Monarchie britannique: ce que révèlent les sondages depuis la mort d'Elizabeth II

L'avenir de la monarchie sous Charles III apparaît plus incertain que sous Elizabeth II, mais avec des situations très diverses au sein du Commonwealth.

Portrait commémoratif d'Elizabeth II
Le portrait d’Elizabeth II sur une bannière dans Londres, le 18 septembre 2022 ©BelgaImage

Cela fait dix jours que la reine Elizabeth II est décédée et pendant ce temps, les instituts de sondage ont eu le temps de faire leurs enquêtes sur la monarchie britannique. Alors que les Britanniques entament leur dernier jour de deuil national, ils donnent une image contrastée de l'opinion publique sur leurs têtes couronnées, que ce soit au Royaume-Uni mais aussi dans le Commonwealth.

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Un royaume uni derrière son roi

Dans son pays natal, Charles III peut être rassuré. Avec le décès de sa mère, il a bénéficié d'un énorme élan de sympathie de la part de son peuple, comme le montre l'écart entre deux sondages YouGov. En mai dernier, les Britanniques étaient très divisés à son sujet, avec 32% estimant qu'il ferait un mauvais roi et 32% autres qui disaient le contraire. Cette semaine, les pourcentages ont complètement changé, avec respectivement 15% et 63%. Il y a seulement quatre mois, 35% des Britanniques avaient une mauvaise opinion générale de celui qui était alors seulement prince (contre 54% qui pensaient le contraire), là où la reine ne récoltait que 12% d'avis négatifs (et 81% d'avis positifs). Maintenant, il a 70% d'avis positifs.

Plus globalement, la monarchie britannique peut également se rassurer quant à son avenir. Outre-Manche, 62% de la population juge que celle-ci est bonne pour le pays et 67% estime que le Royaume-Uni devrait rester... un royaume. En mai dernier, ces résultats étaient respectivement de 56% et 62%, ce qui montre aussi un certain élan d'empathie envers le Palais de Buckingham depuis la mort de la reine. Aujourd'hui, seuls 20% des Britanniques veulent élire leur chef d'État et 22% pensent qu'il faudrait un référendum pour en décider. Autre changement notable: en mai, 41% des Britanniques pensaient que leur pays abandonnerait la monarchie d'ici 100 ans, et seuls 39% disaient le contraire. Aujourd'hui, le rapport de force s'est totalement inversé, avec respectivement 30% et 52%.

Enfin, dans le détail, ces résultats varient en fonction du profil des sondés. Les partisans du parti travailliste sont plus favorables à l'instauration d'une république, à hauteur de 34% (contre 21% pour les libéraux-démocrates et 6% pour les conservateurs). Il en est de même pour les opposants au Brexit (26% contre 11% pour les «Brexiters»), les jeunes (33% pour les 18-24 ans) et les Écossais (31%, contre 16-21% ailleurs en Grande-Bretagne). Pour ces derniers, il y a là aussi du changement car en mai dernier, le groupe de réflexion British Futures montrait que 36% des Écossais souhaitent l'abandon de la monarchie après la mort d'Elizabeth II.

Le Canada timoré

Seul un pays du G7 est chapeauté par un chef d'État étranger, le Canada, qui vient d'approuver Charles III à sa tête. Selon l'enquête de Pollara Strategic Insights, ses habitants sont divisés sur l'avenir de la monarchie chez eux. 44% souhaitent passer à une république, 35% veulent le contraire, et 21% n'arrivent pas à trancher. À nouveau, les jeunes sont les plus favorables à un régime républicain (54% chez les 18-34 ans). En avril, selon l'institut Angus Reid, les Canadiens étaient 51% à ne plus vouloir de la monarchie (et même 71% au Québec). Il y aurait donc un apaisement des velléités du Canada à se détacher de la couronne. Petite précision toutefois: un nouveau sondage Léger montre que 77% des Canadiens ne ressentent aucun attachement à la monarchie britannique (87% au Québec).

Est-ce que le Canada pourrait finir par démettre Charles III de son titre? A priori, ce ne serait en tout cas pas pour tout de suite. Il faudrait pour cela remanier la Constitution. Or le pays garde en mémoire l'échec de ses remaniement constitutionnels des années 1980-1990, ce qui a encouragé les Québécois à réfléchir à prendre leur indépendance. Qu'arriverait-il si cet éventuel référendum sur la monarchie débouche sur un rejet de Charles III au Québec mais pas ailleurs? Pour l'instant, Ottawa n'imagine pas prendre ce risque qui fracturerait à nouveau le pays. Après la mort de la reine, Justin Trudeau, d'origine québécoise, a réaffirmé son attachement à la couronne.

L'Océanie encore attaché à la couronne

En Océanie aussi, la question du passage à une république est sensible. En 1999, l'Australie avait organisé un référendum pour trancher. Résultat: 54,87% ont voté pour que le pays reste une monarchie. Un sondage de Roy Morgan réalisé cette semaine montre qu'aujourd'hui, 60% des Australiens veulent rester fidèles à la couronne britannique (voire 66% chez les femmes, contre 54% chez les hommes). Comme au Royaume-Uni et au Canada, les moins de 35 ans sont moins enclins enthousiastes, avec 52% pour la monarchie et 48% contre. Le premier camp justifiait souvent sa position par des réponses comme «Pourquoi changer ce que nous avons quand ça marche?», alors que les opposants voulaient élire directement celui (ou celle) qui représente leur chef d'État.

Ailleurs dans la région, les différents pays concernés ont tous réaffirmé leur soutien à la couronne. Seul bémol: la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a déclaré qu'elle s'attendait à ce que son État devienne tôt ou tard une république. Quand? Elle précise juste que ce serait «de son vivant, mais pas à court terme».

Les Caraïbes vont-elles prendre le large?

Dans le reste du Commonwealth (qui compte au total 15 pays reconnaissant Charles III comme roi), l'hostilité à la monarchie est parfois plus marqué, surtout dans les Caraïbes. La région garde encore un mauvais souvenir de l'époque esclavagiste, alors qu'une grande majorité de la population descend d'esclaves. L'année dernière, la Barbade a même frappé les esprits en devenant une république.

Plus tôt cette année, la Jamaïque avait déjà annoncé son intention de vouloir tirer un trait sur la monarchie. Un sondage réalisé en août montre que 56% de la population serait favorable à cette idée. Il faudrait pour cela organiser un référendum mais pour l'instant, rien n'a vraiment été organisé en ce sens. Cet été, le Belize a également lancé un projet de nouvelle constitution qui pourrait laisser la porte ouverte au passage à une république, mais cela doit encore être confirmé. À Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Premier ministre a proposé en juillet dernier un référendum sur le sujet mais seulement en cas de soutien des principaux partis politiques.

Depuis la mort d'Elizabeth II, d'autres pays caraïbéens ont rejoint le mouvement. C'est le cas d'Antigua-et-Barbuda, dont le Premier ministre a annoncé la tenue d'un référendum «dans les trois prochaines années». Idem aux Bahamas, sans date annoncée. Dans ce dernier pays, les autorités regardent toutefois cet appel au vote avec circonspection. Les précédentes réformes proposées à la population ont été rejetées, comme avec la loi consacrant l'égalité des sexes et la modification de l'âge de la retraite des juges. Est-ce qu'un référendum sur la monarchie connaîtrait un sort différent? C'est loin d'être certain.

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