

À l'issue des élections de mi-mandat, le parti républicain n'est pas à la fête. Donald Trump a beau dire qu'il s'agit d'«une très grande victoire» pour eux, même lui est obligé de le concéder: ils résultats sont «quelque peu décevants d'une certaine manière», dit-il. Les États-Unis n'ont en effet pas vu déferler de «vague rouge», selon les termes encore professés par l'ex-président la veille du scrutin. Les républicains, qui avaient pourtant le vent en poupe dans les sondages, ne pourraient contrôler la Chambre des représentants que d'une courte tête. Au Sénat, les démocrates pourraient garder la main. De nombreuses sources notent qu'en réalité, Donald Trump serait mécontent, voire énervé. Petit à petit, des voix s'élèvent au sein de sa formation politique pour lui préférer un autre candidat pour la présidentielle de 2024.
Depuis mardi, la déception se fait sentir chez les républicains. C'est le cas du sénateur Lindsey Graham, un proche de Trump, qui a fait connaître sa déception sur NBC: «Assurément pas une vague républicaine, ça c'est sûr», dit-il. Le ton est similaire chez son collège du Sénat, Ted Cruz, qui déclarait avant les élections qu'il y aurait «un tsunami rouge». Depuis, il déchante. Certes, le trumpisme reste puissant. Plus de 200 candidats niant le résultat de la présidentielle de 2020 ont été élus cette semaine, selon le New York Times. Mais ceux-ci ont souvent été élus dans des districts où le parti républicain est bien implanté. Puis il y a ces États où les électeurs pouvaient choisir entre un républicain modéré et trumpiste. Ici, c'est généralement le premier qui a pris la tête.
Le pire pour Trump, cela reste ces défaites dans des États où il avait mis beaucoup d'énergie. C'est notamment le cas de la Pennsylvanie, où Mehmet Oz a perdu face à son concurrent démocrate pour un siège crucial au Sénat. D'après la journaliste du New York Times Maggie Haberman, connue pour ses accès au clan Trump, a fait savoir l'énervement de l'ex-président à ce sujet. «Trump est en effet furieux ce matin, en particulier concernant Mehmet Oz, et il accuse tous ceux qui lui ont conseillé de le soutenir, y compris sa femme, disant que ce n'était pas sa meilleure décision, selon des personnes qui lui sont proches», écrit-elle. Un conseiller de Trump, cité par CNN, confirme l'état d'esprit agité de l'homme d'affaires. Il le décrit comme «livide», «criant sur tout le monde».
Pour calmer le jeu, Donald Trump a nié en bloc ces déclarations. «Je ne suis pas du tout en colère», affirme-t-il sur son réseau social Truth, en criant au «fake news». Mais le mal est fait. Son comportement exaspère de plus en plus au sein des républicains. Mardi, il affirmait par exemple à propos des candidats qu'il a soutenus: «s'ils gagnent, je devrais en recevoir tout le mérite. S'ils perdent, je ne devrais pas en être tenu responsable».
Au sein du parti, le ras-le-bol se fait sentir. Maggie Haberman soutient que plusieurs membres de la formation politique ont demandé à Donald Trump de reporter son annonce du 15 novembre prochain, où il pourrait rendre officielle sa candidature à la prochaine présidentielle. Cette annonce précipitée a sans nul doute mobilisé l'électorat démocrate alors qu'il appelait à un vote anti-Biden. Trump a en réalité mobilisé le camp d'en face. «Plusieurs républicains lui ont déjà envoyé un sms, lui demandant s'il allait le faire», précise la journaliste. Pour plusieurs stratèges conservateurs interrogés par The Hill, «l’implication de Trump dans les campagnes pour le Sénat et la Chambre des représentants a fait plus de mal que de bien, soulevant des interrogations sérieuses sur sa viabilité en tant que candidat à la présidentielle de 2024». Son annonce du 15 novembre aurait notamment encouragé les électeurs démocrates à voter.
Parfois, certains responsables du parti osent dire à visage découvert tout le mal qu'ils pensent de l'ex-président. «Comment peut-on regarder ces résultats et conclure que Trump a la moindre chance de gagner une élection nationale en 2024?», déclare le stratège républicain Scott Jennings, proche du chef des républicains au Sénat. Le vice-gouverneur républicain de Géorgie, Geoff Duncan, vice-gouverneur républicain de Géorgie, a affirmé qu'il était «temps de passer à autre chose». Le républicain Mike Lawler, représentant de l'État de New York, a demandé à «changer de direction».
La tension se fait aussi sentir parmi les médias conservateurs qui soutiennent d'habitude Donald Trump. «De nombreux commentateurs ont vu dans le résultat des élections le signe qu’il était temps pour le Parti républicain de tourner la page Trump», fait savoir la chaîne Fox News. «Les observateurs font valoir que Trump a soutenu des candidats farfelus qui ont transformé des victoires faciles en courses serrées, et des courses serrées en défaites», ajoute-elle. Le ton est également dur du côté du New York Post de Rupert Murdoch qui titre en une ce jeudi «Trumpty Dumpty», parodiant ainsi une comptine folklorique, tout en représentant l'homme d'affaires sous la forme d'un œuf.
La veille, le journal new-yorkais publiait en une un autre visage, celui du gouverneur républicain de Floride, Ron DeSantis, réélu haut la main avec 59,4% des voix. Avant les élections, il faisait déjà figure de principal concurrent à Trump au sein de leur parti pour la présidentielle de 2024. Avec le résultat de ce mardi, sa position s'est encore renforcée. Dernièrement, Donald Trump n'a cessé de l'attaquer, le surnommant «DeSanctimonious» («le moralisateur»). Il pourrait continuer sur cette lancée dans les jours et semaines qui viennent. Reste que les midterms ne lui facilitent manifestement pas la tâche. C'est en tout cas l'avis du Los Angeles Times qui donne un bilan très défavorable à l'ancien locataire de la Maison Blanche: «Il y a encore beaucoup d’inconnues quant aux résultats des élections de mi-mandat, mais une chose est sûre: le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche est devenu beaucoup plus compliqué».