occidentale moins fertile. La première touche aux maux de notre époque. La documentation académique est maintenant bien fournie sur le sujet. Prenons le surpoids ou l’obésité, essentiellement abdominale. Elle induit des altérations de divers mécanismes endocriniens. Dès lors, les hommes obèses connaissent généralement une diminution des taux de testostérone couplée à une augmentation des taux d’œstrogènes. Cela altère la spermatogenèse. En outre, le surpoids peut provoquer une augmentation du tissu adipeux scrotal, ce qui réchauffe les testicules. Cette hausse de température abîme également la spermatogenèse.
Les femmes en situation d’obésité auraient de leur côté plus de difficultés à tomber enceinte. L’Université de Sherbrooke, au Québec, a démontré qu’un tiers (33,3 %) de celles qui avaient participé à un programme “Fit For Fertility” (nutrition, kinésiologie, 45 minutes hebdomadaires d’activité physique) pendant six mois étaient tombées enceintes spontanément. Parmi l’autre groupe qui n’a pas participé au programme, seule une sur huit (12,3 %) est tombée enceinte, soit près de trois fois moins. Une initiative de ce type existe à l’UZ dans le cadre du parcours de soins FerMet (”Fertilité et Métabolisme”). “L’impact est tout aussi positif!”, se réjouit le professeur Blockeel. Des études de ce type ont par ailleurs établi un lien similaire entre consommation d’alcool et de tabac, ou plus généralement de mauvaise alimentation, et la fertilité. “Ce type de facteurs peut engendrer une diminution du nombre de spermatozoïdes ou de leur qualité, ainsi qu’une perte de qualité et de quantité ovocytaires”, appuie Christophe Blockeel.
Sperme pollué
Enfin, la pollution de l’air, les perturbateurs endocriniens et les pesticides joueraient un rôle important dans la perte de la fécondité. Une étude chinoise menée sur 18.000 personnes a notamment constaté que 30 % des femmes vivant dans des régions particulièrement polluées connaissent une infertilité inexpliquée, et qu’elles mettent en moyenne plus de temps à tomber enceinte que les autres. Les hommes ne seraient pas épargnés, car la qualité du sperme “pollué” serait également dégradée. “Il faudra plus de recul pour déterminer si les travaux qui commencent à apparaître aujourd’hui sont crédibles. Le travail scientifique doit se poursuivre”, conclut le chef de département du Brussels IVF.
Stress et grossesse
Même s’il n’existe à ce stade pas de consensus scientifique, le stress et l’anxiété pourraient représenter une autre source d’infertilité. Plusieurs études commencent à le suspecter. L’une d’entre elles publiée dans la revue Annals of Epidemiology pointe le fait que la probabilité de grossesse est 46 % moindre chez les sujets s’estimant stressés durant la période d’ovulation. Chez les hommes, stress et anxiété pourraient également entraîner une diminution de la qualité (mobilité, vitalité, morphologie des spermatozoïdes, etc.) du sperme. “Cela semble crédible, car le stress peut avoir des impacts hormonaux et dans certains cas mettre, en quelque sorte, certaines fonctions moins essentielles de l’organisme en état de veille. C’est notamment pour cela que certaines femmes ne sont pas réglées lors des périodes de stress ou d’angoisse intense”, appuie Dr Radbata.