Crise de l'énergie : pourquoi l'Europe a tardé à "plafonner" le prix du gaz

Il aura fallu huit mois à la Commission européenne pour amener une proposition d'intervention sur les prix du gaz.

Ursula von der Leyen @BelgaImage

Ce lundi, les ministres de l’Énergie de l’Union européenne ont dégagé un accord politique sur l’instauration d’un mécanisme temporaire de correction des prix sur le marché de gros du gaz. Il est convenu d’instaurer un plafonnement de prix à 180 euros le mégawattheure.

Il aura fallu huit mois à la Commission européenne pour déposer une proposition sur la table et neuf pour que celle-ci soit validée par les Etats membres. Une lenteur incompréhensible pour de nombreux ménages qui doivent subir les prix élevés de l’énergie depuis de nombreux mois. Mais comment expliquer ce manque de rapidité face à une situation aussi urgente ?

La principale fautive est la Commission européenne, réticente depuis le début à un plafonnement du prix du gaz : «L’idée d’intervenir sur les marchés est inacceptable pour eux », a confié une source européenne au journal Le Soir. De plus, garder des prix élevés permet de réduire la demande en gaz. Une réduction de la consommation dont l’Europe a besoin pour éviter les pénuries. Toujours selon Le Soir, ce deuxième argument aurait été entendu au Berlaymont. La fuite des fournisseurs représente une autre crainte pour la Commission européenne ainsi que pour plusieurs pays réticents au plafonnement, comme l’Allemagne et les Pays-Bas.

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15 pays proposent un plafonnement

Fin septembre, 15 pays, dont la Belgique, appelaient à un plafonnement des prix sur toutes les importations de gaz. « Le plafonnement des prix (…) est la seule mesure qui aidera chaque État membre à atténuer la pression inflationniste, à gérer les attentes et à fournir un cadre en cas d’éventuelles ruptures d’approvisionnement, ainsi qu’à limiter les bénéfices supplémentaires dans le secteur », mentionnait le texte paraphé par la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovénie et l’Espagne.

Au sommet européen sur l’énergie d’octobre, la question n’est toujours pas tranchée. La Commission propose alors un « mécanisme de correction du marché » qui permettrait d’éviter les emballements et pics excessifs de prix, tels que connus à l’été dernier. La Commission européenne détaillera ce mécanisme dans une proposition législative qu’elle dévoile le 22 novembre.

Proposition de la Commission

Selon cette proposition, le mécanisme devait être activé dès que le prix du contrat TTF (du nom de la principale bourse européenne d’échange de gaz) à un mois dépasse 275 euros le mégawattheure durant deux semaines, et que les prix TTF dépassent de 58 euros les prix de référence du gaz naturel liquéfié (GNL) pendant dix jours consécutifs endéans ces deux semaines.

Cette proposition de la Commission a été très mal reçue et les conditions d’activation de ce mécanisme ont été jugés « irréalistes » par les plusieurs états membres. En effet, même en août, lorsque les prix du gaz étaient au plus haut, le dispositif n’aurait pas pu être activé. Depuis, les pays de l’Union européenne négocient sur les critères de déclenchement de ce mécanisme.

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Un accord

Après des mois de tergiversations, les ministres de l'Énergie ont dégagé ce lundi un accord politique. Concrètement, le mécanisme serait automatiquement activé dès que le prix du gaz des futurs contrats conclus pour un mois à l'avance sur le marché de référence (le TTF néerlandais) dépasse les 180 euros/MWh trois jours durant. Ce même prix doit également dépasser d'au moins 35 euros le prix de référence du GNL sur les marchés mondiaux, pendant la même période de trois jours.

Une fois le mécanisme activé, cela ne signifie pas encore que le prix du gaz est plafonné à 180 euros/MWh, mais bien qu'en Europe, il ne sera plus permis de payer un prix plus de 35 euros/MWh plus élevé que le prix de référence du GNL. En d'autres termes, si le prix du gaz s'élève à 200 euros/MWh, on ne pourra pas payer en Europe plus de 235 euros/MWh. C'est en ce sens qu'il faut entendre "plafond dynamique". De même, si le prix de référence du GNL descend sous les 143 euros, le plafond restera fixé à 178 euros (143 + 35).

Après son activation, le mécanisme resterait actif au moins vingt jours. Durant cette période, si le plafond dynamique baisse trois jours durant sous les 180 euros MW/h, le mécanisme sera automatiquement désactivé. C'est le cas également s'il s'avère que le mécanisme entraîne une distorsion du marché.

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Pas encore pour tout de suite

Autre garde-fou, la mise en œuvre du mécanisme n'est pas pour tout de suite: la Commission européenne, le régulateur européen de l'énergie (Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, ACER) et l'autorité des marchés financiers (ESMA) doivent avant tout mener une analyse d'impact approfondie et fournir une version provisoire de leur analyse pour le 31 janvier.

Si aucun problème fondamental n'est détecté, le mécanisme pourrait entrer en vigueur à partir du 15 février, avant l'analyse d'impact définitive attendue pour fin février. C'est en effet en vue de la nouvelle saison de remplissage des réserves de gaz de l'Europe, au printemps prochain, que le mécanisme doit être en place.

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