
"Je vais compter jusqu'à trois. Ensuite, je vous tire dans la tête" un soldat russe raconte les tortures infligées aux Ukrainiens

Konstantin Yefremov est un ancien officier militaire russe. Son identité a été vérifiée par nos confrères de la BBC et il a bien été identifié. Ouvertement et à visage découvert, il témoigne à propos des horreurs qu'il a vues.
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L'homme se trouvait bien dans la région de Zaporizhzhia, y compris dans la ville de Melitopol au début de la guerre. Le 10 février 2022, il arrive en Crimée, contre son gré, assure-t-il. À la tête d'une unité de déminage, il était normalement basé en Tchétchénie, dans le Caucase du nord. Initialement, ils ont été envoyés pour prendre part à des "exercices militaires", dit-il. "À l'époque, personne ne croyait qu'il y aurait une guerre. Tout le monde pensait que ce n'était qu'un exercice. Je suis sûr que même les officiers supérieurs ne le savaient pas."
Lorsqu'il apprend que la guerre éclate, il jure vouloir démissionner. "Je suis allé voir mon commandant et lui ai expliqué ma position. Il m'a conduit à un officier supérieur qui m'a traité de traître et de lâche. J'ai laissé mon arme, je suis monté dans un taxi et je suis parti. Je voulais retourner à ma base en Tchétchénie et démissionner officiellement. Puis mes camarades m'ont téléphoné pour m'avertir: un colonel avait promis de me mettre en prison jusqu'à 10 ans pour désertion et il avait alerté la police." Du coup, il retourne à la guerre. La pire erreur de sa vie.
"J'ai vu des interrogatoires et des tortures"
Après environ un mois et demi, Konstantin Yefremov et son équipe déménagent dans la ville de Bilmak, au nord-est de Melitopol. Un endroit qu'il qualifie comme un "quartier général logistique". Là-bas, il avoue avoir été le témoin des pires atrocités. Notamment sur trois prisonniers qui avaient été capturés. "L'un d'entre eux a admis être un tireur d'élite", explique-t-il. "Mon colonel russe a complètement perdu la tête en apprenant la nouvelle. Il l'a frappé et a baissé son pantalon en lui demandant s'il était marié. Après la réponse positive, il a ordonné qu'on lui apporte une serpillière. 'On va te transformer en fille et on enverra la vidéo à ta femme'."
Ce n'est pas la seule scène horrible dont Konstantin a été témoin. "Une autre fois, le colonel a demandé à un prisonnier de nommer tous les nationalistes ukrainiens de son unité. Il n'avait pas compris la question et avait répondu que les soldats étaient de l'infanterie marine des forces armées ukrainiennes. Pour cette réponse, ils lui ont cassé quelques dents."
Un autre jour, un ukrainien avait un bandeau sur les yeux. "Le colonel a mis un pistolet sur le front du prisonnier et a dit 'Je vais compter jusqu'à trois. Ensuite, je vous tire dans la tête'", poursuit Yefremov. "Il a compté pour ensuite tirer juste à côté. Le colonel s'est mis à crier sur lui. J'ai dû intervenir pour lui expliquer que le prisonnier ne pouvait plus rien entendre. Le colonel l'avait rendu sourd."
Il raconte également comment un interrogatoire a complètement dégénéré. "Le colonel a tiré sur un prisonnier dans le bras et dans la jambe droite, pile sous le genou. Ce qui a touché l'os. Nos hommes ont pansé le prisonnier et ont expliqué aux commandants russes (pas au colonel qui était fou) que le blessé devait aller à l'hôpital sans quoi il se viderait de son sang. Selon Konstantin, lui et son équipe viennent en aide à l'Ukrainien. "Du coup, on l'a habillé en lui expliquant qu'il devait dire qu'il était un soldat russe. Pas un prisonnier de guerre ukrainien. Nous lui avons dit: 'Soit les médecins refuseront de te soigner, soit les soldats russes blessés l'entendront et te tireront dessus, et nous ne pourrons pas les arrêter'".
Autre torture inhumaine: les soldats ukrainiens n'étaient pas nourris par de la nourriture normale. "Ils ne recevaient que de l'eau et des biscuits. Nous avons essayé de leur donner du thé chaud et des cigarettes. Pour éviter qu'ils dorment à même le sol, on leur jetait du foin pendant la nuit pour que personne ne nous voie."
"Malheureusement, la torture existe des deux côtés"
Depuis le début de la guerre, près de 400 prisonniers de guerre ont été interrogés par l'ONU. "Malheureusement, nous avons constaté que la torture et les mauvais traitements des prisonniers de guerre se produisent des deux côtés", explique Matilda Bogner, chef de l'équipe de surveillance de l'ONU basée en Ukraine, pour nos confrères anglais.
Des soldats russes ont également expliqué avoir subi des sévices corporels, dont des électrocutions et des passages à tabac. "Toute forme de torture ou de mauvais traitement est interdite par le droit international", continue Mme Bogner. "Il est inacceptable que l'une ou l'autre des parties agisse de la sorte", ajoute-t-elle.
La BBC précise qu'elle n'a pas été en mesure de confirmer de manière indépendante toutes les allégations de tortures décrites par Konstantin Yefremov. "Mais elles sont cohérentes avec d'autres allégations d'abus de prisonniers ukrainiens", précise le média.