
Un enfant sur cinq victime de violence sexuelle: la réalité derrière les chiffres

C'est un bilan qui fait froid dans le dos à l'occasion de la "Journée internationale des enfants victimes innocentes de l'agression". Selon le Conseil de l'Europe, près d'un cinquième des enfants a déjà subi des violences sexuelles sur le Vieux Continent. Cela peut prendre des formes multiples et variées: attouchements sexuels, viols, harcèlements, agressions sexuelles, mais aussi exhibitionnisme, exploitation sous forme de prostitution et de pornographie, chantage, extorsions sexuelles en ligne, etc. Une longue série d'abus qui, dans tous les cas, laissent souvent des cicatrices à vie, et ce d'autant plus qu'entre 70% et 85% des victimes connaissent leurs agresseurs.
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Pour ce qui est de la Belgique, les dernières données des CPVS (Centres de Prise en charge des victimes de Violences Sexuelles) ne sont pas non plus rassurantes. De janvier à mai 2022, une victime de violences sexuelles sur sept avait moins de 12 ans, soit 13,5%, contre 11% pour l'ensemble de l'année 2021. Un constat qui a "choqué" la vice-Première ministre Petra De Sutter. "Le pire, c’est que beaucoup de victimes ne se rendent même pas dans un centre", avait-elle déclaré par ailleurs.
Mais cela ne représente pas toute la réalité du problème puisque "la législation belge considère les relations sexuelles avec des personnes de moins de 16 ans comme des abus sexuels". En 2019, Fédération des centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes déclarait que 84 % des viols recensés concernent un mineur. Un phénomène difficile à quantifier et qui concerne de nombreux milieux sociaux.
Famille, école, sport, religion
Les études qui ont étudié le sujet, malgré les difficultés, mettent d'abord en valeur un chiffre: 80% des violences subies, parfois physiques mais non sexuelles, ont lieu dans le cercle familial. En théorie, la justice est là pour punir les agresseurs. Dans la pratique, le ton est tout autre: 70% de ces affaires sont classées sans suite.
Le Conseil de l'Europe met pour sa part en avant les abus qui se produisent dans le sport, où plusieurs facteurs entrent en ligne de compte. L'organisation note en particulier l'autoritarisme de certains entraîneurs et le déséquilibre dans le rapport de force avec les athlètes, surtout vu la domination de la gent masculine. Les situations de risques potentiels sont multiples: vestiaires, douches, co-voiturage, nuits hors de la maison. De plus, les contacts physiques sont nécessaires dans toute une série de disciplines et il existe plus globalement une grande tolérance pour les violences physiques et les blessures. Résultat: les incidents sont étouffés, les conduits sexuelles inappropriées tolérées, la discrimination et l'inégalité des genres acceptées.
Autre milieu risqué: l'école. Régulièrement, de tels faits sont répertoriés en Belgique. En mars dernier, le parquet de Tournai a réclamé 8 ans de prison pour un professeur ayant eu des échanges à caractère sexuel avec environ 200 adolescents à partir d’un faux compte Facebook. En novembre 2022, un instituteur a été poursuivi pour des attouchements sur 21 enfants et un professeur de Mouscron a été accusé de viols et attouchements sur des enfants de maternelles. En France, le journal Le Monde a fait savoir que chaque année, 10.000 "informations préoccupantes" sont répertoriées dans le milieu scolaire pour des présomptions de maltraitance sur un enfant.
Puis il y a le cas de la pédophilie chez les prêtres et les cadres religieux. En 2021, un rapport avait déclenché un véritable séisme en affirmant qu'en France, il y aurait eu entre 1950 et 2020 pas moins de 216.000 victimes mineures d'abus sexuels commis dans le cadre de l'Église. "C’est dans l’Église que les violences sexuelles sur mineurs sont les plus nombreuses, après la famille", déclarait alors à l'Obs la directrice de recherche à l’Inserm, Nathalie Bajos. En Belgique, il est beaucoup plus difficile d'y voir clair. Les forces de l'ordre avaient mené de spectaculaires perquisitions en 2010, notamment au siège de l'archevêché à Malines, mais des vices de formes ont rendu inexploitables les dossiers récoltés. Ce scandale, connu sous le nom d'Opération Calice, a entravé toute avancée en la matière et ce jusqu'à nos jours, comme l'a fait remarqué un documentaire d'Arte.
Des solutions pour faire face aux abus sexuels
Pour aider les victimes, les CPVS rappellent que celles-ci peuvent se rendre dans l'un de leurs centres (notamment à l'hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, aux CHU de Charleroi et de Liège, ainsi qu'au CHRSM de Namur). Des numéros de téléphone sont également mis à disposition. Les CPVS peuvent proposer une prise en charge médicale, un examen médico-légal, un dépôt de plainte, une prise en charge psychologique et un suivi à plus long terme. "Les recherches montrent que les victimes qui cherchent de l’aide rapidement et bénéficient d’une prise en charge globale ont de meilleures chances de résilience", notent-ils.
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Le Conseil de l'Europe souligne pour sa part plusieurs mesures à entreprendre pour lutter contre le phénomène: amélioration des législations, mise en place de stratégies de protections des enfants, établissement de codes de conduite, formation de professionnels, etc. L'organisation invite également les adultes à briser le silence pour empêcher les abus et aider à combattre l'impunité. En Europe, environ un tiers des enfants victimes d'abus ne parlent à personne de ce qui leur arrive, selon les dernières estimations.