
Raisons et déraisons: dans la tête de Vladimir Poutine

« La politique des occidentaux a été idiote envers la Russie et le Poutine de 2022 est largement le résultat de leurs errements depuis 20 ans » jugeait cruellement Hubert Védrine au lendemain du début de la bataille de Kiev. L’ancien Ministre des Affaires étrangères français est un homme respecté tant à droite qu’à gauche pour la justesse de ses constats. Et ceux-ci, s’agissant de l’Ukraine et de ce qui s’y passe tragiquement aujourd’hui se résume à un mot: « finlandisation ».
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Les occidentaux en refusant de figer l’Ukraine dans la neutralité que la Finlande avait du temps de la guerre froide ont fait fi de Poutine. Et de sa rationalité. Car le Président russe n’agit pas n’importe comment et son comportement répond à un « pattern ». Un schéma. Documenté, construit, organisé.
La guerre, Poutine l’a déjà faite. Peu ou prou pour la même raison: la « défense » d’une Russie « menacée ». En Tchétchénie en 1999, en Géorgie en 2008, au Donbass et en Crimée en 2014. L’Ukraine du côté des occidentaux, c’est une couche de « protection » de l’Ours russe qui saute. Une de plus. Après les Pays Baltes, la Pologne, la Roumanie, la Hongrie etc. Action? Réaction.
Le déploiement de troupes à la frontière ukrainienne de l’Armée russe et celui de la flotte de la Mer noire, les énormes réserves constituées de devises étrangères pour parer les sanctions occidentales, la mise en place de son propre système de messagerie bancaire pour amortir le potentiel bannissement de Swift, la modernisation de son Armée sauvagement victorieuse en Syrie, les accords avec la Chine sont quelques-uns des signes qui accréditent la rationalité de Vladimir Poutine. Il est regrettable que les Occidentaux en aient si peu tenu compte. Tout comme on peut être perplexe quant à la prévision quasi au jour près des renseignements américain de la date de l’attaque sur l’Ukraine. Si l’on savait, pourquoi n’avoir pas agi en conséquence?
D’autant qu’à côté de sa rationalité, on sait que le dirigeant russe développe des caractéristiques irrationnelles. Paranoïaques. Ouvert et demandeur envers les occidentaux durant ses deux premiers mandats, il est devenu, ensuite, de plus en plus distants et froids. Il s’est, par ailleurs, isolé de plus en plus, entouré d’une garde prétorienne d’une vingtaine de personnes. La crise sanitaire a, sans, doute accru encore cet isolement.
S’est-il « autoradicalisé » comme tant d’autres durant cette période? C’est possible. En ressassant son enfance passée au sein d’une famille marquée par la Seconde Guerre mondiale ou la grandeur perdue d’un pays dont il était lieutenant-colonel et qui terrifiait le monde? C’est probable. Paranoïa signifie en grec classique « raison à côté ». Vladimir Poutine a sans doute basculé. Pas dans la folie. Plutôt dans une autre raison.