

Le Premier ministre slovène Janez Jansa (SDS) a été laminé, lors des législatives dimanche, par son rival écologiste Robert Golob (Svoboda), un entrepreneur à succès qui a récemment émergé sur la scène politique nationale. Le parti Svoboda a remporté 34,5% des voix (soit 41 sièges sur les 90 de l'Assemblée nationale), contre 23,5% pour le SDS (27 sièges). Suivent le NSi (centre-droit, 6,8%, 8 sièges), les socio-démocrates (SD, 6,6%, 7 sièges) et le parti Levica (gauche, 4,4%, 5 sièges).
M. Golob, ingénieur de formation, a étudié aux États-Unis dans le cadre du prestigieux programme de bourses Fulbright. Secrétaire d'Etat chargé de l'Energie au tournant des années 2000, il fonde en 2002 sa propre entreprise dans l'énergie avant de prendre la tête de la compagnie d'électricité GEN-I, passée sous la coupe de l'Etat à l'issue d'une série de restructurations. Écarté de la direction l'an dernier, ce père de trois enfants, reconnaissable à sa chevelure mi-long argentée, a dénoncé une décision politique qui l'a poussé à entrer dans la bataille des législatives début 2022.
S'il avait auparavant milité pour un parti libéral de centre-gauche, cet expert en énergie solaire a cette fois repris en main un petit parti écologiste rebaptisé Mouvement de la liberté, qui a recueilli dimanche quelque 34% des voix après décompte de 93% des suffrages. Le charismatique candidat a sillonné le petit pays alpin à bord de son bus, avec un enthousiasme de gamin, avant d'être forcé de s'isoler pour cause de contamination au Covid-19. Au cours de la campagne, il a essuyé des critiques pour son salaire élevé - 196.000 euros par an, soit plus de dix fois le salaire moyen slovène -, sans qu'elles n'entament sa popularité. «Les gens veulent des changements et nous ont fait confiance», s'est félicité dans la soirée le vainqueur.
Ni la prison, ni les scandales de corruption, ni les défaites électorales n'en sont venus à bout: le conservateur Jansa, 63 ans, père de quatre enfants, est doué pour rebondir en toutes circonstances. Loin derrière son adversaire avec 24% des voix pour son Parti démocratique slovène (SDS), se remettra-t-il cette fois de ce revers?
Ce diplômé d'études militaires de l'université de Ljubljana, connu pour sa pugnacité, n'a pas 30 ans quand il se fait un nom dans cette ex-république yougoslave: avec trois autres jeunes opposants, il fait en 1988 l'objet d'un procès retentissant pour avoir critiqué l'armée dominée par les Serbes. Les «Quatre» sont finalement libérés sous la pression de manifestations massives. Nommé en 1990 ministre de la Défense dans le premier gouvernement slovène élu démocratiquement, il met en œuvre une tactique de guérilla qui aboutit au retrait des troupes yougoslaves à l'issue de la brève guerre qui suit la proclamation de l'indépendance en 1991. Contraint de démissionner en 1994, il prépare soigneusement son retour et remporte les élections de 2004, au moment où la Slovénie intègre l'Union européenne. Il fait entrer son pays dans la zone euro dès 2007. Mais il est rattrapé en 2008 par une affaire de pots-de-vin dans le cadre d'un contrat militaire avec la société finlandaise Patria.
Il signe un retour en 2012, avant d'être contraint de jeter l'éponge au bout d'un an sous la pression de la rue. Condamné à une peine de deux ans, il mène campagne en 2014 depuis sa cellule avant de parvenir à faire casser cette sentence par la Cour constitutionnelle. M. Jansa entame alors une nouvelle traversée du désert et se rapproche du dirigeant nationaliste hongrois Viktor Orban. Sur son modèle, il durcit résolument la ligne de sa formation issue du centre-droit, agitant notamment le spectre d'une «invasion» migratoire. Personnage clivant, il a encore franchi un cran lors de son dernier mandat entamé en mars 2020, ferraillant avec Bruxelles et multipliant les attaques contre la justice et les médias. Surnommé «Maréchal Twitto» pour son utilisation effrénée du réseau social Twitter, cet alpiniste amateur, corps sec et crâne dégarni, aura ignoré jusqu'au bout la mobilisation massive de ses opposants dans la rue. Avant l'ultime sanction des urnes.