
Ukraine: l'entrée en guerre de la Biélorussie, un «suicide politique» pour Loukachenko?

L'opposante bélarusse en exil Svetlana Tikhanovskaïa a déclaré jeudi «ne pas imaginer» que le président Alexandre Loukachenko puisse décider d'engager son armée dans le conflit en Ukraine, malgré les menaces proférées contre Kiev. Une entrée en guerre qui pourrait s'avérer être un pari risqué pour le pouvoir biélorusse mis sous pression par Vladimir Poutine, et ce à plusieurs titres.
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Une défection de l'armée biélorusse en cas d'entrée en guerre?
«Je ne peux pas imaginer que l'armée bélarusse puisse participer à cette guerre, surtout maintenant que le monde entier est uni derrière les Ukrainiens», a-t-elle souligné lors d'une conférence de presse à Bruxelles. Selon elle, «Loukachenko sait qu'un tel ordre (donné à son armée) ne serait pas exécuté». Mme Tikhanovskaïa réagissait à l'annonce lundi par le président Loukachenko du déploiement d'un groupement militaire «régional» associant des forces russes et bélarusses. Affirmant avoir été informé d'une frappe en préparation depuis l'Ukraine sur la Biélorussie, le président Loukachenko a intimé ce jour-là à son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky de ne pas toucher de «ses sales pattes, ne serait-ce qu'un mètre du territoire» bélarusse. La Biélorussie, allié de la Russie dans ce conflit, a déjà prêté son territoire à l'armée russe pour son offensive contre l'Ukraine, mais l'armée bélarusse ne participe pas jusqu'ici aux combats sur le territoire ukrainien.
Pour l'opposante en exil, qui revendique la victoire à l'élection présidentielle de 2020 face à M. Loukachenko et vit désormais en Lituanie, le président de la Biélorussie se mettrait à dos son opinion publique s'il engageait son armée pour combattre les Ukrainiens. Il n'y a «pas de sentiment anti-ukrainien» en Biélorussie, y compris dans l'armée, a estimé Svetlana Tikhanovskaïa. «Je pense que les généraux ont dit à Loukachenko que s'il lui donnait l'ordre de se battre contre les soldats ukrainiens, l'armée bélarusse ferait défection, changerait de camp, se cacherait, mais ne tirerait pas sur eux», a poursuivi cette enseignante de 40 ans.
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Il y a deux semaines, lors d'un déplacement au Royaume-Uni, elle avait déjà averti le président bélarusse qu'engager son armée en soutien à la Russie reviendrait à un «suicide politique». À Bruxelles depuis mardi, après une visite en France la semaine dernière, Mme Tikhanovskaïa, dont le mari est emprisonné en Biélorussie, a appelé l'UE à exprimer davantage son soutien aux prisonniers politiques et aux médias indépendants de son pays. Elle a aussi annoncé l'ouverture d'«une mission de représentation du Bélarus démocratique» dans la capitale européenne, ayant vocation à aider la diaspora biélorusse en Europe de l'ouest, «dont le régime Loukachenko ne s'occupe plus». Dans les mois qui viennent, l'opposition compte ouvrir trois autres bureaux de représentation à Tallinn, Prague et Kiev, a précisé Vladimir Astapenka, pressenti pour prendre la tête de la «mission» à Bruxelles. Cet ancien ambassadeur de la Biélorussie en Argentine avait fait défection après la réélection jugée frauduleuse du président Loukachenko en août 2020.