Christiane Taubira, le rempart anti-Zemmour ?

L'ancienne garde des sceaux se dit prête à unifier la gauche et « envisage » de se présenter à l'élection présidentielle française. Portrait d'une icône de la gauche qui offre un autre visage de la France.

Christiane Taubira va-t-elle y aller?
Belga

Elle a annoncé envisager de se présenter à l'élection présidentielle, tout en assurant qu'elle ne sera pas une candidate de plus. Christiane Taubira a donc décidé de sauver la gauche. Du moins, si la gauche veut d'elle.

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Car celle-ci s'apprête à subir une débâcle lors du prochain scrutin. Qu'il s'agisse d'Anne Hidalgo (PS), Jean-Luc Mélenchon (France Insoumise) ou Yannick Jadot (Ecolo), aucun ne décolle dans les sondages. Pire, la gauche, plus désunie que jamais, ne parvient pas à imposer ses thèmes dans le débat, phagocyté par l'extrême-droite. Dans ces conditions, Christiane Taubira s'avance comme le seul rempart possible de la gauche contre les vitupérations de Zemmour et Le Pen.

La seule annonce de sa possible candidature redonne en tout cas confiance au militants et sympathisants de gauche. Mais Christiane Taubira peut-elle être plus qu'un symbole ?

Christiane Taubira

Christiane Taubira annonce sa possible candidature - Belga

Cayenne

Christiane Taubira est née le 2 février 1952 en Guyane, à Cayenne, là où on envoyait les Français de la métropole condamnés au bagne. Fille d'une aide-soignante, elle commence sa carrière politique dans les années 70 comme activiste indépendantiste. Mais à l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir en 1981, elle observe l'échec des actions ciblées. Impliquée dans la vie publique guyanaise, elle fondera son parti Walwari dix ans plus tard.

De fait, si Christiane Taubira est aujourd'hui une icône de la gauche, elle n'est affiliée à aucun parti, et surtout pas au PS. C'est sans étiquette qu'elle est élue en 1993 députée de Guyane – elle sera élue à quatre reprise jusqu'en 2012. Un an plus tard, elle rejoint Bernard Tapie au sein du Parti radical de gauche (PRG) pour les élections européennes. Elle est élue au Parlement européen en parallèle de son mandat à l'Assemblée nationale.

Economiste de formation, férue de littérature (elle a récemment écrit les paroles du titre Seuls et vaincus de Gaël Faye), ses valeurs humanistes, anticolonialistes et antiracistes sont portées au pinacle une première fois en 2001 avec la loi qui porte son nom. La « loi Taubira » trace la route vers la reconnaissance de la traite négrière et de l'esclavage comme crimes contre l'humanité.

Taubira 2022

Les militants de gauche attendent Christiane Taubira - Belga

Paris

Arrive alors le premier grand test, qui sera pour elle un traumatisme. En 2002, elle se présente à l'élection présidentielle sous la bannière du PRG. Obtenant 2,32% des voix, elle est accusée d'avoir divisé la gauche et favorisé la chute de Jospin, qui a échoué à se qualifier au deuxième tour au profit de Jean-Marie Le Pen. Le coup est dur et le symbole, aujourd'hui, d'autant plus fort. Vingt ans plus tard, elle cherche à réunifier la gauche pour combattre l'extrême-droite.

Son aura actuelle d'icône de la gauche, elle la doit aux années de présidence Hollande. Entre 2012 et 2016, Christiane Taubira est en effet Garde des sceaux (alors qu'elle avait soutenu Montebourg à la primaire). En tant que ministre de la Justice, c'est elle qui va porter la réforme du « mariage pour tous ». Elle en devient le visage, l'emblème. Et aussi, de ce fait, la cible de droite conservatrice.

Si cette autre « loi Taubira » a dévoilé quelque chose, c'est le visage de la droite française. Cible des racistes et des réactionnaires opposés au mariage homosexuel, Christiane Taubira a toujours répondu avec calme, humour et une verve toute littéraire. La voilà en nouvelle Mariane, porteuse des idéaux humanistes et universalistes de la France. La gauche véritablement de gauche, en fait son idole. D'autant plus quand elle claque la porte du gouvernement très à droite de Manuel Valls en 2016, sur la question de la déchéance de nationalité, qu'elle juge inacceptable. Son explication, alors, était limpide : « Parfois, résister c’est rester, parfois résister c’est partir ».

Résistance

Aujourd'hui, il semblerait que « résister, c'est revenir ». Devant les dérives du débat démocratique vers l'extrême-droite et l'effacement de la gauche de l'échiquier politique, Christiane Taubira cherche à créer un électrochoc. Une nouvelle dynamique. Un plan pour résister aux forces obscurantistes symbolisées par Zemmour et Le Pen. Mais parviendra-t-elle à unir la gauche derrière elle ?

Rien n'est moins sûr. A 69 ans, Christiane Taubira est plus que jamais un symbole. Imaginer cette femme noire de Guyane présidente de la République donne tout de suite un autre visage à la France. Un visage ouvert, chaleureux, accueillant. Mais les symboles ne font pas l'action politique. Candidate indépendante qui ne bénéficie d'aucun appareil de parti, elle cherche l'aval des citoyens et militants qui cherchent à unifier la gauche derrière un candidat unique choisi par la société civile via la Primaire populaire. Le peuple pour la porter au pouvoir ? L'espoir fait vivre.

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