Procès des attentats de Paris: Mohamed Abrini ne renie rien du groupe Etat islamique

Exactions, viols, attentats... Premier des accusés à être interrogé au procès du 13-Novembre et assailli de questions, Mohamed Abrini n'a rien renié du groupe Etat islamique (EI) et justifié les attaques, une "réponse à la violence" occidentale.

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Croquis montrant de gauche à droite, Osama Krayem, Mohamed Abrini, Mohamed Amri et Salah Abdeslam dans le box des accusés lors du procès des attentats du 13-Novembre/ @BELGAIMAGE

Depuis dix minutes, le président de la cour d'assises spéciale Jean-Louis Périès le presse de dire ce qu'il pense vraiment de la religion, du djihad, de l'EI. Finalement, Mohamed Abrini s'exécute. "Ecoutez, ceux qui se font exploser, c'est une réponse aux bombardements. A défaut d'avoir un soldat à tuer sur place, on fait des attentats. C'est attentats contre bombardements", lâche-t-il.

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Debout dans le box, le Belge de 37 ans est le premier des 14 accusés présents à être interrogé sur le fond du dossier, quatre mois après l'ouverture du procès. Pour cette première phase d'interrogatoires, tous ne seront entendus que sur ce qu'il s'est passé avant l'été 2015. Pour l'"homme au chapeau" des attentats de Bruxelles, le basculement dans la radicalisation s'est fait en 2014, à la mort de son "petit frère" tué en Syrie.

Refus de condamner l'EI

Mohamed Abrini confirme, mais nuance: "pour vous c'est radical. Pour moi c'est l'islam normal".  "L'islam tel qu'il est enseigné par le prophète n'est pas compatible avec la démocratie. Pour vous, un homme qui a trois femmes c'est chelou, vous arrivez à faire des polémiques même pour le halal", lance plus tard ce brun volubile en chemise à carreaux. "Le Coran je le prends tout entier", ajoute l'accusé, "fier" de son cadet qui s'est "sacrifié pour aider des innocents" en Syrie.

Le président Périès pousse. Ça justifie de s'en prendre à des gens en terrasse, à des concerts ?" "Les choses dégueulasses, ça ne vient pas que d'un seul camp". Le président insiste, rappelle que les bombardements français en Syrie "n'ont commencé qu'en septembre 2015". Mohamed Abrini s'emporte. "On a l'impression d'entendre des enfants, +c'est vous qui a commencé !+. Avant il y avait eu des frappes de drones qui ont tué des civils".

"J'ai entendu pendant deux mois des gens se plaindre à la barre"

Le président demande encore: "et ça justifie les attentats ?" "Moi ça, je suis pas capable de le faire, je l'ai toujours dit", balaie celui qui a renoncé à se faire exploser lors des attentats de Bruxelles et dont la véritable raison de la venue à Paris avec les commandos en novembre 2015 reste floue. "Partir en Syrie pour voir des innocents se faire tuer, puis revenir pour tuer des innocents - parce que c'était des innocents ... A un moment dans le cerveau, ça cale", explique l'accusé.

La cour, les parties, le poussent pendant des heures mais il refuse de condamner l'EI. Les décapitations filmées d'otages ? "Vous aussi vous avez coupé la tête de votre roi". Les viols de femmes Yezidies ? "Ça s'est fait dans toutes les conquêtes... Des historiens qualifient cela de projet de natalité".  "Moi j'accepte tout, au même titre que vous acceptez toute l'Histoire de France avec ses pages sombres et lumineuses", lâche Mohamed Abrini. "Vous affirmez aux médias, ces hyènes, que nous sommes imperméables à la douleur des victimes. Je suis désolé moi ça me casse les couilles", s'emporte-t-il. "Je n'étais pas là le 13-Novembre, j'ai tué personne. J'ai entendu pendant deux mois des gens se plaindre à la barre".

Un avocat demande s'il a quelque chose à dire aux victimes. Long silence. "C'est une drôle de question, je ne sais pas quoi vous répondre". Un nouveau silence. "C'est vraiment triste ce qu'il leur est arrivé. Ils sont des doubles victimes, de la politique étrangère de la France et de celle de l'Etat islamique".  L'avocat pousse encore, exaspérant l'accusé. "Vous allez bien dormir si je dis que je condamne ? Si je pouvais j'aurais acheté la paix universelle. Mais j'ai pas les moyens".

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