Présidentielle française: à qui iront les reports de voix?

Les consignes de vote pourraient jouer un rôle important dans le match a priori serré Macron-Le Pen, surtout celle de Mélenchon.

Bulletins de vote d'Emmanuel Macron et Marine Le Pen
©Belga

Les résultats quasi-définitifs ont confirmé ce lundi matin les sondages de sortie des urnes. Le second tour des présidentielles françaises verra bien Emmanuel Macron (La République en marche, LRM) affronter Marine Le Pen (Rassemblement national, RN). Ils ont respectivement obtenu 27,6% et 23,4% des voix, devant le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise, LFI) qui a raté de peu de passer devant sa concurrente d'extrême-droite avec 21,95%. La question maintenant, c'est de savoir comment se profile le duel annoncé. Les sondages prévoient une bataille serrée mais les déclarations à l'issue du premier tour pourraient jouer un rôle fondamental dans la suite.

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La consigne de vote cruciale de Mélenchon

Selon les données révélées ce dimanche, le sondage Ipsos-Sopra Steria prévoit 54% pour l'actuel président de la République contre 46% pour Marine Le Pen. Du côté de l'institut Ifop, ces chiffres sont respectivement de 51% et 49%, avec une marge d'erreur qui rend possible tous les scénarios. C'est en ce sens que le report des voix des candidats éliminés sera crucial.

La réaction de Jean-Luc Mélenchon est donc cruciale, vu son score très élevé hier soir. Il y a cinq ans, il n'avait pas donné de consigne de vote lors de l'affrontement Macron-Le Pen. Une position très critiquée à l'époque. Cette fois-ci, il a quelque peu changé de posture. «Il ne faut pas donner une seule voix à Madame Le Pen», a-t-il répété quatre fois lors de son allocution électorale de ce dimanche.

S'il n'incite pas explicitement à voter pour Emmanuel Macron, cette déclaration est très importante. Selon Ifop, 33% de ses électeurs voteraient pour le président au second tour, 23% pour la candidate d'extrême-droite. Si ces derniers écoutent leur favori du premier tour, ils donneraient un avantage certain à La République en marche, à défaut de voter pour ce parti. Cela pourrait également prévenir un basculement à droite des autres 44% partisans de Jean-Luc Mélenchon, qui pensent pour l'instant s'abstenir.

Une extrême-droite forte contre un front républicain

Si ce scénario se réalise, Marine Le Pen serait bien en peine de trouver des ressources de voix. Seuls deux des douze candidats du premier tour la soutiennent et ils sont tous les deux d'extrême-droite: Éric Zemmour (qui a obtenu 7,05%) et Nicolas Dupont-Aignan (2%). C'est peu mais cela représente malgré tout un total de 32,5%, et ce dès le premier tour, ce qui est loin d'être négligeable. C'est même une nouveauté par rapport à 2017, lorsque Marine Le Pen ne pouvait compter sur aucun report de voix aussi important. À noter toutefois que même dans ce camp politique, il n'y a pas un consensus total. Si l'ancien numéro 2 du FN, Florian Philippot, et le porte-parole de Zemmour, Guillaume Peltier, appellent à voter Le Pen, l'influent maire de Béziers, Robert Ménard, est plus timoré. «Je voterai pour Marine Le Pen à une condition: qu’il n’y ait aucun pas fait en direction des prises de position d’Eric Zemmour», édicte sur le plateau de TF1 cet important élu d'extrême-droite.

Pour ce qui est des autres candidats influents éliminés au premier tour, ils choisissent pour la plupart la formation d'un front républicain en appelant à soutenir Emmanuel Macron. Valérie Pécresse (LR, droite) a ainsi assuré sous les applaudissements de son public qu'elle «votera en conscience Emmanuel Macron pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen et le chaos qui en résulterait». Idem pour Anne Hidalgo (PS, centre-gauche), Yannick Jadot (écologiste) ou encore Fabien Roussel (parti communiste). Plusieurs autres personnalités proches de ces partis ont fait de même, comme Ségolène Royal, Daniel Cohn-Bendit, Luc Ferry, Jean-François Copé, Olivier Faure, Damien Abad, etc. Seul LR se montre un peu plus divisé, à l'instar d'Éric Ciotti qui se refuse de choisir entre Macron et Le Pen.

Le candidat du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), Philippe Poutou, adopte quant à lui la même position que Jean-Luc Mélenchon: «Notre consigne de vote est claire, pas une voix ne doit aller à l’extrême droite». Quant aux derniers petits candidats, Jean Lassalle et Nathalie Arthaud, ils ne donnent aucune consigne de vote pour dans deux semaines.

Les indécis en ligne de mire

Toutes ces déclarations auront un impact probable sur les votes du 24 avril prochain, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Marine Le Pen peut se réjouir d'avoir le soutien explicite de l'ancien polémiste de CNews, dont les électeurs auraient de toute façon voté à 76% pour elle au second tour mais où on trouve aussi 20% de potentiels futurs abstentionnistes. L'appel à voter pour elle pourraient inciter ces derniers à soutenir in fine le Rassemblement national. Même si Éric Zemmour n'a obtenu que 7% des voix, son aura de quatrième candidat peut peser dans la balance.

Du côté d'Emmanuel Macron, c'est surtout le soutien de Valérie Pécresse qui, après celui de Mélenchon, s'avère important. Son électorat est extrêmement divisé aujourd'hui, avec 35% se reportant a priori sur l'actuel président, 35% sur Marine Le Pen, et enfin 30% se refusant de choisir un camp. Son appel explicite à voter pour le premier pourrait inciter à faire pencher cette balance pour l'instant très stable. Le soutien de Yannick Jadot, s'il était plus attendu, n'est pas pour autant anecdotique non plus. Ses partisans comptent déjà voter à 56% pour Emmanuel Macron (6% pour Marine Le Pen) mais pourraient s'abstenir à 38%. Là aussi, la consigne de vote est bénéfique au président.

Chacun sa stratégie

Est-ce que pour autant, tous ces appels seront suivis au second tour? C'est la grande question que vont se poser les sondages ces prochains jours. Si oui, l'écart entre Macron et Le Pen, qui se réduit depuis quelques semaines, pourrait a minima se stabiliser, au mieux s'accroître en faveur de l'actuel locataire de l'Élysée. Si non, le duel s'annonce toujours aussi tendu.

Tout l'enjeu de l'entre-deux-tours des deux candidats va en tout cas de former la coalition la plus large et la plus soudée possible. Sans surprise, dans sa déclaration de ce dimanche, Emmanuel Macron a misé sur le front républicain. Comme l'explique Le Monde, l'enjeu pour lui va désormais de «mobiliser à gauche sans faire de compromis sur son programme». Le Rassemblement national, conscient du potentiel chez l'électorat de Jean-Luc Mélenchon, doit pour sa part souder l'extrême-droite tout en allant chercher des voix du côté de la gauche radicale. L'autre clé du scrutin, ce sera l'abstention. Si le mécontentement envers le gouvernement actuel s'avère plus fort, cela pourrait jouer en faveur de Marine Le Pen.

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