L'annonce vieille France du candidat Zemmour

Fin du suspense, Éric Zemmour est bien candidat à l’élection présidentielle française. Une annonce faite dans une vidéo postée sur sa chaine Youtube. Décryptage.

Eric Zemmour annonce sa candidature à l'élection présidentielle sur Youtube
© Belga Image

Dix minutes et onze secondes. La vidéo s’ouvre sur un gros plan d’Éric Zemmour et ces mots: « Mes chers compatriotes, depuis des années un même sentiment vous étreint, vous oppresse, vous hante. Un sentiment étrange et pénétrant de dépossession. Vous marchez dans les rues de vos villes et vous ne les reconnaissez pas ». Le ton est grave et lugubre. En fond sonore, pour appuyer son propos, résonne la Septième de Beethoven. Le polémiste orchestre ce qui ne faisait plus l’ombre d’un doute: l’annonce de sa candidature à l’élection présidentielle.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Une image violente de la France

Les yeux d’Éric Zemmour sont rivés sur son discours soigneusement préparé. Un discours qu’il débite face à un micro avec en toile de fond une bibliothèque garnie de livres aux couvertures datées. Symbole de connaissance et de nostalgie.

Durant ses premières phrases, des images défilent. Des images de violences en rue, d’une campagne de WECAN4HRS (projet luttant contre les discours de haine), d’un joueur de foot genou à terre et poing levé (geste pour dénoncer le racisme). Un fourre-tout qui donne l’impression que la France est en guerre. L’immigration et la violence qui en découlerait est montrée comme un danger permanent et omniprésent. La paranoïa n’est pas très loin. Les clichés sont au rendez-vous. « Vous avez l’impression de ne plus être dans le pays que vous connaissez », affirme-il avant de basculer dans la nostalgie.

C’était mieux avant

« Vous vous souvenez du pays dans lequel vous avez grandi pendant votre enfance? », poursuit-il. Des vidéos d’archives, en noir et blanc ou à peine colorées, se succèdent. Éric Zemmour énumère un tas de personnages emblématiques d’une France rayonnante à ses yeux: Jeanne d’Arc, Louis XIV, Victor Hugo, René Descartes, Louis Pasteur, Voltaire, Alain Delon, Jean-Paul Belmondo, Johnny Halliday... Bref, aucune référence aux idoles de la jeunesse actuelle, encore moins à des personnalités racisées.

Le fraichement candidat ne semble pas avoir préparé de mot destiné aux millennials. Mais il s’adresse à leurs parents en étant persuadé que leurs enfants sont nostalgiques de cette vieille France « sans même l’avoir connue ».

L’enfer, c’est les autres

Après le constat, place aux attaques personnelles. « Bien sûr, on vous a méprisé. » Sans les citer mais en exhibant bien leurs visages, Éric Zemmour dresse une liste de celles et ceux qui soi-disant méprisent les Français. Parmi eux, on retrouve « les puissants » avec Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, « les bien-pensants » avec l’écrivain Aymeric Caron, ou encore « les journalistes » avec Yann Barthès, présentateur de l’émission « Quotidien ». « Vous avez compris que ce sont eux qui vous ont fait du mal », conclut-il en rajoutant une couche de vidéos de manifestations qui dégénèrent.

Et c’est à partir de ce moment précis qu’Éric Zemmour commence à jeter des regards à la caméra. Comme pour dire: « Moi aussi, ils m’ont méprisé ». Calimero. Son regard sera d’ailleurs de plus en plus présent et insistant. Ses yeux ne décrocheront plus l’objectif à deux moments. Lorsqu’il annonce sa candidature à la présidentielle et à la fin de son discours pour glisser: « Vive la République et, surtout, vive la France! ». Deux moments clés soutenus par les incessantes notes de Beethoven. Drama king.

Un Youtubeur dans l’âme

En trois heures, la vidéo a déjà dépassé les 500.000 vues sur une chaine YouTube qui compte près de 300.000 abonnés. Sa communication est très professionnelle. Il est évident que ses équipes connaissent les rouages du YouTube Game. Son discours est pensé comme un format podcast. Seul face à un micro filmé en plan fixe avec de légers zoom avant dans un décor un peu austère mais sobre. Le tout illustré par des images léchées de ses conférences, ses dédicaces et ses différentes rencontres. Et cerise sur le gâteau: un montage rythmé qui tient en haleine.

Et son programme dans tout ça?

Éric Zemmour se présente en sauveur de la nation. Son objectif? Réhabiliter la France d’avant. Selon lui, les maux des Français doivent être imputés à l’immigration. Et parmi ces maux, les problèmes financiers. Alors le candidat suggère de réindustrialiser le pays, de réduire la dette, de relocaliser les entreprises françaises, de donner du travail aux chômeurs. Des mesures peu originales, sans actions concrètes, qui sont certaines de remporter l’unanimité. La touche Zemmour, la voici. Il veut restaurer une école « républicaine », reconquérir la souveraineté face à l’Europe et "reprendre le pouvoir aux minorités ».

La campagne d’Éric Zemmour, bien que lancée depuis de longues semaines, démarre officiellement. Un moment stratégique pour effacer ses récents bad buzz.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité