

Chaque jour, l'écart se ressert un peu plus. Les derniers chiffres donnés par Ipsos (réalisés entre le 2 et le 4 avril) donnent Emmanuel Macron à 26,5% et Marine Le Pen à 21,5%. Cela équivaut à une chute de 4 points en un mois pour le président sortant alors que la candidate du Rassemblement national gagnait 7 points. Au deuxième tour aussi, les projections montrent des chiffres qui se resserrent à 53/47. En comptant les marges d'erreur, cela signifie que la victoire de Marine Le Pen est tout à fait possible. A y regarder de plus près, elle serait même plausible.
Une chose est claire : la dynamique est en faveur de Marine Le Pen. Comment l'expliquer ? La candidate du RN (ex-Front National, il est bon de le rappeler) a fait une campagne discrète, mais de proximité. Elle a laissé à Zemmour le soin de dire toutes les obscénités possibles sur l'immigration tandis qu'elle s'occupait, elle, d'aller voir les gens et de discuter de leur pouvoir d'achat qui est LA préoccupation numéro 1 des Français.
Pour dire les choses simplement : la dédiabolisation de Le Pen est réussie et achevée. Si son programme est toujours d'extrême droite, elle est plutôt vue comme populiste. Dans le sens positif du terme, cela laisse entendre qu'elle comprend le peuple et parle sa langue. Ce que Donald Trump avait déjà compris...
Et le résultat est là, en chiffres, même si personne ne semble le voir : l'extrême droite (Le Pen – Zemmour – Dupont-Aignan) est aujourd'hui la plus grande famille politique français avec 33% d'intention de vote. Un niveau historique. Et un chiffre qui rappelle une date de bien triste mémoire...
Le Pen au café... - Belga
De son côté, Emmanuel Macron a bien pris soin de peaufiner... son image de « président des riches ». Lointain, absent de la campagne et semblant complètement déconnecté de la réalité des Français. Le président sortant a tout misé sur sa stature présidentielle. Ca a fonctionné un temps, mais c'est en train de s'éroder à grande vitesse. La guerre en Ukraine qui lui avait donné un coup de boost, le faisant grimper à plus de 30%, semble aujourd'hui de l'histoire ancienne. Surtout, il est entré dans la campagne sur le tard et de façon peu convaincante.
Son programme est minimal et les réformes qu'il propose sont impopulaires (la retraite à 65 ans; faire en sorte que les profs travaillent plus – ou du moins, c'est la manière dont cela a été perçu; rien sur l'écologie...) et il ne cesse de regarder sur sa droite, laissant complètement sa gauche de côté (alors qu'il avait été élu grâce au vote de la jeunesse de gauche il y a cinq ans). Macron se repose sur son bilan sans comprendre que celui-ci n'a pas de réel discours.
Dans une tribune au Soir, Vincent De Coorebyter estime que Macron « n'a pas compris que l’aide venant de l’Etat (durant la pandémie) est perçue comme un dû, en France, et que ceux qui gèrent les pouvoirs publics ne sont pas crédités de leur générosité. De même, il a dû se sentir conforté par ses résultats macro-économiques, comme le recul prononcé du chômage ou encore l’augmentation globale du pouvoir d’achat (1,6 % en moyenne pendant son quinquennat). Sans comprendre, là encore, qu’une statistique ne veut rien dire ». Avec l'inflation, les gens sentent surtout leur pouvoir d'achat diminuer.
Macron sous la pluie... - Belga
Et puis, il y a l'affaire McKinsey dont Macron ne parvient pas à se dépêtrer. Qu'elle soit une véritable affaire ou pas importe finalement peu, elle renforce cette image de « président des riches ».
En cas d'un deuxième tour Macron-Le Pen (on n'a pas pris en compte l'éventuelle surprise Mélenchon qui paraît, tout de même, peu probable. Même si...), les derniers sondages annoncent que cela se jouera au sein de la marge d'erreur. Bref, tout est possible. En fait, une victoire de Le Pen paraît presque plus réaliste qu'une réélection de Macron.
On l'a vu, la dynamique est du côté de Le Pen et l'extrême droite est plus puissante que jamais. De plus, la Marine devrait bénéficier de reports de voix venant des Républicains (environ 25%) et de la France Insoumise (environ 20%). De l'autre côté, qui va reporter ses voix chez Macron ? Pas grand-monde...
Une chose que le président sortant semble avoir complètement sous-estimée, voire occultée, c'est que la gauche ne votera pas pour lui. Il a déjà récupéré toutes les voix qu'il pouvait du côté du PS (il ne reste plus guère que 2% pour Anne Hidalgo) et avec le bilan et le programme écologiques qui sont les siens, il ne risque pas de récupérer beaucoup de voix du côté des Verts. Reste la droite de Pécresse, mais celle-ci a déjà annoncé qu'elle ne donnerait pas de consigne entre les deux tours. Et le report de votes Les Républicains devrait se faire d'égal à égal chez Macron et Le Pen.
La France divisée... - Belga
Pour être réélu, Macron ne compte guère plus que sur un sursaut républicain. Mais celui-ci aura-t-il vraiment lieu ? Rien n'est moins sûr. Si le mur républicain avait sauvé la mise en 2002, il était déjà beaucoup moins solide en 2017. Aujourd'hui, c'est peu dire que l'extrême droite est banalisée en France. Quant à la gauche mélenchoniste, elle est prête à prendre le risque de mettre les deux candidats dos-à-dos - comme elle l'avait fait en 2017.
Reste une inconnue, l'abstention. Qui est déjà annoncée à des sommets : 28-30%. Soit plus qu'en 2002 (28,4%). Tiens, 2002, on y revient... Sauf que la France a bien changé. Les analystes ne cessent de répéter que l'abstention joue en défaveur des extrêmes. Mais le FN/RN est aujourd'hui le premier parti d'opposition et il est bien ancré, avec une base sociale solide partout dans le pays. En clair, l'extrême droite est dans la place. Et en cas de deuxième tour serré entre Macron et Le Pen, on peut aussi envisager que la France d'en-bas se lève comme une seule personne pour dégager « le président des riches ».