
Ukraine: en sécurité mais dévastés, le récit des réfugiés ayant traversé l’Europe

En une semaine, leurs vies ont basculé. Venus de Kiev ou d'autres villes ukrainiennes, ils sont aujourd'hui loin de chez eux, parfois à l'autre bout du continent européen. Un voyage exténuant et stressant, opéré dans l'urgence pour échapper à l'invasion de leur pays par la Russie. En Europe de l'Ouest, les premiers réfugiés commencent à arriver depuis quelques heures. Tous se révèlent traumatisés. Rencontre avec ces personnes qui ont pour certains déjà tout perdu.
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Partir pour être en sécurité
En Belgique, les communes sont encore en train de faire un recensement des hébergements disponibles pour savoir où les réfugiés peuvent être accueillis, y compris chez des particuliers. Mais certains Ukrainiens ont déjà pu arriver dans notre pays grâce à des réseaux d'aide comme celui dirigé par Nataliya Chepurenko, comme en atteste la DH. Cette pianiste ukrainienne a lancé un appel à l'aide pour collecter de la nourriture, des équipements, etc., mais aussi pour que des familles soient hébergées. Certains Bruxellois se sont déjà portés volontaires.
C'est ainsi que plusieurs réfugiés sont arrivés dans la capitale belge, à l'instar de deux Kiéviennes, dont une a déjà vu son appartement à peine rénové complètement détruit. «On a voulu partir le plus loin possible. On attend une protection, de la tranquillité surtout. Et puis on veut retourner en Ukraine. On ne veut pas déménager en Europe, on adore notre pays», raconte l'une d'elles au Soir. Maintenant, elles s'inquiètent surtout pour leurs hommes, restés au pays.
«Savoir que nos enfants sont en sécurité, ça représente beaucoup»
Cet exemple est assez semblable aux familles ukrainiennes arrivées en France. certains ont pu compter sur leurs familles installées dans l'Hexagone pour y venir. C'est le cas à Belle-Île en Bretagne, près de Sedan dans les Ardennes ou encore à Marseille. Dans cette dernière ville, trois jeunes femmes sont arrivées avec leurs quatre enfants. L'une d'elles, Yana, raconte à France Bleu comment «une immense chaîne s’est créée à travers l’Ukraine, la Pologne et l’Allemagne pour leur permettre d’arriver à Marseille». Un voyage de cinq jours dans des conditions malgré tout très difficiles, entre bus, voiture et avion. À l'instar de leurs compatriotes qui ont traversé l'Europe, elles s'inquiètent des conséquences de la guerre, ou plutôt de la «folie de Poutine» comme elles disent.
Pour une mère de famille venue de Kiev et accueillie par la ville d'Autun, en Bourgogne, il a fallu trois jours pour arriver en France. «Je me sens en sécurité ici, je remercie tous ceux qui m'ont accueilli si vite», dit-elle à France 3, «mais j'adore mon pays, je veux pouvoir rentrer vite voir mes parents et toute ma famille». Sauf qu'en l'état, ce retour est impossible. Elle a fui face aux bombardements avec seulement deux sacs. «Cela ne va pas remplacer notre maison, mais savoir que nos enfants sont en sécurité, ça représente beaucoup pour nous».
Près de Montbrison (Loire), un Français a même été en voiture jusqu'à la frontière ukrainienne pour récupérer des amis, deux femmes et deux enfants. «Je suis très inquiète pour ma famille. Je veux simplement être avec mon mari et ma fille dans ma maison», confie au quotidien Le Progrès une de ces deux Ukrainiennes. Ceux qui l'accueillent en France assurent pour leur part qu'elle pourra rester «autant qu'il sera nécessaire».
En Allemagne aussi, quelques réfugiés ont pu s'installer dans le pays. C'est le cas d'un homme de 26 ans, Stanislav. Interrogé par l'AFP, il raconte avoir fui le 15 février, lorsqu'il sentait que la guerre pouvait éclater, avec seulement un sac et un duvet. «Je ne sais pas ce qui va advenir de moi ici (…) je ne sais pas ce qui va arriver à l’Ukraine, je vais devoir attendre», se désespère-t-il.
