Comment Zelensky gagne la guerre de l'info en Occident

Si le président ukrainien bénéficie de la sympathie de l’opinion publique occidentale, il ne parvient toutefois pas (encore?) à faire entendre raison à Vladimir Poutine.

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Le président ukrainien s’adressait au Congrès américain le 16 mars dernier. © BelgaImage

Depuis un mois, le président ukrainien Volodymyr Zelensky fait la tournée des parlements occidentaux. Il s’exprimera dans ce cadre ce jeudi 31 mars devant la Chambre des représentants en Belgique. On connaît désormais sa routine. Il apparaîtra, en virtuel évidemment, dans son traditionnel accoutrement. “Le visuel d’un discours est primordial. Avant les ­premières attaques, il s’était adressé à la population russe avec costume et cravate. Désormais, il opte pour le t-shirt kaki. Cette tenue évoque plus un combattant qu’un président. Non seulement il montre qu’il se trouve encore à Kiev, qu’il n’a pas fui malgré les propositions étrangères de l’aider à quitter le pays. Il vit comme son peuple en guerre, sans fioriture”, décrypte Barbara De Cock, professeur de linguistique à l’UCLouvain, spécialisée dans l’analyse de discours politiques, la rhétorique et le vocabulaire de guerre.

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Le chef d’État utilise le mécanisme de répétition, mais veille tout de même à adapter son discours en fonction du public. En France, il a comparé la situation en Ukraine à Verdun durant la Première Guerre mondiale. En Italie, il a fait la comparaison avec l’incendie de la ville de Gênes au Moyen Âge. En Allemagne, il a évoqué le mur de Berlin. “Grâce à ce subterfuge, il essaie de gagner de l’empathie auprès de la population européenne pour un pays qu’elle connaît mal. Zelensky ­cherche un rapprochement avec l’Occident en l’associant à des faits marquants. Parfois, c’est un échec. La comparaison qu’il a faite en Israël avec la Shoah a par exemple été mal comprise. Globalement cependant, la stratégie de répétition est bonne pour toucher tout le monde. Il montre une constance et de la cohérence.

Adepte des réseaux sociaux, Volodymyr Zelensky relate en outre quotidiennement ses entretiens avec des chefs d’État étrangers et n’hésite jamais à s’adresser directement au peuple ukrainien ou aux peuples étrangers. Il a, la semaine dernière, encouragé ces derniers à manifester directement en faveur de l’Ukraine. Ce qui a été suivi le week-end dernier à Prague où un rassemblement de ressortissants russes anti-Poutine a eu lieu. “Le style de communication de Zelensky est proche en termes de langage de la façon de faire occidentale grâce à l’usage des réseaux sociaux. Il se distingue ainsi de la longue table de Poutine. Le président ukrainien est un membre du peuple. Rien de plus.”

Quels sont au juste ses objectifs? Obtenir un plus grand soutien de l’Otan, davantage de matériel militaire offensif et cette fameuse no-fly zone. “Il comprend évidemment pourquoi l’Otan ne fait pas cette zone d’exclusion aérienne. S’il répète cette requête, c’est pour rassurer son peuple. Néanmoins, Zelensky a aussi des entretiens en privé avec l’Otan. On ne sait pas ce qu’il s’y dit. Le discours est probablement plus réaliste et terre à terre.

Zelensky

© BelgaImage

Ovationné comme jamais

À chacune de ses interventions publiques, l’ancien comédien est ovationné par les députés occidentaux. Sur les réseaux sociaux, il jouit d’une sympathie extraordinaire des internautes. Zelensky est un rassembleur-né. Il sait choisir les mots, émouvoir son public et incarner une forme de solennité. Barbara De Cock remarque que Zelensky a créé une image positive pour sa présidence et son pays. “Il a réussi à nous faire oublier que l’Ukraine était un pays avec des problèmes de corruption, qu’il ne s’agissait pas d’une démocratie au sens européen du terme. Il est en train de gagner la guerre de l’information auprès de la communauté internationale.” Par contre, il n’a pas encore réussi à raisonner Poutine, si cela est possible…

Propagande ukrainienne

On parle volontiers de la propagande de ­Moscou. En Russie, les autorités et les médias ne parlent toujours pas de guerre, mais d’une “opération militaire spéciale” contre des “nazis”. Le gouvernement ukrainien réplique aussi sur ce terrain-là. La vidéo truquée d’un pilote de chasse abattant dix avions russes notamment a tourné sur la Toile. Des prisonniers russes ont par ailleurs été interviewés publiquement, ce qui est contraire aux lois de la guerre. “L’usage de la propagande sert à rassurer et motiver les troupes sur le terrain. On utilise le terme “propagande” en général pour évoquer un aspect négatif, mais on essaie tous de convaincre. C’est inévitable. En fait, la nature de la propagande et du message détermine si elle est acceptable ou non.

Entre remerciements et déceptions

Le discours du président ukrainien a deux tendances. Tantôt il remercie l’Union euro­péenne et les États-Unis pour les sanctions économiques importantes contre la Russie. Tantôt il exprime sa déception, trouve que l’Occident manque de courage, qualifie l’Europe d’inconsciente. “Il sait qu’il n’obtiendra pas tout ce qu’il demande, comme l’adhésion à l’Union européenne. Simplement, il est aussi conscient qu’il faut toujours demander plus que ce que l’on veut vraiment obtenir.

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