Pourquoi le plus dur commence maintenant pour Macron

Le président Macron doit maintenant rassurer les électeurs qui ont clairement exprimé leur désamour pour sa politique. S’il ne change pas, son second quinquennat sera brûlant.

Macron président
© BelgaImage

«Les gilets jaunes entament cinq nouvelles années de mobilisation.» Depuis dimanche, plusieurs rassemblements ont eu lieu dans diverses villes de France, après la réélection d'Emmanuel Macron. Ils en disent long sur le climat social qui y règne. Richard Abauzit, l’un des leaders du mouvement, a clairement annoncé la couleur : «Ça fait trois ans et demi qu'on y est, vous croyez qu'on va s'arrêter maintenant?» Emmanuel Macron ne doit pas se tromper: sa réélection n’est ni dû à son projet ni à sa personnalité, mais à un rejet de l’extrême droite. Le plus haut taux d’abstention depuis 1969 en est la preuve: la France va mal. La crise des gilets jaunes n’en est que la face la plus visible. «Depuis plusieurs mois, les inquiétudes pour le pouvoir d’achat, notamment la crise de l’énergie, concernent l’ensemble des Français et au moins les classes moyennes et les plus pauvres», appuie le spécialiste de la politique française Benjamin Biard.

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Par ailleurs, la pandémie a abîmé l’économie globale, la santé mentale du peuple et la démocratie. «La méfiance des citoyens est conséquente. Les défaites de Hidalgo et de Pécresse au premier tour ont envoyé les partis traditionnels dans l’ombre. Le chantier de Macron est donc d’abord démocratique. Cette crise, on la connaît en Belgique. En 2019, c’était la première fois que les partis traditionnels ne dépassaient pas ensemble 50 % des voix lors des législatives», poursuit Benjamin Biard. Ce quinquennat doit être celui de la réconciliation. Avec les gilets jaunes et le mouvement des antivax, avec l’ensemble des courants politiques.

Pour y parvenir, le prochain gouvernement pourrait miser davantage le processus participatif. Macron l’avait déjà utilisé avec la convention sur climat durant son premier quinquennat, mais celle-ci a été surtout été vue comme une stratégie de communication. Le gouvernement sortant a d’ailleurs été condamné pour «inaction climatique» par deux fois. Les électeurs l’attendent donc au tournant. Le président en est conscient. Ses premiers mots, dimanche soir, ont été consacrés à son projet de faire de la France une «grande nation écologique». Il a aussi promis de nommer un Premier ministre chargé de la planification écologique.


Pour connaître la véritable orientation du quinquennat à venir, il faut toutefois attendre les législatives au mois de juin, ou plus tôt si Macron dissout l’Assemblée avant. Les enjeux sont immenses. Pour la France, mais également pour l’Union européenne. On l’a assez répété durant la pandémie: le monde d’après, ce monde aux modes de productions et de consommations plus responsables, à la démocratie plus moderne, au système social plus égalitaire sont autant d’ambitions qui se pensent aujourd’hui. Ce que Macron fera ou ne fera pas dans l’un des pays les plus influents de l’Union européenne pourrait influencer les politiques de tous les États membres.

La fin des Le Pen?

Un (Jean-Marie) ou une (Marine) Le Pen ont échoué lors de huit élections présidentielles. Marine Lepen mènera encore avec (elle a insisté, c’est peut-être révélateur) le président par intérim du parti Jordan Bardella, la campagne pour les législatives, mais que deviendra-t-elle ensuite? Au RN, certains voudraient passer à autre chose. Pour le politologue Benjamin Biard, une autre Le Pen pourrait reprendre le leadership de l’extrême droite: Marion Maréchal. «Elle est proche de Zemmour et pourrait rassembler les extrêmes droites. À court terme pour les législatives, c’est cette union qui se joue. Tout est encore possible, car en appelant à ce rassemblement, Zemmour a délégitimé Marine Le Pen, ce qui peut poser problème.»

Mélenchon Premier ministre?

Depuis sa défaite, le leader de la France insoumise quémande: «élisez-moi Premier ministre». Il incite en fait les ressortissants français à voter massivement lors des législatives pour cette «union des gauches» qu’il tente de construire avec les écologistes et le parti communiste français. Ce n’est pas gagné. D’abord, la gauche n’est pas parvenue à se rassembler lors de l’élection suprême et rien ne garantit que les choses seront cette fois différente. Ensuite, rien n’oblige pour l’heure Macron, fort de son score malgré tout confortable, à une «cohabitation», c’est-à-dire la nomination d’un Premier ministre d’une autre couleur politique. Tout dépendra des élections législatives.

100 premiers jours cruciaux

Les premières actions de Macron seront scrutées comme jamais. Outre la priorité de poursuivre la présidence française du Conseil de l’Union européenne dans le contexte de la guerre en Ukraine, d’autres chantiers s’imposeront au prochain gouvernement. Lors des cent premiers jours, le président devra faire passer une grande loi sur le pouvoir d’achat et statuer sur les perspectives budgétaires. Il devra également lancer son grand chantier de l’école, via une concertation des acteurs locaux, la fameuse planification écologique et la concertation (encore une) sociale au sujet de l’allongement de l’âge de la retraite à 65 ans. Les autres priorités concernent la justice et la sécurité, l’accès aux soins de santé, aussi. Bref, le climat social risque d’être très chaud.

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