

Selon l'enquête menée durant un an par l'Olaf, l'office européen de lutte antifraude, les refoulements de migrants sont bien pratiqués massivement par les autorités grecques à leurs frontières, en toute connaissance de cause de Frontex, l'agence européenne de garde-côtes et garde-frontières. Plusieurs médias, dont Le Monde en France et Der Spiegel en Allemagne, le révèlent jeudi, ayant pu consulter le rapport bouclé par l'Olaf en février dernier, et qui a mené à la démission du patron de Frontex Fabrice Leggeri peu de temps après (en avril).
Depuis des années, des témoignages émergent régulièrement dans les médias européens, accusant la Grèce de pratiquer des "pushbacks", ce qui est illégal, et Frontex de volontairement détourner le regard voire d'y participer. Le directeur de Frontex, Fabrice Leggeri, rejetait systématiquement ces accusations. Un groupe de travail du Parlement européen avait déjà rendu des conclusions sévères au sujet de l'agence l'été dernier. Comme le résumait l'eurodéputée néerlandaise Tineke Strik, les élus qui se sont intéressés à son fonctionnement ont conclu que "l'agence a ignoré un tas de rapports internes et externes sur les pushbacks" et qu'elle a "retardé sciemment l'engagement de quarante experts pour contrôler le respect des droits de l'homme".
Le rapport de l'Olaf, confidentiel, va dans le même sens, selon les médias qui l'évoquent jeudi. "Dans leur rapport de 129 pages", les enquêteurs de l'Olaf "confirment" les récits médiatiques de pushbacks de ces dernières années, et "révèlent que les faits étaient largement connus, et même dénoncés au sein de Frontex", peut-on lire dans Le Monde.
Face aux signalements en interne, la direction de l'agence a cependant eu systématiquement comme réaction de tenter d'éviter que l'information se propage. Un avion de Frontex a ainsi filmé en août 2020 un navire grec en train de repousser vers la Turquie un canot rempli de migrants. Un agent a établi un rapport d'incident, mais il y a eu interdiction formelle d'enquêter en interne sur les pushbacks, selon un agent interrogé par l'Olaf, et l'avion a été envoyé dans une autre zone, non-problématique.
Le rapport fait aussi état de menaces des autorités grecques envers les agents de Frontex témoins de pratiques problématiques sur le terrain, écrit Le Monde. Et il conclut que plusieurs bateaux grecs impliqués dans des refoulements en 2020 étaient cofinancés par Frontex. A la suite de la démission de Fabrice Leggeri, c'est la Lettonne Aija Kalnaja qui assure l'intérim à la direction de l'agence.
Le service de presse de la Commission européenne, interrogé jeudi midi, a assuré que la commissaire Ylva Johansson avait évoqué la problématique des refoulements avec les autorités grecques fin juin, et affirmé que l'exécutif européen est "en contact constant" avec Athènes pour s'assurer d'un suivi.