
Quelle est cette proposition de loi sur la congolité qui fait trembler la RDC ?

L'organisation de défense des droits humains Human Rights Watch (HRW) a appelé mardi le parlement congolais à rejeter une proposition de loi que les autorités pourraient utiliser pour exercer une discrimination contre certains citoyens congolais en raison de l'origine nationale de leurs parents, à l'approche d'élections générales en République démocratique du Congo (RDC).
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"Cette loi empêcherait tout Congolais dont l'un des parents n'est pas d'origine congolaise d'accéder à la fonction présidentielle et aux postes à responsabilités au sein des institutions", a dénoncé HRW dans un communiqué. Selon l'ONG, l'examen de cette proposition de loi au cours d'une année électorale renforce les craintes que les autorités ne l'utilisent pour empêcher certaines personnes - comme l'homme d'affaires Moïse Katumbi Chapwe - de se présenter aux élections, "en violation des protections juridiques internationales relatives à la participation démocratique et à la non-discrimination".
Le projet, connu sous le nom de "proposition de loi Tshiani" (du nom de son initiateur Noël Tshiani Mwandiavita, lui-même candidat à la présidentielle de 2018) ou loi sur la "congolité", a été présenté pour la première fois en 2021, mais a été retiré après avoir suscité de nombreuses objections. Il est toutefois à nouveau inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement congolais, qui pourrait en débattre au cours de son actuelle session ordinaire, qui a débuté à la mi-mars et doit se clôturer à la mi-juin.
Arrière-pensée politique
"Les autorités congolaises pourraient facilement se servir de la loi Tshiani, si elle était adoptée, pour empêcher illégalement des citoyens congolais d'être candidats à des fonctions politiques", a expliqué la directrice adjointe à la division Afrique à HRW, Carine Kaneza Nantulya, citée par le communiqué. "En plus d'être discriminatoire, l'adoption de cette loi pourrait présager une nouvelle vague de répression et de violences", a-t-elle ajouté.

Le leader de l'opposition congolaise Katumbi. © BelgaImage
Selon HRW, la proposition de loi est largement perçue comme une tentative d'écarter M. Katumbi, qui dirige le parti d'opposition Ensemble pour la République et est considéré comme l'un des adversaires potentiels du président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo à la présidentielle prévue le 20 décembre prochain. M. Katumbi, un riche homme d'affaires congolais - il est notamment propriétaire du club de football du Tout Puissant Mazembe de Lubumbashi - et ancien gouverneur de la province du Katanga dont le père est grec, a annoncé en 2022 sa candidature à la présidence.
Manifestations dans le pays
Un certain nombre de diplomates étrangers, de responsables des Nations unies, d'organisations congolaises et de personnalités se sont exprimés contre cette proposition de loi Tshiani. Des manifestations pour s'y opposer ont également eu lieu dans tout le pays, notamment dans les provinces orientales du Nord-Kivu, de l'Ituri et du Katanga, et dans les provinces occidentales du Kongo-Central, ainsi qu'à Kinshasa, la capitale.
Dans une déclaration du 5 avril, l'organisation la Voix des Sans Voix (VSV) a déclaré que cette proposition de loi serait utilisée pour exclure certaines personnes de la compétition politique et que le parlement devrait la rejeter pour "éviter des tensions politiques susceptibles d'occasionner des violations des droits humains". L'Association congolaise pour l'Accès à la Justice (ACAJ) a quant à elle déclaré que la loi "risque de générer des frustrations et d'éventuelles violences".
Dans son message de Pâques, l'archevêque de Kinshasa, le cardinal Fridolin Ambongo a déclaré qu'un "projet de loi sur la congolité, à la veille des élections, nous divise davantage qu'elle ne nous unit. Nous avons un urgent besoin des gestes et des lois qui rapprochent, plus que des actes et des dispositions qui nous dressent les uns contre les autres".
Une délégation d'ambassadeurs de pays membres de l'Union européenne a rencontré le président de l'Assemblée nationale, Christophe MBoso N'Kodia Pwanga, pour lui faire part de ses préoccupations concernant cette proposition de loi. Dans son discours devant le Conseil des droits de l'homme de l'Onu en mars, la cheffe de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco), la Guinéenne, Bintou Keita, a exprimé son inquiétude face à "la montée dans le discours politique de messages à relents xénophobes et racistes qui constituent un danger pour la cohésion nationale, la paix et la sécurité". Elle a appelé à la mise en place d'un processus électoral inclusif et a déclaré qu'aucun Congolais ne devrait être exclu du fait de son origine, de celle de ses parents ou de son conjoint, rappelle mardi HRW.
La RDC doit organiser le 20 décembre une élection présidentielle, qui sera couplée aux législatives ainsi qu'aux élections des députés provinciaux et des conseillers communaux.