Royaume-Uni: les trois erreurs fatales qui ont amené Liz Truss à démissionner

De plus en plus affaiblie au cours de son mandat, la Première ministre britannique n'aura tenu que 45 jours au 10 Downing Street.

Liz Truss à Downing Street
Liz Truss devant le 10 Downing Street, le 20 octobre 2022 ©BelgaImage

«Une crise sans précédent pour la politique britannique»: le titre de la BBC est à la hauteur du choc. En démissionnant ce jeudi 20 octobre, la Première ministre Liz Truss devient la détentrice d'un triste record. Jamais un chef de gouvernement britannique ne sera resté aussi peu de temps à son poste, 45 jours pour être précis. Hier encore, la cheffe du parti conservateur assurait pourtant être une «combattante» et excluait de partir du 10 Downing Street. Une déclaration réalisée sans réel appui de la part de son parti, comme il apparaît désormais. Comment en est-elle arrivée là? Voici quelques-unes de ses erreurs qui ont précipité sa chute.

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Une Dame de Fer aux pieds d'argile à cause de gaffes à répétition

Lorsqu'elle a été élue à la tête du parti conservateur au pouvoir, et donc au poste de Première ministre, Liz Truss avait l'allure d'une «nouvelle Dame de Fer», digne héritière de Margaret Thatcher. Forte de son expérience accumulée dans sept ministères de 2012 à 2022, elle se présentait également comme loyale à la politique de son sulfureux successeur, Boris Johnson. Véritable girouette politique, elle était passée de pro-européenne avant le référendum sur le Brexit à eurosceptique acharnée. Le populisme pur jus était devenu sa marque de fabrique.

Cela ne l'a pourtant pas empêché de s'imposer à Downing Street début septembre dernier, récoltant 57,4% des voix lors d'un vote interne à son parti, devant le plus modéré Rishi Sunak. Mais son mandat commençait avec quelques bourdes. Reine de la gaffe, elle refusait fin août de dire si Emmanuel Macron était «un ami ou un ennemi». «Si on n’est pas capable de répondre à cette question, on va vers de sérieux problèmes», répondait alors le président français. Interrogée sur le fait que des anciens Brexiters pouvaient regretter leur choix de sortir de l'UE, Liz Truss répond qu'elle «ne pense pas que les gens aient changé d'avis» sur le Brexit. «Vous l'avez fait», lui réplique la journaliste. «Oui, c'est vrai», a alors accordé la cheffe des conservateurs. Arrivée à Downing Street, les réseaux sociaux se sont donné à cœur joie de reprendre de ses phrases devenues de véritables memes. Exemple, tiré d'un discours de 2014: «Nous importons les deux tiers de notre fromage. Ça, c'est une honte».

Il faut aussi rappeler que Liz Truss est devenue Première ministre dans un moment délicat. Boris Johnson accumulait les polémiques comme celle du Pizzagate, d'où sa propre démission, et le parti conservateur semblait déjà fragile. Le système de désignation du Premier ministre, interne au parti majoritaire, n'incite pas non plus à créer un engouement des Britanniques pour leur nouveau leader.

Un «mini-budget» fatal

Le premier défi de Liz Truss, c'est évidemment la mort de la reine Elizabeth II, seulement deux jours après le début de son mandat. Elle aurait pu espérer un élan d'union nationale, propice à consolider sa position au pouvoir. Elle n'a d'ailleurs pas commis d'erreurs majeures dans le cadre des funérailles royales.

Mais très vite, c'est une autre problématique qui fait la une de l'actualité, cette fois-ci bien moins favorable à Liz Truss : l'inflation. Elle savait qu'elle était attendue au tournant et a décidé de frapper fort, mais d'une manière totalement inattendue. Son plan : décréter un «mini-budget» en coupant brutalement dans les impôts. Mais pour de très nombreux économistes, cela ne ferait que creuser les inégalités socio-économiques, en renforçant surtout le pouvoir d'achat des plus riches. Les marchés sont en panique, la livre s'écroule et la Banque d’Angleterre est obligée d'agir pour éviter une catastrophe financière.

Pendant des jours, Liz Truss reste inflexible, mais la pression s'accentue. Le parti conservateur s'écroule littéralement dans les sondages, passant d'environ 32% à 22% en un temps record. En parallèle, l'opposition travailliste bondit d'environ 40% à 50-55%. La pression devient trop grande et Liz Truss, dont la cote d'approbation passe de 37% à 7% en une semaine, finit par abandonner son mini-budget.

Une popularité en chute libre et des démissions

Commence dès lors la chute aux enfers. Le nouveau chancelier de l'Échiquier (ministre de l'Économie), Jeremy Hunt, démonte une à une les décisions économiques prises par le gouvernement Truss. «Presque toutes» les réductions d'impôts sont jetées aux oubliettes. À ses côtés, la Première ministre apparaît plus qu'affaiblie. La presse britannique parle déjà d'une conservatrice qui s'accroche comme elle peut à son poste.

Au sein de son parti, de plus en plus de voix s'élèvent pour faire partir Liz Truss. L'enjeu est simple : il faut d'urgence arrêter la fuite des électeurs, surtout que les médias d'Outre-Manche parlent de possibles élections générales. Une perspective que le parti travailliste ne cesse de rappeler comme étant la seule solution pour une sortie de crise.

Après les membres du parti, la fronde s'étend au gouvernement lui-même. Liz Truss ne contrôle plus la loyauté de ses proches et les démissions commencent. C'est d'abord celle du ministre de l'Intérieur Suella Braverman, qui affirme avoir «des inquiétudes quant à la direction du gouvernement». Quelques heures plus tard, de nombreux députés conservateurs s'opposent frontalement à la Première ministre dans son projet de permettre la fracturation hydraulique. Le vote au Parlement fait figure de motion de confiance ou de défiance envers elle. Des rumeurs parlent de démissions au sein du parti conservateur. Finalement, ce 20 octobre, Liz Truss cède : elle démissionne, déclarant ne pas pouvoir se conformer au mandat servant de base à la gestion de son gouvernement.

Aujourd'hui, Downing Street affirme qu'un nouveau Premier ministre pourrait être nommé dans les dix jours. Rishi Sunak, opposant à Liz Truss au sein du parti, fait figure de favori pour prendre sa succession. Reste la question de la possibilité de convoquer de nouvelles élections. Les tensions au sein des conservateurs décideront probablement de la suite de cette crise politique. Mais Nick Eardley, correspondant politique en chef de la BBC, prévient: il s'agit d'«une situation sans précédent» et il est «difficile d'imaginer les députés conservateurs s'unir derrière un seul candidat».

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