«Tout le monde veut aider»
Ces prochains jours, le nombre de ces réfugiés devrait notoirement grimper, lorsque les autorités disposeront d'un registre clair des logements disponibles. En Belgique, le secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration Sammy Mahdi assure déjà qu'«un grand élan de solidarité s'est déclenché pour aider les Ukrainiens en fuite». «La quantité de courriels et de messages reçus de la part des gens est énorme. Tout le monde veut aider [...] Il est important que nous ayons une approche coordonnée pour aider les Ukrainiens qui fuient. Nous le faisons par l'intermédiaire du Centre de crise et des autorités locales. Vous avez de la place disponible et vous êtes prêt à recevoir des personnes venant d'Ukraine? Ne manquez pas de le signaler à votre commune», demande-il. À Bruxelles, un formulaire en ligne est déjà disponible pour se porter volontaire à l'accueil de réfugiés. À Charleroi, une page d'information va être créée en ce sens sur le site officiel de la commune.
Plusieurs associations lancent également des appels aux dons pour aider les Ukrainiens, à l'instar de la Croix-Rouge, de Médecins Sans Frontières et de l'Unicef. Les services belges de migration appellent également à ce que des interprètes ukrainiens leur viennent en aide pour accueillir les Ukrainiens. Enfin, en Belgique, la SNCB a annoncé rendre ses trains gratuits pour les réfugiés.
Une solidarité à travers tout le continent
En France, un sondage Harris Interactive réalisé pour RTL et M6 montre là aussi un grand entrain pour l'accueil des Ukrainiens. 79% des Français sont favorables à cette initiative, voir «tout à fait favorables» pour 42% d'entre eux. Ce mardi 1er mars, seulement une centaine étaient arrivés dans l'Hexagone mais ce chiffre est appelé à grimper, tant la mobilisation est grande. De nombreuses villes françaises se sont déjà engagées à accueillir des réfugiés (Paris, Lille, Lyon, Strasbourg, Orléans, Périgueux, Limoges, Saint-Étienne, etc.). Idem pour certains départements (Calvados, Alpes-Maritimes, etc.).
Outre-Manche, le sujet a fait l'objet de plus de tensions. Dans un premier temps, Londres avait dévoilé un plan assez timoré, refusant par exemple d'accueillir les Ukrainiens sans visa. Une position polémique dans le pays et également critiquée par Paris. Depuis, les autorités britanniques ont assuré vouloir ouvrir les portes du pays jusqu'à 200.000 réfugiés à terme.
En Italie, où la diaspora ukrainienne est estimée à 250.000 personnes, l'exécutif a été beaucoup plus entreprenant, déclarant même l'état d'urgence. Cela a par exemple déjà permis de débloquer 10 millions d'euros d'aide, notamment pour renforcer les centres d'accueil. En Allemagne, l'État a lui aussi promis une «aide massive» aux Ukrainiens qui fuient leurs pays. Même le très conservateur Premier ministre hongrois, Viktor Orban, assure que «tous ceux qui fuient l'Ukraine trouveront un ami en Hongrie». Enfin, en Pologne, pays où se trouvent le plus de réfugiés, le soutien envers les Ukrainiens est énorme, malgré une polémique vis-à-vis des personnes d'origine africaine bloqués à la frontière. «C'est extraordinaire ce que font les Polonais, cela nous réchauffe le cœur», explique un expatrié ukrainien à Varsovie, «on ne s'attendait pas à un tel élan de solidarité. On peut avoir de la nourriture, du thé, des vêtements, le transport, tout gratuitement».
Dernièrement, le nombre de réfugiés ukrainiens a littéralement bondi. Selon le dernier bilan de l'ONU, ils sont désormais 874.000 à avoir fui leur pays depuis le 24 février.