Du Royaume-Uni à la Belgique, quelles sont les fortunes des monarchies européennes?

Les monarchies sont de véritables entreprises brassant annuellement énormément d’argent. Des deniers publics la plupart du temps.

reine elizabeth
La fortune de la famille royale britannique est estimée à au moins 15 milliards de livres. © BelgaImage

Les dynasties européennes sont pluricentenaires pour la plupart. On l’oublie parfois, mais le roi Philippe, tout comme Felipe VI d’Espagne, sont des descendants directs de Louis XIV. Au cours de ces siècles d’existence, elles ont amassé de véritables fortunes, en s’inscrivant éventuellement du mauvais côté de l’histoire (esclavage, colonisation, conquêtes, etc.). L’exemple le plus marquant est celui de la couronne d’Angleterre, dont les avoirs sont estimés à plus de 15 milliards de livres, au bas mot. Les Windsor ne peuvent pas en faire tout ce qu’ils veulent puisque “The Crown Estate” est géré par le ministère des Finances. Ce patrimoine est essentiellement foncier, forestier, immobilier et même maritime. En effet, les fonds marins britanniques appartiennent à la famille royale. Éoliennes offshore, pipelines, aquacultures, ports de plaisance ou même extracteurs de sable ou de graviers doivent obtenir baux ou licences pour leurs activités. Forcément, cumulés aux autres rentes, les revenus annuels sont assez colossaux: plus de 450 millions de livres en 2021.

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Une somme telle que, depuis 2012, la reine ne reçoit plus de Liste civile (c’est-à-dire le budget annuel du monarque, comme en Belgique), mais “seulement” 25 % des bénéfices de son patrimoine sur les deux dernières années, le reste partant dans les caisses de l’État. Pour 2021-2022, la subvention de la reine a été fixée à 86,3 millions de livres. Un montant colossal qu’elle a entièrement dépensé et même dépassé. La couronne a dépensé plus de 102 millions de livres sur 2021-2022, dont 63,9 millions de frais de maintenance, incluant la remise en état de Buckingham à hauteur de 47,8 millions. Les 16 millions manquants ont été prélevés de la réserve.

En plus de cela la reine peut compter sur la “Privy Purse”, source de revenus pour dépenses privées, qui proviennent essentiellement des rentes du duché de Lancaster. Sans compter qu’Élisabeth II possède également quelques châteaux à titre privé. “Au Royaume-Uni, les montants sont très impressionnants par rapport aux autres monarchies voisines, commente Vincent Dujardin, historien à l’UCLouvain. La famille royale possède une fortune historique et le traitement qu’elle reçoit à titre personnel est vraiment énorme. Ces montants font l’objet de discussions. Il y a déjà eu des réformes par le passé. Notamment à l’époque de Tony Blair, qui avait invité la souveraine à payer des impôts, dont elle était exemptée jusqu’alors.

Gêne héréditaire

Plus près de nous, aux Pays-Bas, les finances de la famille royale dérangent régulièrement pour plusieurs raisons. D’abord parce que la fortune familiale est un secret très bien gardé. Forcément, certains l’imaginent gigantesque et dès lors, les émoluments annuels, même minimes comparés à ceux d’outre-Manche, sont difficiles à digérer pour une partie des citoyens.

monarchie néerlandaise

Le roi Willem-Alexander et la reine Maxima. © BelgaImage

Chaque année, le roi Willem-Alexander reçoit environ 5 millions d’euros pour ses dépenses officielles, le traitement de son personnel, les frais de fonctionnement, etc. Et en plus de cela, un salaire d’un peu moins d’un million d’euros. Pareil pour sa mère, la reine Beatrix et son épouse, la reine Maxima, qui gagnent également plusieurs cen­taines de milliers d’euros chaque année à titre­ ­personnel en plus de leurs budgets royaux officiels. “Il existe depuis longtemps une gêne aux Pays-Bas face à ces privilèges hérités alors que nous sommes en démocratie, commente Jan-Willem Brouwer, chercheur au Centre d’histoire parlementaire de Nijmegen. Le rôle politique du roi a quasiment disparu, sa fortune est secrète, mais il gagne un million d’euros de salaire chaque année et est exonéré fiscalement. Il ne paie pas de taxes sur son salaire et pour ce qui est de sa fortune, c’est assez nébuleux. Seule la partie qui n’est pas utilisée pour la fonction royale est taxée. Est-ce que les œuvres d’art du palais en font partie par exemple?

Traitement royal

Ce qui explique que les grosses dépenses du roi et autres excentricités font souvent polémique. “La maison de vacances en Grèce de la famille royale avait déjà généré beaucoup de discussions. Et l’achat d’un yacht super-rapide à 2 millions d’euros en pleine crise Covid n’est vraiment pas bien passé…” En Belgique, on ignore également le montant exact de la fortune de la famille royale. En 1999, Albert II avait déclaré officiellement qu’elle s’élevait à 12,4 millions d’euros. “Il s’agit d’une somme limitée par rapport aux autres monarchies, commente Vincent Dujardin. Ces 12 millions sont bien inférieurs à ce que touche le prince Charles d’Angleterre annuellement.

roi philippe et reine mathilde

©BelgaImage

Léopold Ier possédait 15 millions de francs de l’époque. Vu que le roi doit respecter les lois et la ­Constitution, qui disaient que le partage successoral doit être égal entre tous les enfants, forcément, aujourd’hui, de ­génération en génération, il n’en reste plus beaucoup pour Philippe”, ajoute Francis Balace, historien et professeur émérite à l’ULiège. Chaque année, le roi Philippe reçoit plus de 12 millions d’euros de budget, c’est sa Liste civile. “En Belgique, plus des 2/3 de cette somme représentent les salaires du ­personnel (cabinet, secrétariat, chauffeurs, cuisiniers, etc.), précise Vincent Dujardin. Cela me semble raisonnable et pas forcément plus élevé que le budget d’un président. La France a déjà entretenu 4 présidents à la fois, avec logement de fonction, chauffeurs, secrétariats, etc.

Chez nous, si le sujet fait beaucoup moins débat, c’est notamment grâce à la réforme de 2013, à l’initiative du Premier ministre Elio Di Rupo, qui, entre autres, exige plus de transparence dans les dépenses, fait payer l’impôt sur les personnes physiques à la famille royale et redéfinit les récipiendaires des dotations ­royales. Désormais, seuls le roi Albert II, le prince ­Laurent et la princesse Astrid en ­touchent une, dont environ les 4/5 représentent des frais de fonctionnement et le reste, un traitement ­personnel. En tant qu’héritière, la princesse ­Élisabeth y a droit aussi, même si on estime qu’elle n’en a pas réellement besoin.

Retrouvez notre dossier de la semaine Il était une fois les monarchies

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