Jean-Paul II a dissimulé des affaires de pédophilie avant d'être pape, affirme une enquête "révolutionnaire"

"Ce que vous avez découvert est révolutionnaire car cela montre ce que beaucoup de gens soupçonnaient depuis des années: Jean Paul II savait que le problème [des prètres pédophiles, ndlr] existait avant même qu’il devienne pape". Ainsi a réagi Thomas Doyle, un ancien prêtre catholique américain, auteur d'un rapport sur les abus du clergé, face aux preuves récoltées par l'enquêteur Michal Gutowski, de la chaîne polonaise TVN. Ce dernier a en effet réalisé un travail de recherche titanesque afin de démontrer que Jean-Paul II était bel et bien au courant d'affaires de pédophilie au sein de l'Église catholique et ce alors qu'il était cardinal et archevêque de Cracovie. Pire: il aurait couvert les coupables de son diocèse en rusant de stratégies pour cacher les preuves.

Des témoignages de première main

Ces révélations fracassantes se basent sur plusieurs sources concordantes. M. Gutowski a rencontré à la fois les victimes de prêtres pédophiles, leurs proches et les anciens employés du diocèse du futur Jean-Paul II (qui se dénommait alors Karol Wojtyła). L'Église lui a refusé l'accès à ses archives mais certains de ses documents lui sont quand même parvenus, qu'ils proviennent de Pologne ou d'autres pays. On y trouve notamment des lettres signées de la main du cardinal Wojtyła. Ajoutons à cela les documents de l'ancien service de renseignement du régime communiste polonais, le SB. Cerise sur le gâteau: un témoin anonyme qui affirme avoir personnellement alerté Karol Wojtyła en 1973 à propos des actes pédophile d'un prêtre.

Tous ces témoignages montrent la même chose: le futur Jean-Paul II non seulement savait que l'Église était gangrenée par des cas de pédophilie, mais il protégeait en plus les fautifs. Sa tactique: les envoyer discrètement vers d'autres régions. C'est par exemple le cas d'un prêtre recommandé au cardinal de Vienne sans notifier à ce dernier des accusations pesant sur cet homme. Quant à celui dénoncé par le témoin anonyme de M. Gutowski, "Wojtyła a demandé de ne le rapporter nulle part, il a dit qu’il s’en occuperait", assure-t-il. Une promesse a priori sans condamnation ultérieure.

Une bombe pour le catholicisme polonais

Le scandale est potentiellement explosif, surtout dans un pays aussi religieux que la Pologne. Selon des statistiques officielles de 2015, 92,8% des Polonais sont catholiques, dont 34,1% accordent une "haute importante" à la religion et 27,5% une "très haute importance". Les régions les plus croyantes se situent d'ailleurs au sud-est, là où se trouve l'archevêché de Cracovie.

Pour aboutir à ces conclusions, M. Gutowski précise à TVN avoir travaillé pendant deux ans et demi sur cette affaire. Il a ainsi dû passer en revue tout le parcours de Karol Wojtyła au siège épiscopal de Cracovie, où il a d'abord été étudiant au séminaire théologique avant d'y être ordonné prêtre en 1946 puis évêque auxiliaire en 1958 et archevêque en 1964, titre qu'il a gardé jusqu'à devenir pape en 1978.

"Jean Paul II savait"

Face à ses découvertes, M. Gutowski affirme qu'il aurait préféré que toutes ses découvertes ne soient pas vraies. "Cependant, notre travail en tant que journalistes est de révéler la vérité", déclare-t-il à TVN. La chaîne ajoute que l'équipe de l'enquêteur s'est révélée très prudente sur ce qu'il pouvait affirmer et a mené les recherches nécessaires afin d'appuyer ses propos. "Nous avons vérifié chaque piste à chaque endroit pendant de nombreux mois, en utilisant diverses méthodes journalistiques", assure le reporter.

Ce mercredi, le clou sera encore plus enfoncé avec la publication en Pologne d'un livre intitulé "Maxima Culpa. Jean Paul II savait" où le journaliste néerlandais Ekke Overbeek expose les résultats de sa propre enquête sur le même sujet. "J'espère que ce reportage mettra fin à la discussion et aux déclarations floues prétendant que Jean-Paul II n'aurait peut-être pas su", conclut M. Gutowski. "Avec ces révélations, nous n'aurons plus aucun doute sur le fait qu'il savait bel et bien avant qu'il ne devienne pape. Maintenant, pour le dire crûment, la balle est du côté de l'Église".