
Des crèches qui ferment, quelles solutions pour les parents ? «En gros, on nous disait : débrouillez-vous»

C’est un conseil bien connu des (futurs) parents : pour espérer trouver une crèche à temps, il vaut mieux lancer ses recherches dès le troisième mois de grossesse, soit généralement un peu moins d’un an avant que l’enfant y soit accueilli. Un contre-la-montre pas évident à remporter, mais qui paraît presque facile à côté de la gageure de devoir, en cours de route, retrouver une nouvelle crèche pour son petit bout.
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C’est ce qu’ont vécu Melina et son mari, jeunes parents d’Isaac, 18 mois. Après avoir l’inscrit dans un établissement communal de la périphérie bruxelloise, les parents déchantent rapidement. «Le manque de puéricultrices devenait insécurisant, raconte Melina. Le personnel était débordé et n’avait plus le temps de s’occuper correctement des enfants. À la fin de la journée, on récupérait Isaac dans des états pas possible».
Pendant des mois, les parents écument les crèches environnantes afin de trouver une nouvelle place, sans succès. À la mi-février, ils apprennent que la crèche qui accueille toujours Isaac va finalement fermer, en avril. Les voilà réduits à sprinter : ils ont moins de six semaines pour trouver une solution.
Dans l’intervalle, l’accueil va se dérouler en service réduit, en fonction des disponibilités du personnel restant. «Au début, les jours où nous pouvions encore déposer Isaac ne nous arrangeaient pas du tout par rapport à nos horaires de travail, souffle la jeune maman. Heureusement que je pouvais compter sur ma mère pour garder Isaac, un jour par semaine. Parce que sinon, ce qu’on nous disait en gros c’était: débrouillez-vous».
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À force de rappeler l’administration communale chargée de replacer en catastrophe les enfants, Melina et son mari finissent par retrouver une autre place dans le communal, à un endroit qui s’était initialement refusé à eux.
«Nous étions devenus prioritaires, vu la fermeture. Aujourd’hui, on est très content de la nouvelle crèche. Mais qu’est-ce qu’on aurait fait sans ma mère ? Du jour au lendemain, tu te retrouves à devoir trouver une solution pour un, deux jours par semaine. Ou alors tu dois te tourner vers les crèches privées, qui proposent des tarifs impayables».
Une tendance de fond?
Comme Melina et son mari, des parents semblent de plus en plus confrontés aux fermetures des structures d’accueil. Selon la Fédération des milieux d’accueil de la petite enfance (Femape), une des représentantes des indépendants du secteur, plus de 2.000 familles ont dû faire face à des fermetures depuis 2020.
Avec l’inflation et les augmentations successives d’index, la pression s’accroîtrait sur de nombreuses structures, accélérant leur fermeture, explique la Femape.
Et si la tendance s'aggravait encore, suite à la réforme de l’accueil de la petite enfance (Milac)? C'est en tout cas la crainte d'une partie du secteur, pour qui la réforme pousserait de nombreuses crèches indépendantes à devoir demander des tarifs toujours plus élevés, sous peine de devoir mettre la clé sous la porte.
5.200 places créées en 2026
Du côté de l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE), on appelle plutôt à faire la balance entre la disparition et la création de nouvelles places. Dans son dernier rapport, l’Office notait qu’entre 2017 et 2021, 1.231 places (+ 2,7%) sont venues s’ajouter à l’offre d’accueil pour les enfants et leurs familles, passant à 46.222 places.
«Le plan Cigogne a pour objectif la création et le subventionnement de 5.200 nouvelles places d’ici à 2026, met en avant Sylvie Anzalone, porte-parole de l'ONE. Et depuis le mois d'avril, un dispositif d’urgence est mis à disposition des structures, quel que soit leur pouvoir organisateur, pour solliciter une aide financière ponctuelle de l’ONE et garantir leur viabilité à court terme».
Dans les cas où une fermeture ne pourrait pas être évitée, la cellule parents-accueil de l'ONE effectue alors une analyse de l'offre de places disponibles localement. Les autres structures d'accueil situées dans les environs peuvent bénéficier d'incitants et de dérogations, pour contribuer à la continuité de l'accueil des enfants, explique l’Office.
Un dispositif qui, selon Sylvie Anzalone, a permis dernièrement de sauver une crèche en région liégeoise, et d'assurer le relais avec un repreneur.
Ils se retrouvent sans crèche? Ils la créent
Pour autant, la porte-parole n’entend pas nier la réalité de situations parfois très compliquées. Comme celle vécue par les parents des petits de la crèche ABChild, à Céroux-Mousty.
Fin décembre 2022, ils apprennent que la structure, non subventionnée, va fermer. La direction se veut d’abord rassurante, affirmant qu’un repreneur a été trouvé. «Le 20 février, on nous dit qu’il n’y a finalement pas de repreneur, et que la crèche allait fermer le 31 mars», explique Grégoire Heldenbergh.
Mais comme l’avaient expérimenté Melina et son mari en région bruxelloise, il est tout aussi peu évident de trouver rapidement une alternative dans le Brabant Wallon. Quelques rares places étaient disponibles, pour autant que les parents soient disposés à alourdir considérablement leurs temps de trajets quotidiens...
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Et quid de la Cellule Parents-Accueil de l’ONE, censée répondre à ce genre de cas ? «Elle n’a pas été d’un grand secours. Pour vous dire, certains parents se vont même vus conseiller de prendre un congé parental pour assurer la garde de leur enfant…Individuellement, on s’est retrouvé très démuni, sans aucune solution».
Avec deux autres parents, Grégoire Heldenbergh décide alors de prendre le taureau par les cornes. Ils écrivent une lettre ouverte aux responsables politiques, à l’ONE. Et font le pari, moyennant la création d’une ASBL, de reprendre temporairement la gestion de la crèche, le temps qu’un repreneur se manifeste enfin.
L’ASBL reprend alors le contrat des puéricultrices d’ABChild, nomme une directrice et trouve un nouveau local pour accueillir les enfants. «Autant individuellement, on ne s’est pas senti soutenu, autant une fois l’idée lancée, l’ONE a su prendre le train en marche et nous accompagner, notamment financièrement, dans le processus».
Continuer le travail
Le 3 avril, la crèche rouvrait pour accueillir une vingtaine d’enfant, jusqu’au 30 juin. Et après ? «Je ne peux pas trop en parler à ce stade, sinon dire qu’il y aura bel et bien un repreneur, se réjouit Grégoire Heldenbergh.
Pour nous, l’histoire se termine bien. On s’est battu et on a pu proposer une solution constructive. Mais tout le monde n’a évidemment pas nos ressources pour se lancer dans la création d’une ASBL. C’est pourquoi on aimerait continuer le travail avec notre association Solutions Parents, pourquoi pas en proposant une aide lors d’autres fermetures». Afin que l’histoire se termine tout aussi bien, cette fois pour le plus grand nombre de parents possible…
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